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  • Perspectives croisées
  • Gérard Keubeung and Véronique Porra
"Le 9–3, un territoire de la nation." Hérodote: Revue de géographie et de géopolitique162. Paris: La Découverte, 2016. ISBN 9782707191113. 224 p.

Le numéro 162 de la revue de géographie et de géopolitique Hérodotea choisi de porter son attention sur la situation du département de la Seine-Saint-Denis, ses problèmes et les enjeux qu'il représente au sein de la République Française. Le dossier au titre significatif "Le 9–3, un territoire de la nation," analyse à travers douze articles, précédés d'un éditorial de Béatrice Giblin, le caractère exceptionnel de ce département, présenté comme "le laboratoire expérimental de la situation postcoloniale" en ce qu'il comporte tous les défis et toutes les promesses de cette France qui a de la peine à regarder son passé colonial en face.

Les contributions réunies dans ce numéro partent de la prééminence de l'islam en Seine-Saint-Denis, du rôle que joue l'institution scolaire, de l'habitat, du problème de l'égalité entre les sexes pour se refermer sur les représentations que l'on donne des jeunes habitants et des fantasmes qu'ils suscitent. Soulevant la question du "défide l'islam en Seine-Saint-Denis," Wilfried Serisier présente un département envahi par l'islam et soumis au contrôle de ses dignitaires à travers la très puissante Union des Associations Musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93). En plus de la dimension spirituelle, il signale que l'UAM 93 joue un rôle de lobby électoral en ce qu'elle oriente le vote des fidèles musulmans et influence les élections locales et nationales, et ce d'autant plus que "le vote des citoyens de confession musulmane, qui représente 5 % du corps électoral à l'échelle nationale, peut donc s'avérer décisif […] en cas de forte abstention" (53). Pourtant, en dépit de cette forte présence, de cette étroite collaboration entre les élus locaux et les dignitaires religieux, le département détient le plus grand parc immobilier privé potentiellement indigne de la République. Si, d'un côté, l'auteur évoque les efforts faits par le gouvernement de la République pour assainir ces habitats indignes aux portes de Paris, il ne fait pas non plus abstraction du problème crucial qui est celui de l'appropriation de ces [End Page 289]logements par des personnes privées qui, au mépris des réglementations en vigueur, pratiquent la surenchère des prix. Ceci illustre le sentiment d'abandon de la part des autorités, qui excellent plutôt dans les opérations d'expulsion et la construction de résidences pavillonnaires pour une certaine classe au détriment de la grande masse populaire des déshérités.

Tandis que le désir de conserver le caractère populaire du département se heurte à une gentrification de plus en plus affirmée, la représentation de ce territoire, qui passe pour être le substitut de la "banlieue rouge," affiche une trajectoire de métropolisation différenciée et bien singulière. Une politique de la ville bien curieuse lui est en effet appliquée, ce qui amène Philippe Estebe à se demander naïvement si la Seine-Saint-Denis ne peut être considérée comme un territoire tremplin. Pourtant il n'en est rien. En effet, le département garde, dans l'esprit des Parisiens et des autres, l'image d'une véritable poubelle aux portes de la capitale, d'un ghetto tenu par des caïds qui sont experts en trafics de toutes sortes. Cette proximité avec la capitale, plutôt que de profiter au département, constitue un véritable handicap. Le défisécuritaire auquel est soumise la ville de Paris fait en sorte que le département de la Seine-Saint-Denis, qui compte à lui seul 6,5% des lieux de culte en France et 25% de ceux d'Île-de-France, passe pour être un...

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