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Reviewed by:
  • Histoire des bigames : Criminels ou naïfs? by Benoît Garnot
  • Sylvie Perrier
Garnot, Benoît — Histoire des bigames : Criminels ou naïfs?. Paris, Nouveau Monde éditions, 2015, 240 p.

Destiné au grand public, mais tout de même assorti de notes de bas de page et d'une bibliographie succincte, ce livre de l'historien Benoît Garnot est un essai sur le crime de bigamie en France de l'époque moderne à nos jours. L'auteur prend d'abord bien soin de distinguer la polygamie, qui s'inscrit dans un système culturel spécifique, de la bigamie, qui constitue une faute morale, voire un crime, dans un système monogame aux racines chrétiennes. La bigamie est ici considérée dans le cadre du mariage, religieux ou civil, et non comme une pratique sociale où le choix des partenaires et leur nombre relèvent de la vie privée. Mobilisant une diversité de sources (documents judiciaires, causes célèbres, presse, roman et théâtre) qu'il exploite de manière anecdotique et s'appuyant sur des travaux régionaux et internationaux, Garnot passe en revue les conditions du crime de bigamie, les bigames et leurs victimes, leurs représentations culturelles et les peines appliquées à travers les époques.

Au premier chapitre, l'auteur propose une typologie simple qui sépare les bigames en deux groupes, soit les bigames involontaires et les bigames volontaires. Les premiers plaident la bonne foi et expliquent leur état par des erreurs administratives ou une incompréhension des règles du remariage en France. La source de la confusion varie selon les époques, même si le mécanisme demeure semblable. Dans le sillage d'un changement législatif dans un contexte particulier (adhésion au protestantisme à la suite des guerres de religion, introduction du divorce à la Révolution, nouvelles dispositions du Code napoléonien), l'individu s'est cru libéré des liens d'un premier mariage et s'est remarié. Des causes célèbres ont aussi mis en scène des protagonistes qui ont conclu à la mort de leur [End Page 169] partenaire après une longue absence et l'ont vu réapparaître alors qu'ils s'étaient déjà remariés. Garnot évoque dans ce chapitre les cas très intéressants de bigames internationaux : mariés en France, ils se sont par la suite remariés à l'étranger après avoir émigré et attendu pendant une période qu'ils jugeaient raisonnable pour officialiser leur séparation, dans l'ignorance que la France était l'un des seuls pays occidentaux où le mariage restait valide, peu importe la durée de l'absence. En effet, une absence de sept ans dans un pays du Commonwealth ouvrait la porte à un remariage, d'où une possible confusion lors du retour en France. L'analyse de Garnot demeure superficielle à ce sujet, mais elle ouvre des pistes à exploiter. Que nous dit cette attitude au sujet de la compréhension qu'avaient les individus du cadre juridique où ils évoluaient ? Quelle conscience avaient-ils de leurs droits et obligations dans un contexte migratoire ? La mondialisation progressive au cours de la période à l'étude a confronté les individus à différentes réalités juridiques, le mariage relevant d'un cadre national qui limitait le caractère international de la pratique. Une autre étude devra répondre à ces questions. Le reste du chapitre est consacré aux bigames volontaires, occasionnels ou en série, qui ont en commun la volonté de dissimuler leur crime en menant discrètement une double vie.

Admettant que les bigames sont rares dans les archives et que les données les concernant sont très peu fiables, Garnot trace dans le chapitre suivant le profil des bigames et de leurs victimes, les conjoints abusés. Le mariage étant jusqu'à tout récemment réservé à des individus de sexe différent, il ne faut pas s'étonner que les profils soient des miroirs : on trouve largement plus d'hommes que de femmes chez les bigames, l'inverse chez les victimes ; les bigames sont généralement d'âge mûr puisqu'ils en sont à une...

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