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  • Vers une histoire sociale des idées politiques dir. by Chloé Gaboriaux et Arnault Skornicki
  • Yvan Lamonde
Gaboriaux, Chloé et Arnault Skornicki (dir.) – Vers une histoire sociale des idées politiques, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, 319 p.

Imaginons un historien qui aurait connu Dupront, Canguilhem, Mandrou, Chartier, Ory, Sirinelli, puis Darnton, John Hingham, Raymond Williams et finalement Angenot; imaginons qu'il ait lu leurs travaux et leurs réflexions critiques et épistémologiques sur leurs pratiques. Cet historien saurait qu'il y a une histoire de l'histoire des idées, une historiographie du domaine qui exigerait une histoire, sociale ou pas, des positions sur l'histoire des idées. Une histoire sociale de l'histoire sociale des idées politiques ou autres. L'homme ne sort pas du temps, l'historien ne sort pas de l'historiographie; il en part et s'en « échappe » avec plus ou moins de bonheur, avec plus ou moins d'illusion. [End Page 427]

Bien conscients de la diversité et des évolutions des conceptions de l'histoire des idées politiques, les directeurs de ce collectif d'auteurs présentent cette réflexion collective comme « une invitation à penser les défis ». Cette perspective dynamise avec bonheur l'effort de conceptualisation en 19 textes de ce domaine historiographique, non sans que Chloé Gaboriaux écrive : « L'histoire sociale des idées politiques, telle qu'elle est discutée dans ces pages, n'a rien – encore ? – d'un programme » (p. 265). Souhaite-t-on un programme autre que celui d'un angle social d'analyse des idées, y compris des idées politiques ?

En une vingtaine de pages, l'introduction définit les termes histoire, histoire sociale, idées politiques, tout en réussissant un tour de jardin intellectuel fort stimulant. Les politologues font la preuve en pensant que les sciences sociales sont interconnectées : toute contemporaine qu'elle puisse être, une idée politique a une histoire, et la « science » politique ne semble pas suffire à penser cette histoire, pas plus qu'une « sociologie des idées ». Pour en finir avec une conception traditionnelle d'histoire des idées et récuser l'immatérialité des idées qui a caractérisé une approche philosophique, force est donc de reconnaître la matérialité et l'historicité de ces idées et d'arrimer textes et contextes.

Il n'y a pas plus d'unanimité à propos de la définition de l'histoire sociale qu'à propos de celle de l'histoire des idées. S'il y a unanimité, c'est dans l'impératif catégorique de mettre les idées en contexte, de les faire entrer dans le temps, dans leur temps. Les directeurs rappellent (p. 16) l'utile caractérisation de l'histoire sociale en trois tendances d'Eric Hobsbawm : les luttes sociales, les pratiques populaires ou, plus largement, l'histoire sociale qui avance à l'ombre de l'histoire économique. Qu'est-ce donc qu'une contextualisation sociale ? Une analyse des institutions qui rendent telle idée politique possible et la diffusent ? Les idées politiques de tel syndicat plus ou moins radical ? Les idées de tel groupe social ou de tous les groupes sociaux d'une ville donnée sur un sujet spécifique ? On appréhende bien qu'un enjeu de fond réside dans l'objet retenu, à construire, construit. Doit-on se satisfaire de l'affirmation selon laquelle « l'histoire sociale est moins un domaine circonscrit de la réalité qu'on pourrait distinguer de "l'économique", de la "politique", de "l'idéologique" ou du "culturel", qu'une perspective et un mode de questionnement sur l'ensemble des domaines » (p. 17) ? De quoi cette perspective se nourrit-elle ?

Une façon de comprendre ce qu'est une « idée politique » consiste à se demander ce que serait une idée non politique. Une idée scientifique ? La thermodynamique, la circulation sanguine. La méthode serait-elle différente ? Une idée culturelle ? L'imprimerie, le romantisme, l'auteur. Une présomption voudrait qu'une idée, quelle qu'elle soit, finisse toujours par être politique. Finitelle du coup par être sociale...

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