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Reviewed by:
  • Anti-Imperial Metropolis. Interwar Paris and the Seeds of Third World Nationalism par Michael Goebel
  • Sara Legrandjacques
Michael GOEBEL, Anti-Imperial Metropolis. Interwar Paris and the Seeds of Third World Nationalism, Cambridge, Cambridge University Press, 2015, 360 p. (trad. fr., Paris, capitale du tiers monde. Comment est née la révolution anticoloniale (1919-1939), Paris, La Découverte, 2017, 450 p.).

L'entre-deux-guerres correspond à une période d'émergence et de développement de l'anti-impérialisme et des nationalismes. La notion d'empire est alors à considérer au sens large et n'est pas exclusivement associée à la colonisation ; l'anti-impérialisme latino-américain se développe en réaction à la politique extérieure nord-américaine. Cet essor anti-impérialiste peut être localisé géographiquement au sein de certaines métropoles européennes, telles Berlin et Paris. Cette dernière se distingue par des flux migratoires plus anciens, mais renforcés depuis la Grande Guerre. Elle devient la « capitale des hommes sans pays », selon l'expression de Robert Nash Baldwin.

Michael Goebel, spécialiste d'histoire globale et de l'Amérique latine, étudie les engagements politiques, et plus précisément l'anti-impérialisme, de non-Européens à Paris à travers leurs migrations, leurs échanges et leurs réseaux. Si l'historiographie récente du monde postcolonial se veut antitéléologique, menée par des historiens comme Frederick Cooper, Michael Goebel s'écarte légèrement de cette approche, en cherchant dans l'anti-impérialisme non européen de l'entre-deux-guerres les « germes » de l'anti-impérialisme tiers-mondiste post-1945. Pour cela, il s'insère dans une démarche d'histoire globale en confrontant des acteurs aux origines géographiques et sociales diverses, qu'ils soient africains, asiatiques ou latino-américains. Il fait donc de la capitale française un outil et un exemple, choisi judicieusement, pour une pensée globale. Les spécialistes des anti-impérialismes et du tiers-monde ont jusqu'ici plutôt privilégié une approche intellectuelle de ces questions. L'auteur a choisi une approche sociale qui, selon lui, influence les idées et idéologies des différents protagonistes étudiés. [End Page 155]

La consultation d'une quinzaine de fonds d'archives, notamment celles des comités et organes de surveillance français, a permis à Michael Goebel de quantifier et de localiser les migrations non européennes vers Paris. Ainsi, il mêle, dès le premier chapitre de son ouvrage, des données générales à des données plus précises, concernant une communauté ou un groupe distinct. On y apprend alors que les circulations nord-africaines sont plus facilement quantifiables que celles du reste de l'Afrique et de l'Asie, tandis que les origines sociales des migrants varient, les ouvriers algériens se distinguant nettement des élites européanisées latino-américaines. Par ailleurs, les migrations ne sont pas homogènes tout au long de l'entre-deux-guerres. Elles sont ralenties par la période de dépression économique.

Si Paris offre un climat plus permissif aux arrivants des colonies, les flux migratoires sont encadrés par la législation française qui favorise davantage les étrangers que les sujets coloniaux. La gestion des migrations par les autorités françaises est complexe, ces dernières s'appuyant régulièrement sur les ambiguïtés et les non-dits des textes juridiques. Les causes, les moyens et réseaux de migrations ainsi que les conditions de vie sur place sont au cœur de l'ouvrage. Paris constitue une étape dans les circulations, sans devenir le « terminus » des migrations non européennes. Jusqu'à 100 000 non-Européens s'y croisent en 1930. La thèse de Michael Goebel repose sur la formation de communautés nouvelles par les migrations ; il reprend alors le terme d'« ethnicité quotidienne » de Rogers Brubaker. Si certaines pratiques sont importées, d'autres se créent. La musique, les restaurants et les cafés, la nourriture ou encore le vocabulaire sont autant de marqueurs de ces communautés nouvelles...

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