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  • Histoire De L'oit
  • Véronique Plata-Stenger
Thomas CAYET, Rationaliser le travail, organiser la production : le Bureau international du travail et la modernisation économique durant l'entre-deux-guerres, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Pour une histoire du travail », 2010, 284 p.

La mobilisation industrielle durant la Première Guerre mondiale a puissamment contribué à transformer les modes d'organisation de la production. Elle fut à l'origine d'une intervention accrue de l'État dans l'économie et de la mise en place d'une coopération avec les milieux syndicaux. La création en 1919 de l'Organisation internationale du travail (OIT) découle directement de l'importance nouvelle, consacrée par la guerre, des questions du travail dans la régulation des relations internationales. Elle est le résultat des réflexions des États industriels sur la nécessité de placer la législation du travail au croisement des intérêts nationaux et internationaux. Elle constitue aussi une réponse aux revendications du mouvement syndical international, soutenu par une « nébuleuse réformatrice » transnationale, essentiellement européenne, qui a contribué à faire de la protection internationale des travailleurs une réalité. Pour Albert Thomas, fonctionnaire international français et premier directeur du Bureau international du travail (BIT), la nécessité d'assurer une forme de contrôle social sur la production fut une préoccupation constante. Il bâtit ses premières réflexions en puisant d'abord dans celles des socialistes réformistes européens de la seconde moitié du XIXe siècle et chercha ensuite à faire du BIT le lieu d'étude et de promotion d'une modernisation économique à vocation sociale.

Fondé en grande partie sur les archives du BIT, du Twentieth Century Fund et sur des archives privées, le livre de Thomas Cayet, issu d'une thèse de doctorat soutenue en 2005, explore un aspect peu connu des activités de l'OIT : la modernisation industrielle et, plus précisément, l'organisation scientifique du travail durant l'entre-deux-guerres. Il insiste également, et c'est là une autre nouveauté de son travail, sur l'influence des idées et expérimentations américaines dans les réflexions du BIT sur la rationalisation et la planification industrielles. Ce livre propose une analyse fine et solidement argumentée du rôle du BIT dans le développement de relations transatlantiques avec les réseaux progressistes américains, en particulier les milieux tayloristes, à l'origine de l'émergence d'un réseau transnational composé d'experts, d'ingénieurs, de hauts fonctionnaires, d'industriels et de syndicalistes mobilisés sur les questions d'organisation du travail et de modernisation de la production. Thomas Cayet étudie ce processus au prisme du fonctionnement de l'Institut international d'organisation scientifique du travail (IOST) fondé par le BIT en 1927.

L'ouvrage, qui se réclame de l'histoire sociale, met un soin particulier à identifier les acteurs, leur parcours et à analyser les raisons de leur engagement international. L'apport de ce choix méthodologique est double. Il permet de placer l'analyse du processus d'internationalisation de l'organisation scientifique du travail au croisement des échelles nationale et internationale. Il rappelle aussi que l'orientation des activités d'institutions internationales telles que l'OIT repose largement sur les logiques des acteurs qui les composent. [End Page 165]

L'introduction solide de l'ouvrage restitue les enjeux du débat sur l'organisation scientifique du travail au sortir de la Première Guerre mondiale, ainsi que la spécificité de l'engagement du BIT en faveur d'une régulation internationale de la modernisation économique qui soit compatible avec le développement des politiques sociales. La première partie de l'ouvrage retrace les étapes qui amènent à l'institutionnalisation d'un mouvement international organisateur du travail. Thomas Cayet insiste sur les contestations qui accompagnent ce processus et restitue en particulier les incertitudes quant à la définition à donner de l'organisation scientifique du travail. L'étude des congrès internationaux qui leur ont été consacrés permet d'appréhender ces divergences qui témoignent aussi de la nature controversée des discours scientifiques et des...

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