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  • Retourner à la terre. L'utopie néo-rurale en Ardèche depuis les années 1960 by Catherine ROUVIÈRE
  • Paolo Stuppia
Catherine ROUVIÈRE, Retourner à la terre. L'utopie néo-rurale en Ardèche depuis les années 1960, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2015, 500 p.

« Pourquoi, à partir des années soixante, les espaces désertifiés du territoire français voient-ils arriver par vagues successives des populations urbaines désireuses de retourner à la terre ? Quels sont les ressorts de cette démarche empreinte d'utopie ? […] Et avec quels résultats à l'échelle locale et nationale 3 ? » C'est dans une perspective historique que Catherine Rouvière entend répondre à ces questions dans un ouvrage issu de sa thèse de doctorat, soutenue en 2011. Proposant une mise à jour des travaux menés par les sociologues dans les années 1970-1980 autour de ces citadins partis à la campagne, dans l'après-1968, pour expérimenter « une autre manière de travailler, de consommer, de vivre en couple et en famille et de se rapporter à la nature 4 », l'auteure mobilise une multitude de sources–écrites, orales, visuelles, officielles ou alternatives–pour étudier le cas de l'Ardèche, département pionnier et bastion actuel du phénomène du retour à la terre.

Choisi pour sa valeur « métonymique » (p. 11), ce cadre n'en demeure pas moins spécifique : du point de vue géographique, tout d'abord, car les néo-ruraux se regroupent–du moins initialement–dans une enclave, le relief des Cévennes, « alliant beauté et pauvreté, […] paysages inexplorés » (p. 125) et de faibles possibilités de mécanisation agricole (p. 117-120) ; du point de vue démographique, ensuite, tant la venue de ces urbains semble avoir compensé, en l'espace de quelques décennies seulement, un exode rural plus que séculaire (p. 337-365) ; du point de vue administratif, enfin, car le département a été désigné–très tôt, du fait de la présence massive de « néo-cévenols », synonyme ici de « néo-ruraux »–comme un laboratoire d'expérimentation des politiques publiques d'aménagement du territoire (p. 248-261). De nombreux autres facteurs, tantôt objectifs (faible prix du foncier, installation de quelques précurseurs avant 1968), tantôt de l'ordre des représentations (terre de résistance au pouvoir étatique, retraite d'artistes), contribuent à faire de l'Ardèche un cas singulier, que l'auteure essaie néanmoins de replacer dans un contexte plus général par la comparaison avec d'autres espaces touchés par le phénomène (Alpes de Haute-Provence, Pyrénées…).

L'ouvrage se veut témoin d'un certain nombre de « tendances et de contradictions » qui, comme le note Pascal Ory dans la préface, « ont fini par mettre en branle tout le monde rural français » (p. 11). Cette volonté d'encastrer le local dans le global s'exprime, au fil des pages, par un dialogue constant entre le « retour » ardéchois et les grandes évolutions sociologiques, économiques et politiques de l'ensemble du pays, « donnant à voir la confrontation entre des forces en gestation [End Page 160] […] d'origine urbaine, désireuses d'interroger la société dont elles sont le produit […] et de contester le modèle de croissance capitaliste » (p. 17-18), et « des forces en voie d'effacement, […] la population agricole victime de la modernisation engagée au nom du même modèle » (ibid.), auprès de laquelle les néo-cévenols recherchent des solutions d'avenir et une source partielle d'inspiration. Ce faisant, c'est le rapport séculaire entre ville et campagne qui se trouve modifié par annexion de la seconde par la première, tant en ce qui concerne le mode de vie que l'évolution de ses fonctions. Les linéaments une fois posés par les néo-ruraux dans les espaces désertifiés, les caractéristiques majeures de cette mue civilisationnelle se diffusent par capillarité à la société globale (p. 18).

Dans une première partie, l'auteure présente la complexit...

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