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  • Génocide et crimes de masse. L'expérience rwandaise de MSF 1982–1997 by Jean-Hervé Bradol et Marc Le Pape
  • Philippe Blackburn
Bradol, Jean-Hervé et Marc Le Pape, Génocide et crimes de masse. L'expérience rwandaise de MSF 1982–1997, Paris: CNRS Editions, 2017, 277 pages.

Les contextes de crimes de masse et de grandes violences permettent depuis toujours de pointer les limites et les ambiguïtés de l'action humanitaire. C'est sans doute l'une des principales qualités de l'ouvrage Génocide et crimes de masse. L'expérience rwandaise de MSF 1982–1997, que d'approfondir l'ambiguïté paradoxale de l'action humanitaire.

Écrit par Jean-Hervé Bradol, qui était secouriste pour Médecins sans frontières (MSF) lors du génocide rwandais de 1994 et qui est aujourd'hui directeur de recherche au Centre de Réflexion sur l'Action et les Savoirs Humanitaires (CRASH) de MSF, ainsi que par Marc Le Pape, sociologue et spécialiste [End Page 548] des Grands Lacs au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'ouvrage parvient à remplir ses promesses malgré qu'il s'attarde peut-être trop longuement sur les années précédant le génocide rwandais.

L'ouvrage de 277 pages revient plus de 20 ans en arrière pour explorer l'expérience de secours humanitaire au Rwanda et dans l'est du Zaïre–aujourd'hui République démocratique du Congo (RDC)–lors de la première guerre du Congo de 1996–1997. Il est divisé en quatre chapitres principaux présentés selon un ordre chronologique, débutant en 1982 jusqu'à 1997. Une conclusion vient fermer cette étude qui permet d'explorer les grandes questions éthiques qui secouent encore aujourd'hui l'humanitaire international.

L'ouvrage s'inscrit aussi dans la perspective ouverte par Médecins Sans Frontières en 2011, où l'organisation relativisait l'absolutisation des principes humanitaires de neutralité et d'impartialité pour rappeler que les interventions humanitaires se déploient toujours dans un espace de négociation pour l'accès aux victimes–et non dans un horizon de principes purs et abstraits.

Dès lors, qu'en est-il des principes humanitaires dans un contexte de grandes violences et même de génocide, comme celles que traversèrent le Rwanda et l'Est de la RDC entre 1994 et 1997? Comment les équipes ont-elles pu négocier l'accès humanitaire et maintenir une présence? Avec qui les équipes ont-elles négocié? Jusqu'où était-il même possible de secourir sans participer à la barbarie en cours? Ou encore, comme le dit l'ouvrage: « Comment, dans l'urgence, saisir les dynamiques politiques et sociales propres aux différentes situations de violences extrêmes? Comment éviter de devenir victime ou auxiliaire des forces criminelles? Comment rester efficace dans de telles situations? » (p. 29).

Pour répondre à ces questions, Bradol et Le Pape s'appuient sur l'étude des archives de MSF tout en questionnant le travail concret effectué par les équipes de terrain dans ce contexte de génocide et de crime de masse. Ce faisant, l'ouvrage fournit un témoignage exceptionnel de la complexité des opérations de secours dans des situations de violences extrêmes, même si la référence fréquente aux archives rend parfois la lecture un peu ardue. Ce travail permet en outre de refaire une partie de l'histoire de MSF et de l'humanitaire contemporain à partir du début des années 1980, tout en confrontant les grandes questions que l'on peut trouver dans les opérations de secours en contexte de guerre.

La principale force de l'ouvrage est d'affronter la question de la manipulation de l'aide humanitaire en contexte de génocide de manière frontale et sans faux-fuyant. Bradol et Le Pape rappellent à ce titre que pendant le génocide rwandais de 1994, MSF s'était retiré du Rwanda pour en appeler à une intervention militaire et avait publié ce communiqué dans les pages du journal Le Monde, en intitulant l'article qui deviendra un slogan...

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