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  • Paroles orphelines. Les enfants et la guerre d'Espagne by Verónica Sierra Blas
  • Manon Pignot
Verónica SIERRA BLAS.–Paroles orphelines. Les enfants et la guerre d'Espagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2016, 364 p.

Paroles orphelines est la traduction d'un ouvrage tiré de la thèse de l'historienne espagnole Verónica Sierra Blas. À ce seul titre, le livre annonce déjà une bonne nouvelle, puisqu'il permet au lectorat français d'accéder directement à l'actualité historiographique la plus récente sur la guerre d'Espagne, mais aussi sur l'histoire de l'enfance en guerre. La grande originalité de ce travail est en effet de reposer d'abord sur des sources enfantines, c'est-à-dire produites par les enfants eux-mêmes ; l'auteure s'inscrit à cet égard dans le processus de renouvellement historiographique amorcé depuis le milieu des années 2000, qu'il s'agisse de la Première ou de la Seconde Guerre mondiale. Comme le rappelle avec justesse Anne-Marie Chartier dans sa préface, les sources enfantines constituent une documentation particulièrement disparate et lacunaire ; mais le travail de Verónica Sierra Blas montre que la fragilité de son corpus n'est finalement un obstacle qu'en apparence, qu'elle surmonte avec brio.

Trois parties se dégagent, qui organisent les douze chapitres, chronologiques, selon trois thématiques. La première partie (chapitres 1 et 2) s'attache à la contextualisation du sujet et à la description des cultures de guerre en présence, républicaine et franquiste. À travers la présentation des supports traditionnels de la culture enfantine (presse, littérature enfantine, jeux, école), l'auteure décrit le processus d'acculturation à la violence à l'œuvre pendant la guerre civile, mais aussi les concepts clés de chaque idéologie : antifascisme d'un côté, esprit de « croisade » de l'autre. La deuxième partie (chapitres 3 à 6) est consacrée à la vaste question de l'évacuation des enfants. Plus de 30 000 enfants issus de familles républicaines sont en effet envoyés en France (la majorité), en Angleterre, en Scandinavie, en URSS ; certains finissant par se retrouver déportés, depuis la France, vers des camps de concentration allemands, comme Mauthausen. Après une présentation des modalités générales de ces évacuations, qui débutent dès février 1937 (chapitre 3), l'auteure analyse le système des infrastructures d'accueil et des organisations de secours (chapitre 4) et la mise en représentation de l'expérience, notamment à travers les dessins d'enfants (chapitre 5). On retrouve à cette occasion le parcours du couple Brauner, bien connu des historiens de l'enfance en guerre. La troisième partie, enfin, s'attache à raconter le vécu de l'exil à travers l'étude minutieuse d'une catégorie d'enfants espagnols évacués, ceux envoyés en URSS et qui furent répartis dans seize maisons d'enfants en Russie et en Ukraine (chapitres 7 à 11). Pour reconstituer leur quotidien et les ressorts de [End Page 108] leur expérience, l'auteure analyse avec finesse les centaines de lettres envoyées par ces jeunes réfugiés, souvent restées sans réponse : « Maman, il faut m'écrire car si vous ne m'écrivez pas, je crois que vous êtes morts », écrit ainsi tragiquement une fillette à la fin de l'une de ses lettres (p. 199). D'autres glissent des miettes de pain dans leurs enveloppes, pour partager un peu de leur bien-être matériel avec leurs parents restés sous les bombes. C'est aussi à l'histoire de la correspondance que Verónica Sierra Blas contribue ici, en montrant le rôle essentiel des lettres dans l'organisation de la vie et de la psyché des enfants. Cette dernière partie sur le cas soviétique, clairement micro-historique, est également riche d'enseignements sur l'éducation, à la fois russe et espagnole, reçue par les jeunes réfugiés.

Un chapitre sur l'entrée en guerre de l'URSS en 1941 conclut l'ouvrage : lorsque l'évacuation devient exil (chapitre 12). Plus question pour ces enfants, déjà largement...

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