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Reviewed by:
  • Techniciens de l'organisation sociale. La réorganisation de l'assistance catholique privée à Montréal (1930-1974) by Amélie Bourbeau
  • Frédéric Viguier
Bourbeau, Amélie – Techniciens de l'organisation sociale. La réorganisation de l'assistance catholique privée à Montréal (1930-1974), Montréal et Kingston, McGill-Queen's University Press, 2015, 327 p.

L'ouvrage d'Amélie Bourbeau est issu d'une thèse soutenue en 2010 sur la transformation du monde de la charité privée à Montréal entre le début des années 1930 et celui des années 1970. Selon l'auteure, cette période négligée par l'historiographie de la protection sociale au Québec a pourtant été décisive : jusqu'alors éparpillée en de multiples institutions mal financées et reposant sur l'initiative individuelle, la charité catholique s'est coordonnée au cours de ces quarante ou cinquante années, a rationalisé son financement, professionnalisé son recrutement et modernisé son travail social. Bref, en matière de protection sociale, la Révolution tranquille constitue une césure peut-être moins nette que ne le croit une historiographie trop préoccupée par la question de l'étatisation. Des tendances de fond ont préparé et rendu possible l'étatisation de l'assistance. Le monde de la charité catholique, souvent dépeint comme plus réfractaire à la rationalisation que ceux de la charité protestante ou juive, n'a pas échappé à un phénomène wébérien de bureaucratisation. L'enquête historique repose sur un travail documentaire convaincant qui a consisté à examiner à la fois des sources [End Page 425] imprimées (presse généraliste et spécialisée, rapports d'experts) et les archives des organismes privés d'assistance, des fédérations financières et d'acteurs importants de cette histoire.

Les deux premiers chapitres de l'ouvrage racontent l'émergence de fédérations financières puissantes qui ont à la fois centralisé, rationalisé et développé le financement des organismes d'assistance charitable. Ces fédérations se sont structurées sur une base à la fois ethnique et religieuse, dans un contexte de crise du financement de la charité après la Première Guerre mondiale. En examinant la composition des conseils d'administration de ces fédérations financières des années 1930 aux années 1960, Bourbeau fait apparaître quelques grandes tendances de leur composition sociale. Elles étaient surtout constituées de laïcs, d'hommes (Bourbeau tient à souligner comment cette modernisation s'est faite au détriment des femmes, largement exclues des postes de direction de l'assistance) et de membres des milieux bancaires et de la finance. Les préférences pour une gestion bureaucratisée que ces nouveaux cadres bénévoles se sont forgées dans leurs entreprises se sont ensuite étendues à leurs pratiques de gestion de l'assistance. Ils ont délégué une partie de plus en plus grande de la gestion des fédérations à des professionnels salariés, conservant pour eux-mêmes un rôle de surveillance. Au fil du temps et à mesure que grandissaient les fédérations et les objectifs des campagnes de financement, ces bénévoles ont peiné de plus en plus à suivre tout le travail accompli par le personnel salarié. La centralisation et la bureaucratisation du financement ont eu des conséquences directes sur les œuvres locales membres des fédérations : dans une grande mesure, elles ont été conduites à tenir leurs comptes et à en rendre pour bénéficier des financements, même si Bourbeau souligne que les fédérations ont fait preuve de souplesse dans l'application de leurs normes comptables. Au total, l'auteure décrit une intéressante ruse de l'histoire : fondées pour résister à l'emprise croissante de l'État sur l'assistance, les fédérations ont mis en œuvre un fonctionnement de plus en plus laïc, professionnalisé et bureaucratisé.

Si le livre de Bourbeau propose une analyse nuancée des différentes fédérations financières, le lecteur reste un peu sur sa faim en ce...

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