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  • Jésus- Christ postmoderne: Les Réécritures romanesques contemporaines by Bruno Thibault
  • Isabelle Roussel-Gillet
Thibault, Bruno. Jésus- Christ postmoderne: Les Réécritures romanesques contemporaines. Boston: Éditions Brill-Rodopi, 2016. ISBN 9789004326934. 199 p.

Si l'on fait abstraction du prix de vente de cet ouvrage, on appréciera l'ampleur de son corpus contemporain, comportant quarante romans français parus entre 1974 (Le Messie de Jean Grosjean) et 2015 (Vie de Jude, frère de Jésus de Françoise Chandernagor) qui traitent de ce "sujet" comme matière à récits. Et ce, d'autant que le silence des Évangiles sur les trente premières années de Jésus favorise l'invention, Jésus n'ayant eu que trois années de vie publique.

Dans ses trois premiers chapitres, Bruno Thibault insiste sur l'opportunité de réécrire en adoptant le point de vue d'un personnage, fût-il secondaire (Simon en rival, Judas en complice de Jésus, Jean en homosexuel) et constate un éloignement vis-à-vis d'un modèle dogmatique. À l'issue des analyses méthodiques de chaque roman, pris un à un, sans suivre la chronologie de leur parution, le lecteur aura souvent l'impression que Jésus demeure en creux, objet du récit des témoins, dans la tradition des quatre évangiles, à la fois lacunaires et contradictoires. Et ce serait là la seule ressemblance entre les Évangiles et les romans tant les réécritures décalent le propos, réinventent au prisme des enjeux de société: il en est ainsi d'une lecture féministe héritée des années soixante qui redore la fonction d'héroïnes comme Marie, d'un virage des années soixante-dix propices à la croyance religieuse personnelle, ou des années quatre-vingt où il faut choisir entre agnosticisme et fondamentalisme, entre croyance et athéisme. Mais plus encore, la mort, l'Holocauste, le "gouffre noir sans fond" illustrent selon le critique le thème de la perte et de "l'absence de Dieu" (34). La "mélancolie christique" (15), la "dépression mélancolique de Lazare" (34), la conversion chrétienne de Pilate comme "expérience du chaos, une traversée de l'angoisse, un aveu de faiblesse humaine," sont autant de signes d'ombre. Les éléments contextuels sont précisés avec soin: sortie de l'antisémitisme après les ravages de 1945, découverte en 1978 d'un Évangile selon Judas, soit une conjugaison de facteurs qui réhabilitent Judas, figure plus longuement explorée ici sur dix pages. Marie-Madeleine, quant à elle, agace les apôtres du fait de sa relation privilégiée avec Jésus (68) et de son indépendance féministe: "La parole, il ne faut pas la demander, mais la prendre. Comme Jésus," comme l'écrit Aurélia Briac dans L'Évangile selon Marie-Madeleine, en 1984. Dans la multitude des données, un petit glossaire final offrirait une aide aux non-initiés, mais l'appareil des notes de bas de page donne fort heureusement les repères d'une nécessaire érudition entre Esséniens, Sadducéens, Caïnites, etc.

Le quatrième chapitre démontre que tout concourt à une démythologisation du Messie dont le royaume annoncé n'est pas venu, et ce, à travers cinq romans, de Decoin, Schmitt, Clément, Gallo et Manet, qui développent aussi le thème de la [End Page 276] violence mimétique et celui de la souffrance caractérisant le christianisme aux yeux de Julia Kristeva. Ce qui interpelle Tanguy Viel, dans le chapitre 5, ressortit plutôt à la trahison. Ce chapitre aborde trois récits qualifiés de "minimalistes" de Quignard, Rouaud et Viel, abordant la question du verbe. L'iconographie se voit néanmoins fortement convoquée, chez Rouaud en particulier, notamment pour la scène du Noli me tangere, ici lue à la lumière des écrits de Jean-Luc Nancy. Cette scène est d'ailleurs l'une des stations de l'histoire de Jésus qui traverse d'autres chapitres, et le critique interroge même son absence dans certains livres. Cependant, l'iconographie...

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