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  • L'Abbé de Saint-Pierre: entre classicisme et Lumières by Jean-Pierre Bois
  • Edward Ousselin
L'Abbé de Saint-Pierre: entre classicisme et Lumières. Par Jean-Pierre Bois. Ceyzérieu: Champ Vallon, 2017. 361 pp.

Le Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe, publié en 1713 et 1717, est quasiment le seul texte connu de nos jours de l'abbé de Saint-Pierre (1658–1743), qui a pourtant produit une œuvre abondante. Souvent moqué pour sa naïveté, parfois loué en tant que précurseur de l'idée d'une confédération européenne, Saint-Pierre a longtemps été considéré comme un auteur irréaliste et bourré de bonnes intentions, comme un doux rêveur utopiste. L'étude détaillée de Jean-Pierre Bois porte sur l'ensemble de l'œuvre de l'abbé polygraphe, qui fut par ailleurs un des rares 'immortels' à avoir été exclu de l'Académie française (en 1718, durant la Régence, pour avoir un peu trop clairement critiqué dans sa Polysynodie la façon de gouverner du défunt roi Louis XIV). Comme l'indique son sous-titre, le livre de Bois situe Saint-Pierre entre deux périodes historiques et politiques, ce qui fait de lui un auteur de transition, à la fois héritier de l'esthétique du classicisme et précurseur de la volonté de renouvellement des Lumières. Selon Bois, c'est au cours de la décennie 1710–1720 que Saint-Pierre 'a brusquement occupé l'espace de la pensée politique réformatrice avec trois grandes œuvres qui annoncent ses domaines de prédilection—la paix de l'Europe, la réforme fiscale en France, le gouvernement—, et lui ont valu d'être mis en marge du milieu qui était le sien' (p. 141; une erreur de bien peu de conséquence à signaler à la même page: Voltaire est né en 1694, pas 1696). Ce qui est relativement étonnant pour un homme d'Église, c'est que son œuvre 'ne contient aucun traité de caractère théologique' (p. 179). Apparemment plus soucieux du bien public que du salut des âmes (ou du moins ne voyant pas comment l'un pourrait s'opposer à l'autre), cet abbé réformateur a conçu beaucoup de grands projets pour améliorer ou 'perfectionner' la société de son époque, sans toutefois chercher à la transformer, comme le feront de nombreux penseurs ultérieurs. Bois consacre une section du chapitre 7 de son livre à la 'bienfaisance' (un mot que Saint-Pierre a peut-être inventé et certainement propagé), qui constitue une des lignes directrices de ses écrits et qu'il 'définit par cet autre concept: l'utilité publique' (p. 221). Dans plusieurs de ses textes, le souci du bien public, entreprise modeste mais utile, s'oppose à la quête vaniteuse de la 'gloriole' (un autre mot que Saint-Pierre semble avoir inventé). En matière de religion, Saint-Pierre était, en tenant compte des normes de son époque, peu dogmatique, se faisant 'le porte-parole' d'une 'Tolérance mutuelle', une trentaine d'années avant que Voltaire 'en appelle à son tour à la Tolérance' (p. 229). Si Bois rappelle souvent que Saint-Pierre était un précurseur dans bien des domaines, il n'hésite pas non plus à signaler ce qui rend l'abbé irritant jusqu'à nos jours, y compris sa tendance à se répéter tout au long de ses écrits, son 'ortografe' souvent fantaisiste et sa façon de présumer qu'il suffit de concevoir et de recommander de bons projets de réforme pour qu'ils soient mis en œuvre. [End Page 433]

Edward Ousselin
Western Washington University
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