In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • "Écritures de la contestation. La littérature des années 68." Études Françaiseseds. by Jean-François Hamel et Julien Lefort-Favreau
  • Éric Trudel
Jean-François Hamel et Julien Lefort-Favreau, Éditeurs. "Écritures de la contestation. La littérature des années 68."Études Françaises. Montréal: Presses de l'Université de Montréal, volume 54, numéro 1, 2018. 192 pp.

Dans un ouvrage intitulé L'Événement 68, publié d'abord en 2008 aux éditions Complexe puis repris chez Flammarion il y a quelques mois à peine, l'historienne Emmanuelle Loyer ironise sur la reprise cyclique des commé-morations de Mai 68, rituel déployé "chaque année en '8'," et s'interroge sur "l'abondance inquiétante" (7) des livres qui, chaque fois, l'accompagnent. [End Page 353]Le 50 eanniversaire, qui voit à nouveau surgir cette "fièvre de retours" (Jean-Christophe Bailly, Un arbre en mai, Seuil, 2018), offre encore une fois l'occasion de très nombreuses publications consacrées au légendaire printemps. À tel point que l'on pourrait se demander, gardant en mémoire l'avertissement de Kristin Ross, selon qui c'était "l'énorme littérature sur le sujet—et non son occultation—qui, paradoxalement, a[vait] favorisé l'oubli des événements" ( Mai 68 et ses vies ultérieures, Agone, 2010, 10), non pas: que restet-il de Mai 68?(question usuelle), mais bien plutôt peutêtre: que restet-il encore à en dire? Il serait pourtant dommage que, dans un tel déluge éditorial, la publication du plus récent—et passionnant—numéro de la revue Études françaises, dirigé par Jean-François Hamel et Julien Lefort-Favreau et qui prend pour thème "la littérature des années 68," passe inaperçu. Dans leur "Présentation," Hamel et Lefort-Favreau expliquent vouloir prendre à contre-pied un "consensus critique" (6), d'ailleurs réitéré par Kristin Ross au moment de rédiger son excellent ouvrage: que les événements de Mai n'auraient eu pour ainsi dire que peu ou pas d'effet en littérature. Or, une telle perspective peut être renversée à condition de résister à la réduction chronologique pour adopter une "périodisation longue" (8) et s'intéresser aux "années 68" ou, comme le propose plus loin Lefort-Favreau dans sa propre contribution, à un "long Mai 68" (37); à condition, aussi, de chercher à saisir un tel effet non pas à travers l'analyse thématique ou en termes de représentation, mais dans la prise en compte de "l'incidence de Mai 68 sur l'histoire des 'politiques de la littérature' "(8), et cela en insistant tout particulièrement sur diverses modalités du communlittéraire (sujet collectif, énonciation plurielle ou anonyme, démocratisation de la parole, etc.). Car l'ambition déclarée de ce dossier est en effet de montrer combien ces années ont, contrairement à l'idée reçue, profondément modifié les rapports entre littérature et politique; ces "écritures de la contestation" donneraient ainsi à voir, pour qui se donne un peu la peine d'y regarder de plus près, de nouvelles "formes et visées de l'engagement" littéraire (12).

Boris Gobille, qui signe la première des sept contributions—et qui est aussi l'auteur de Mai 68(la Découverte) et Le Mai 68 des écrivains(CNRS éditions) parus l'un et l'autre cette année—choisit de s'intéresser aux avant-gardes. Celles-ci, forcément "interpellées" (15) par les événements de Mai, se trouvent dès lors tiraillées entre deux régimes essentiellement incompatibles: l'un—littéraire—de singularité, et l'autre—politique—de communauté. Ainsi, pour prendre ce seul exemple (mais l'auteur propose deux autres cas dont on pourrait se demander—unique réserve—s'il s'agit [End Page 354]d'avant-gardes au sens propre), si la légitimité révolutionnaire du groupe Tel Quelrepose d'abord sur l'impérieuse affirmation d'une "compétence théorique" de pointe (20), une telle exclusivité vient brutalement (et inconfortablement) s'inscrire contre...

pdf

Share