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Reviewed by:
  • Du pacifisme en Amérique. Howard Zinn et la gauche, de la Seconde Guerre mondiale au Vietnam by Ambre Ivol
  • Sarah Fila-Bakabadio
Ambre IVOL, Du pacifisme en Amérique. Howard Zinn et la gauche, de la Seconde Guerre mondiale au Vietnam, Paris, Armand Colin, 2017, 288 p.

L'ouvrage d'Ambre Ivol, issu de sa thèse de doctorat, aborde un chapitre mal connu, y compris par de nombreux nord-américanistes : les mouvements pacifistes aux États-Unis formés après la Seconde Guerre mondiale. Ce thème sonne comme une contradiction : comment émerge une tradition pacifiste dans un pays engagé depuis plus d'un siècle dans de nombreux conflits internationaux et où la violence impacte les rapports sociaux depuis ses origines ?

Entre 1945 à 1975, de la Seconde Guerre mondiale à la guerre du Vietnam, Ambre Ivol montre que le pacifisme, et à travers lui l'histoire de la gauche aux États-Unis, n'est pas anecdotique. Au contraire, il est un aspect récurrent–même si peu visible–du débat public aux États-Unis. Par un récit sur la longue durée, mêlant généalogie de la contestation et focus sur des trajectoires individuelles (leaders politiques ou universitaires pacifistes), l'auteure montre que le pacifisme [End Page 171] fait partie de l'histoire de la nation américaine. Du début du XXe siècle à nos jours, il est un instrument dans les luttes contre les discriminations, voire un recours pour les critiques du pouvoir fédéral. Il est aussi une idéologie de la « convivance » que certains chercheurs-activistes, dont Howard Zinn, fil rouge de cet ouvrage, utilisent pour penser les rapports politiques et sociaux dans le monde. Les mouvements Black Lives Matter et March For Our Lives confirment aujourd'hui que les manifestations pacifiques et la résistance passive ont toujours été des modes d'expression d'une citoyenneté américaine.

Cette monographie replace donc le pacifisme dans une temporalité longue qui fait apparaître un microcosme pacifiste où les relations entre membres de partis, vétérans, représentants des minorités dites « ethniques », étudiants et syndicalistes initient des actions collectives et des coalitions. Le pacifisme est à la fois une critique de la capacité de l'État à choisir ce qui est bon pour le peuple et un refus de guerres menées au nom des Américains. Ambre Ivol montre qu'il n'existe pas un discours pacifiste homogène. Les scissions politiques et idéologiques comme les conflits de personnes ont conduit à un éparpillement des pratiques et des idées qui ont fait émerger des pacifismes aux formes diverses. Entre les années 1940 et 1950, le Parti communiste américain le conçoit comme une synthèse de l'esprit de la révolution de 1917 et d'un socialisme révolutionnaire américain pourtant ancré dans « le monde libre ». Les syndicats le voient comme une stratégie du bottom-up, tandis que, dans les années 1960 et 1970, les étudiants, notamment représentés par le SDS (Students for Democratic Society), l'utilisent pour rappeler que le « gouvernement du peuple [doit être] par le peuple et pour le peuple ». Les trajectoires se croisent, à l'image de celles de Howard Zinn, Dave Dellinger et Daniel Berrigan, penseurs et activistes pour qui le pacifisme oscille entre antimilitarisme, épitomé d'une lutte démocratique globale et mise en oeuvre du principe chrétien : « tu ne tueras point ». Chaque individu, chaque groupe compose son pacifisme.

De manière prévisible, cette idéologie apparaît dans les marges de la société américaine, au sein des mouvements ouvriers, dans les syndicats et parmi les minorités racisées. Elle est d'abord et toujours portée par un espoir de justice sociale. Cependant, l'auteure montre que le pacifisme ne devient jamais une pensée dominante dans les mobilisations politiques américaines. Il intègre des répertoires de la lutte et initie de nouvelles formes d'actions (les sit-ins ou les teach-ins) pour les laissés-pour-compte. Il semble nécessairement être un discours de la dissidence qui va au-del...

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