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  • Les batailles de l'hygiène. Villes et environnement de Pasteur aux Trente Glorieusespar Stéphane Frioux, and: Égouts et égoutiers de Parisby Donald Reid
  • Thomas Le Roux
Stéphane FRIOUX, Les batailles de l'hygiène. Villes et environnement de Pasteur aux Trente Glorieuses, Paris, Presses universitaires de France, 2013, 387 p.
Donald REID, Égouts et égoutiers de Paris, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2014, 254 p.

Prolongeant une longue historiographie sur l'assainissement urbain de l'époque contemporaine, ces deux ouvrages démontrent l'intérêt du croisement de l'histoire urbaine avec celles du travail, des imaginaires et de l'environnement. L'ouvrage de Stéphane Frioux est le texte remanié d'une thèse de doctorat soutenue en 2009, tandis que celui de Donald Reid est la traduction de Paris Sewers and Sewermen, paru initialement aux États-Unis en 1991, complétée par une actualisation de la bibliographie et par un épilogue. À bien des égards, une lecture complémentaire des deux études peut être réalisée. Alors que S. Frioux s'intéresse principalement aux villes de province, c'est la capitale qui est l'objet de l'analyse de D. Reid. Quand ce dernier utilise principalement des sources imprimées, le premier fonde son analyse sur une quantité considérable de sources manuscrites, fruit d'enquêtes très nombreuses dans les archives locales. D'autres différences marquent les deux ouvrages : une chronologie très large, de l'Ancien Régime à la fin du XX esiècle, mais une analyse centrée sur les égouts et les vidanges pour D. Reid ; pour S. Frioux, une chronologie resserrée sur les années 1880-1970, mais étendue à tous les secteurs de l'assainissement urbain, égouts, épuration des eaux, gestion des déchets. La complémentarité réside surtout dans l'inspiration historiographique et la méthodologie adoptée. Alors que l'ouvrage de S. Frioux relève de l'entrecroisement de l'histoire urbaine et de l'histoire environnementale et donne une large place aux jeux des acteurs, en particulier les ingénieurs et les fonctionnaires et élus des municipalités, celui de D. Reid puise une grande partie de sa démonstration historique dans l'anthropologie, la sociologie du travail et l'analyse littéraire, en donnant une place centrale à la figure du travailleur de l'exécra, et fait de l'imaginaire social le pivot de son étude. À leur manière, les deux auteurs nous montrent que la place du déchet a joué un rôle considérable dans la fabrication de la ville contemporaine : non pas une simple externalité à gérer, mais un élément fondamental de la constitution même de la « civilisation » (le terme, repris des contemporains, est souvent au cœur des deux analyses) urbaine face à une nature à contrôler, domestiquer, maîtriser.

L'enjeu de l'étude de Donald Reid est de montrer que l'assainissement urbain, qui accompagne l'accroissement démographique de la capitale, ne peut pas être séparé des représentations culturelles de la souillure et qu'il est le résultat d'un processus discursif de civilisation des mœurs et des relations sociales. Pour ce faire, il met en valeur la transformation du regard à l'égard des déchets humains, vus [End Page 142]avec horreur jusqu'au début du XIX esiècle, mais perçus progressivement comme un élément de la société capitaliste prospère. Jusqu'aux grandes recherches du médecin Alexandre Parent-Duchâtelet, figure déjà bien connue du milieu hygiéniste grâce aux travaux d'Alain Corbin, les exécras sont craints pour les miasmes qui s'en dégagent et leur valeur symbolique négative. Conseiller écouté des pouvoirs publics, Parent-Duchâtelet, qui est à la fois horrifié et fasciné par les lieux de fange, réussit à montrer que les appréhensions médicales sont infondées, mais qu'un combat moral est nécessaire pour réconcilier les codes de l'urbanité avec l'entassement urbain et la ville laborieuse, et que ce combat passe par le contrôle technique...

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