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  • Prostitution et révolution. Les femmes publiques dans la cité républicaine (1789-1804) by Clyde Plumauzille
  • Paul-Arthur Tortosa
Prostitution et révolution. Les femmes publiques dans la cité républicaine (1789-1804) Clyde Plumauzille Ceyzérieux: Champ Vallon, 2016, 400 p., 27€

Cet ouvrage d'une grande qualité est issu d'une thèse soutenue en 2013 sous la direction de Pierre Serna. Il comble utilement le vide historiographique séparant les travaux d'Érica-Marie Bénabou et d'Alain Corbin, portant respectivement sur les 18e et 19e siècles. Clyde Plumauzille s'oppose frontalement à une légende noire, notamment entretenue par les écrits de Parent-Duchâtelet, décrivant la Révolution française comme une période de dérèglement des mœurs et de libéralisation de la prostitution. Aux récits idéologiques, elle tente de substituer une étude pragmatique du phénomène prostitutionnel, attentive à l'agency des acteurs et actrices. L'essentiel de l'imposant corpus documentaire mobilisé par l'auteure est constitué [End Page 233] de sources policières, partagées entre les Archives nationales et les Archives de la préfecture de police.

L'ouvrage se décompose en trois parties. La première relève de l'histoire sociale et culturelle. L'auteure commence par y qualifier la prostitution de « zone de vulnérabilité sociale » (p. 29) : elle est l'affaire de jeunes femmes de milieu populaire. La prostitution masculine est écartée, car elle est bien plus associée à l'homosexualité qu'au sexe vénal par les acteurs de l'époque. Ainsi, l'auteure souligne dès le début l'importance du genre et des rapports de classe afin de « court-circuiter une interprétation morale de la Révolution » (p. 8). Elle s'efforce ensuite de cartographier le territoire prostitutionnel. Ce dernier est « diffus, mouvant et hétérogène » (p. 114), mais a pour cœur incontestable le Palais-Égalité, anciennement Palais-Royal. La prostitution marque donc le cœur de la capitale : « marginalisation morale, mais pas marginalité spatiale » (p. 114). Intégrée spatialement au Paris populaire, la prostitution l'est aussi culturellement. Elle témoigne d'une « diffusion sociale du libertinage » (p. 165) et participe d'une « culture juvénile dissidente » (p. 166).

La seconde partie est consacrée à l'étude de la « dépénalisation paradoxale » de la prostitution, décomposée en trois moments. Tout d'abord, les députés de la Constituante instituent « dépénalisation par omission » (p. 169) de la prostitution qui disparaît des délits condamnés par le Code de police et le Code pénal de 1791. Or, la loi pénale du 6 octobre 1791 stipule que ne sont condamnables que les infractions explicitement définies par la loi. La situation change à l'automne 1793, lorsque la Commune de Paris, sous l'impulsion de son procureur général, Gaspard Chaumette, adopte un arrêté contre la prostitution de rue. Finalement, le Directoire consacre la surveillance administrative de la prostitution par la création du Bureau central de police (4 décembre 1795) qui en devient l'autorité de tutelle. Les paradoxes de la législation reflètent les ambiguïtés du statut des prostituées : « sujets "indignes'' de la nouvelle société révolutionnaire, les prostituées ne peuvent faire l'objet d'une législation […] ». Elles sont donc condamnées à ne pas être l'objet d'une pensée d'État, mais d'une « technologie de pouvoir » (p. 264).

La troisième partie, analysant la construction d'une « citoyenneté diminuée », illustre la finesse de l'ouvrage qui évite l'écueil du manichéisme. L'auteure commence par souligner « l'affirmation du pouvoir policier » et « son rôle dans la fabrique d'échelons gradués de la citoyenneté » (p. 275). Elle montre également que la mobilisation du concept de « bonnes mœurs » permet de justifier l'exclusion d'éléments indésirables du paysage civique. Cependant, les prostituées [End Page 234] ne sont pas l'objet inerte de la répression policière et contestent la vision de leur activité v...

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