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  • L'Antiquité écarlate : le sang des Anciens par Lydie Bodiou et Véronique Mehl, dirs.
  • Dimitri Tilloi-D'Ambrosi
L'Antiquité écarlate : le sang des Anciens Lydie Bodiou et Véronique Mehl (dir.) Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2017, 304 p., 22 €

La diversité des contributions qui composent cet ouvrage issu d'un colloque organisé à Lorient en 2014 exprime tout l'intérêt de l'étude du sang de l'époque homérique jusqu'à la fin de l'Antiquité. Ce volume complète plusieurs publications déjà réalisées aux Presses universitaires de Rennes sur le corps antique. [End Page 440]

La première partie porte sur le pouvoir du sang. Elle débute par la présentation des conceptions médicales autour de ce fluide et de ses mécanismes de transformation d'où résultent le sperme, le sang menstruel et le lait maternel selon les théories humorales. Cette typologie hiérarchise les fluides biologiques et différencie le corps de l'homme de celui de la femme. Les propriétés chromatiques du sang sont ensuite appréhendées à partir de la lexicologie déployée dans la poésie grecque, surtout dans un contexte rituel ou guerrier. L'exemple du manteau rouge des soldats spartiates (phoinikis) étudié d'après les sources littéraires, mais aussi d'un point de vue plus matériel à travers les techniques tinctoriales, illustre cette association. La couleur de ce vêtement le rattache au monde des armes et au sang, par exemple chez Aristote. L'étude des blessures et de leur mise en scène, notamment dans l'iconographie, constitue le dernier point de cette partie. Elles sont un signe d'héroïsme, alors que leur mise en scène fait du geste thérapeutique un spectacle où la dimension érotique peut être sous-jacente.

La deuxième partie concerne les aspects symboliques du sang. Elle débute par une recherche sur le sang menstruel en contexte rituel. Une femme ayant ses règles peut être souillée et empêchée de participer aux rites dans le monde grec. Toutefois, de tels interdits restent marginaux, ils concernent surtout les cultes orientaux et apparaissent essentiellement à l'époque hellénistique. Le sang est pourtant présent dans les sacrifices, notamment chez les Étrusques, puisque dans cette civilisation l'examen des entrailles des victimes permet de percevoir les signes divins, alors que les viandes sont partagées lors de banquets. Le sang est aussi une offrande faite aux morts pour leur garantir une survie après le trépas. Paradoxalement, la fin de cette partie montre que si le sang coule lors du sacrifice chez les Grecs et les Romains, il est nécessaire de maîtriser ses jaillissements pour l'empêcher de trop se répandre, ce qui peut être un mauvais présage. Chez les Romains, lorsque le sang apparaît sur les armes ou sur les statues dans les prodiges, il s'agit en effet d'un signe néfaste.

La troisième partie aborde le sang à travers la construction de la famille. L'enjeu est biologique, mais aussi idéologique chez Platon et Aristote, malgré leurs divergences de points de vue sur la primauté du sang par rapport au lien affectif. La pureté de la lignée et l'élaboration du lien familial peuvent conduire à des formes d'eugénisme, car le sang porte des qualités morales et physiques. De même, à Rome le sang occupe une place cruciale dans la construction idéologique des familles nobles, où sa transmission et sa pureté sont des marqueurs identitaires forts à l'origine du pouvoir. Les considérations sur le sang s'inscrivent [End Page 441] dans les stratégies matrimoniales où se confrontent la volonté de défendre la pureté d'une lignée et celle d'affirmer une influence. L'idée d'une communauté de sang dans le cadre de l'union de deux familles permet de pallier à ce problème et de perpétuer un lignage. C'est pour-quoi l'arbre généalogique (stemma) joue à Rome un rôle si important pour les nobles, qui se mettent...

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