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  • L'économie sociale et solidaire. Une histoire de la société civile en France et en Europe de 1968 à nos jours by Timothée Duverger
  • Axelle Brodiez-Dolino
Timothée DUVERGER, L'économie sociale et solidaire. Une histoire de la société civile en France et en Europe de 1968 à nos jours, Lormont, Le Bord de l'Eau, 2016, 414 p.

L'économie sociale et solidaire (ESS) a deux histoires. La première, celle de son « invention », a été écrite en 1987 par André Gueslin, puisant à ses propres travaux des années 1970-1980 ainsi qu'à ceux développés sur les mutuelles et les coopératives. Les chemins des différents secteurs ont ensuite bifurqué et l'économie sociale n'avait plus qu'une existence « en soi », réduite à l'état de latence. La seconde phase, celle du « pour-soi », s'est ouverte depuis les années 1970 avec le rapprochement des branches historiques et une progressive institutionnalisation. C'est cette histoire, encore en cours, que Timothée Duverger propose ici, à partir d'une thèse soutenue en 2015. L'auteur n'en est pas à son coup d'essai puisqu'il a déjà signé des travaux sur La décroissance (2011), Le Parti socialiste et l'écologie (2013) et La modernité relationnelle (2013). Ses proximités politiques s'affichent d'ailleurs dans la préface, signée Benoît Hamon, premier ministre français de l'ESS et père de la loi de 2014.

Une première partie, « Organiser la société civile de l'ESS », retrace le travail d'élaboration démocratique permettant le passage de « l'en-soi » au « pour-soi ». En juin 1970 est créé un Conseil national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives, au faible pouvoir mais visant à construire une parole commune et à peser sur les politiques publiques. Plusieurs organisations gravitent autour, souvent créées par lui : ainsi, le Centre d'information sur les innovations sociales (Ciis) en 1976, ou l'Association pour le développement de la documentation sur l'économie sociale (Addes), créée en 1982 avec le soutien du Crédit coopératif, ou Uniformation. Dès janvier 1977, le terme « d'économie sociale » fait son retour, tandis qu'une Fédération de l'économie sociale, créée en 1980 par Michel Baroin, devient jusqu'en 1987 une forme de pendant privé de la Délégation interministérielle à l'économie sociale. Le Collège coopératif de Paris, fondé en 1958 par Henri Desroche au sein de l'École pratique des hautes études, est lui au cœur des formations théoriques. Parallèlement, une « économie alternative » émerge autour des Réseaux espérances, avec pour principale structure l'Agence de liaison pour le développement des entreprises alternatives (Aldea). En 1989, chargée de préparer le contre-sommet du G7, The Other Economic Summit, elle converge avec l'altermondialisme naissant, tout en faisant émerger le concept « d'économie solidaire », travaillé par Jean-Louis Laville et Bernard Eme. En 1991, les Clubs d'investisseurs pour une gestion alternative et locale de l'épargne solidaire, ou Cigales, intègrent ce réseau. Dès la fin des années 1970, le modèle français d'économie sociale exporte aussi sa cause au niveau européen, avec le soutien du Conseil économique et social européen. [End Page 205]

L'ESS est aussi étudiée, dans une deuxième partie, comme « une idée qui fait son chemin ». Elle puise dès le XIXe siècle à trois principaux courants : la franc-maçonnerie, le christianisme et le socialisme. La résurgence de la fin des années 1970 est due notamment au courant rocardien, à la recherche d'une traduction économique concrète du concept d'autogestion. À la fin des années 1990, les rapports entre État et économie sociale sont également réinterrogés par les écologistes qui entretiennent depuis longtemps, notamment via Alain Lipietz, des liens étroits avec l'économie alternative, puis solidaire. Depuis la crise économique de 2007-2008, enfin, le Parti socialiste renoue lui aussi avec l'économie sociale, autour de proches de Benoît Hamon. L'ESS...

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