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  • Les pratiques syndicales du droit. France XXe-XXIe siècles dirs. by André Narritsens et Michel Pigenet
  • Benjamin Pabion
André NARRITSENS et Michel PIGENET, (dir.), Les pratiques syndicales du droit. France XXe-XXIe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Pour une histoire du travail », 2014, 456 p.

Les études sur le syndicalisme ont connu, ces dernières années, un renouveau important chez les historiens, sociologues et politistes. L'ouvrage Les pratiques syndicales du droit. France XXe-XXIe siècles, issu d'un colloque du même nom coorganisé par le Centre d'histoire sociale du XXe siècle et l'Institut Confédération générale du travail (CGT) d'histoire sociale, en mai 2011, s'inscrit dans la continuité de ces travaux sur le syndicalisme, en interrogeant ce qui était encore un « angle mort » de la recherche : les rapports des syndicalistes au droit. L'ambition des contributeurs, d'horizons divers, est de balayer un champ de recherche encore trop peu exploré, dans une perspective pluridisciplinaire affirmée (on retrouve ainsi parmi les auteurs des historiens, politistes, sociologues, juristes, syndicalistes et historiens du droit). Cette diversité des approches constitue probablement l'un des principaux atouts de l'ouvrage.

Préfacé par André Narritsens et introduit par Michel Pigenet, l'ouvrage s'intéresse d'abord aux pratiques syndicales, mettant volontairement de côté l'analyse des discours, qui constituerait un objet de recherche à part entière. Les auteurs sont parvenus à organiser de manière cohérente et claire les différents travaux, malgré le choix de contributions de natures diverses, organisant l'ouvrage de vingt-sept chapitres en quatre parties : « Penser et organiser l'intervention syndicale », « Produire des normes », « La justice comme recours » et « L'arme du droit : usages et contournements ». Le champ couvert est vaste : si la « couverture chronologique [est] lacunaire » (p. 16), c'est aussi ce qui permet de laisser de la place à des articles non strictement historiques.

La première partie aborde historiquement et sociologiquement la construction par les syndicats de leur rapport au droit, notamment à travers la constitution et la mobilisation des revues syndicales juridiques en parallèle à la création puis à la « maturation des secteurs juridiques confédéraux », donnant lieu à la constitution d'une « stratégie judiciaire » de la part des principales confédérations. Les auteurs restituent finement les hésitations des différents acteurs (syndicats mais aussi patronat) face à la « révolution par la loi » que représentent dans un premier temps les accords de Matignon (Morgan Poggioli), entraînant des bouleversements symboliques (le patronat accepte les syndicats comme interlocuteurs légitimes), légaux (mise en place des conventions collectives), mais aussi très pratiques (appropriation par les syndicalistes, dans un laps de temps très court, d'un fonctionnement juridique complexe). Les revues juridiques éditées par les syndicats constituent alors un outil central, qui dépasse rapidement la seule sphère militante pour être [End Page 181] approprié par les praticiens du droit, acquérant de fait une certaine autonomie (Frédérick Genevée). Laurent Willemez constate que les revues Droit ouvrier (CGT) et Action juridique CFDT se sont ouvertes, après-guerre, aux universitaires, absents (ou presque) des comités de rédaction de ces publications à leur création. L'auteur revient sur le triple discours véhiculé par ces revues, lié au type de public visé : un discours pédagogique, à destination des militants, qui cherche à rendre accessibles les textes de droit ; un discours d'organisation, qui transmet les positions syndicales et confédérales aux lecteurs ; et un discours académique, plus rare, mais marqué par quelques articles. Pour Laurent Willemez, les revues donnent la priorité aux pratiques : « si elles contiennent des injonctions politiques et stratégiques, les revues constituent d'abord un lien entre le service juridique national, les unités territoriales et les conseillers aux Prud'hommes ; elles s'inscrivent donc d'abord dans l'économie des pratiques juridico-syndicales » (p. 58). Laurent Milet, en revenant sur l'histoire et le rôle de la Revue pratique de droit social, insiste également sur l'ambition originelle de formation et de diffusion du droit...

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