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Reviewed by:
  • Poétiques de la violence et récits francophones contemporains by Jean-François Emmanuel Bruno
  • Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo
Jean-François, Emmanuel Bruno. Poétiques de la violence et récits francophones contemporains. Coll. Chiasma 39. Leiden: Brill; Boston: Rodopi, 2017. ISBN 9789004336735. 300 p.

Avec cette somme tirée de sa thèse de doctorat, Emmanuel Bruno Jean-François confirme ce que ses publications, ses titres et récompenses universitaires avaient déjà montré: l'envergure de sa recherche en études francophones qui a dépassé son premier terrain d'étude, celui de l'océan Indien. Son ouvrage est en effet impressionnant d'érudition—comme en témoigne sa bibliographie—et de maîtrise des concepts et notions, dans le domaine des études littéraires, narratologiques, postcoloniales, mais aussi dans de nombreux autres champs disciplinaires. Il refuse de s'enfermer dans un cadre de références particulier, et vise à faire dialoguer des approches multiples pour éclairer la problématique complexe de la violence, s'appuyant, comme il l'écrit, tant sur la "pensée de la Relation d'Édouard Glissant, ou celle des identités multiples d'Amin Maalouf et d'Amartya Sen; mais également la théorie du désir mimétique de René Girard, de la pulsion de mort de Sigmund Freud et Jean Baudrillard; le concept de pouvoir symbolique chez Jacques Lacan et Julia Kristeva" que sur "les idées politiques d'Yves Michaud; les considérations philosophiques de Jacques Derrida et Michel Foucault; les observations ethnographiques de Gilbert Durand, et anthropologiques d'Erich Fromm" ou "les réflexions féministes de Simone de Beauvoir, Luce Irigaray et Hélène Cixous, la pensée postcoloniale de Fanon, la théorie de l'hybridité de Homi Bhabha et celle des subalternes de Gayatri Spivak" (13–14).

Si la richesse du croisement des outils est indéniable, elle peut avoir pour revers la sensation chez le lecteur d'être un peu submergé par un flux ininterrompu de notions dont les différences et divergences tendent de ce fait à être arasées. Ainsi l'ouvrage devient-il parfois une anthologie savamment réorganisée de la bibliothèque critique. L'érudition scrupuleuse de l'auteur le conduit également à systématiquement redéfinir toutes les notions qu'il convoque, dont certaines font pourtant partie de ce qu'Eco nommait les compétences encyclopédiques du lecteur, et dont il aurait pu faire l'économie. Mais ce souci définitoire est aussi ce qui fait de l'ouvrage un outil précieux qui ne laisse rien au hasard et qui permet sans cesse au lecteur de se situer lui-même dans les dédales de la pensée critique.

L'ouvrage se donne donc comme projet, à partir d'un corpus francophone croisé de onze œuvres, d'explorer une question on ne peut plus sensible dans le monde contemporain, celle d'une poétique de la violence, dont relèverait une "nouvelle génération [End Page 247] d'écrivains," et qui permettrait de prendre en charge et de penser les formes immédiatement contemporaines de la violence. C'est donc d'une "poétique nouvelle," qu'à la suite des écrivains qu'il étudie, Emmanuel Bruno Jean-François veut "trace[r] les contours tant sur le plan de l'esthétique que de l'éthique littéraires" (4). Il s'agit de montrer des "poétiques francophones contemporaines qui, confrontées à la crise de la représentation de la violence, proposent de nouvelles esthétiques littéraires" (8).

Peu suspect d'utiliser arbitrairement le vocabulaire comme les notions critiques, l'auteur prévient lui-même les divers écueils de sa démarche. Il va ainsi, dans une introduction très rigoureuse, justifier chacun des termes qu'il utilise et ouvrir des champs de questionnements féconds. Le topos de la "nouvelle" génération ou de la "nouvelle" esthétique est ainsi déconstruit, en ouverture comme en fermeture de l'ouvrage, et réinstallé dans des débats critiques au long cours, l'auteur considérant, à la suite de Moura que:

La subversion d'un canon littéraire n'est...

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