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  • Récrire l'égalité II
  • Denise Réaume

L'idée du Tribunal des femmes du Canada a germé il y a quatorze ans et, depuis lors, partout dans le monde on réécrit les jugements d'un point de vue féministe. L'idée a été reprise en Angleterre et au Pays de Galles1, en Australie2, en Irlande et Irlande du Nord3, aux É tats-Unis4 et en Aotearoa—Nouvelle-Zélande5. Un recueil de jugements internationaux réécrits est en chantier6. Un tel projet a démarré en Inde7,en É cosse8, en Afrique9 et on en prévoit un pour l'Amérique latine10. La recherche doctrinale féministe jouit d'une résurgence en partie grâce à cette forme créative de critique. Un projet en cours, qui vise à réécrire les décisions concernant les droits des Autochtones au Canada, est tout aussi excitant11. [End Page x]

Le Tribunal des femmes du Canada est unique, et pas seulement parce qu'il a été le premier à voir le jour. À l'origine du projet, nous avons décidéde « réécrire l'égalité», c'est-à-dire de réexaminer les jugements de la Cour suprême du Canada à propos de l'art. 15 ou plus généralement de l'égalité en tant que norme constitutionnelle. D'autres projets ont porté sur un large éventail de questions juridiques—depuis les contrats jusqu'au droit pénal, en passant par les impôts—et ont traversé les siècles. Nous avons décidé de tirer parti de la relative jeunesse de notre jurisprudence constitutionnelle sur l'égalité pour nous concentrer plus spécifiquement et peut-être, du moins le souhaitons-nous au plus profond de nos cœurs, avec un plus grand potentiel de transformation. En principe, on pourrait réécrire tous les jugements de la Cour suprême du Canada relatifs à l'égalité—après tout, il n'y en a pas tant que cela. Cela permettrait simplement de voir émerger une vision concurrentielle de la façon dont l'égalité réelle pourrait devenir une norme constitutionnelle. En tout cas, nous l'espérons. Le premier volume des arrêts du TFC visait à tracer la voie à suivre pour les futurs membres de la Cour. Avec ce deuxième volume, nous poursuivons ce but. Quelques membres permanents de la Cour et quelques nouvelles venues y ont participé. En effet, nous sommes particulièrement heureuses de célébrer la nomination au sein du TFC d'une de nos anciennes stagiaires, Kasari Govender. Nous en profitons pour rappeler notre existence à nos anciens amis et pour présenter une nouvelle génération de chercheures féministes et de défenseures de la rédaction de jugements féministes.

Notre projet est né de la frustration ressentie en raison de l'inconstance qui caractérisait la jurisprudence canadienne en matière d'égalité. Diana Majury évoque avec éloquence ce sentiment dans son magnifique essai introductif du premier volume des arrêts du Tribunal des femmes12. C'est ce que nous ressentions en 2004 à la suite de cas comme Law c Canada, Gosselin c Québec, Granovsky c Canada, Hodge c Canada et Auton c Colombie-Britannique13. L'idéal d'égalité réelle que les chercheures féministes, les avocates et les organisations militantes avaient tant essayé de semer dans les lois canadiennes ne prenait pas racine. Le soutien de façade et la rhétorique obscure n'arrivaient pas à dissimuler le fait que l'égalitéréelle semblait de plus en plus hors de portée. Nous avons pensé, lors de ce souper-atelier en 2004, que nous pourrions faire mieux. Nous avons voulu montrer comment rendre vivant notre idéal. [End Page xi]

Toutefois, à peine le premier volume de jugements publié, la Cour suprême rendait sa décision dans l'affaire R c Kapp14. Bien que la Cour suprême ait vraiment cru que ce jugement allait protéger la capacité des gouvernements à influencer favorablement la création de programmes visant à promouvoir l'égalité pour les groupes défavorisés, il a imm...

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