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Reviewed by:
  • Mallarmé: Rancière, Milner, Badiou by Robert Boncardo and Christian R. Gelder
  • Annick Ettlin
Mallarmé: Rancière, Milner, Badiou. By Robert Boncardo and Christian R. Gelder. (Insolubilia: New Work in Contemporary Philosophy.) London: Rowman & Littlefield, 2017. x + 109 pp.

Constitué d’entretiens avec trois philosophes contemporains majeurs, que peu de choses rapprochent si ce n’est leur intérêt pour Mallarmé, le livre de Robert Boncardo et Christian R. Gelder est bien plus polémique, bien plus explosif, même, qu’il n’en a l’air à première vue. Il a le grand mérite, d’abord, de rappeler que le poète est encore à l’origine de pensées abstraites, malgré la domination depuis une bonne dizaine d’années, dans un champ toujours en expansion, de l’approche socio-historique. C’est avec le Mallarmé moderniste qu’on fait à nouveau connaissance ici, celui de la rupture entre langue poétique et langage ordinaire d’abord, puis celui de la révolution par le verbe, pas seulement célébré mais aussi pris à partie par les philosophes continentaux dès les années 1970. Structurée à partir de ces deux grands débats, une longue Introduction présente les trois philosophes au moyen d’un chiasme annonçant l’ordre—bizarrement jamais commenté—dans lequel leurs entretiens sont ensuite présentés: les positions de Rancière, Milner et Badiou sur les enjeux linguistiques de l’œuvre de Mallarmé sont expliqués dans un premier temps, l’Introduction clarifiant ensuite les discours de Badiou, Milner et Rancière sur son importance politique. Comme plus tard dans les entretiens, la juxtaposition de propos souvent inconciliables relève soit d’une neutralité de principe à laquelle les auteurs ont décidé de se vouer, ce qu’ils admettent d’ailleurs au terme de l’Introduction, soit, de façon plus intéressante quoique peut-être moins diplomate, d’une stratégie de présentation assumant de mettre à l’honneur non pas un ‘gagnant’ (p. 35) parmi les trois philosophes examinés, mais une certaine vision de l’œuvre du poète, dont le ‘modernisme’ pourrait aujourd’hui être récupéré, que ce soit sous la forme du nihilisme prôné par Milner, dans le cadre de l’approche historico-esthétique—précisément très critique d’un certain modernisme—défendue par un Rancière sensiblement mis au défi par les interviewers, ou dans celui de la pensée sur l’événement puis sur la révolution de Badiou, légèrement mieux servi par ces derniers. Si les trois philosophes sont d’accord pour dire que Mallarmé sollicite la pensée abstraite et que leurs méthodologies privilégient toutes trois l’immanence—ils procèdent à des lectures rapprochées souvent virtuoses, parfois des mêmes poèmes—, leurs différends n’en sont pas moins explicites, voire brutaux. La disposition et la présentation des entretiens ne montrent la radicalité du conflit qu’en creux, sous-estimant peut-être l’importance de l’inscription des auteurs dans des contextes intellectuels différents et leurs recours à des patronages critiques distincts, dont s’explique en particulier l’incompatibilité des pensées de Milner et Badiou d’un côté et de Rancière de l’autre, qui n’écrivent pas sur Mallarmé enmême temps et bénéficient de consensus critiques opposés. Les premiers s’y itéressent dès les années 1960 et 1970, le troisième à partir des années 1990 seulement, c’est-à-dire après le basculement socio-historique des études mallarméennes. Quant au dernier venu des philosophes lecteurs de Mallarmé, Quentin Meillassoux, son absence parmi les interviewés est compensée par les nombreuses mentions dont il fait l’objet, qui laissent penser, et espérer, que le débat n’est pas près d’être clos. [End Page 323]

Annick Ettlin
Université de Genève
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