Amour, sexe, genre et trauma dans la Caraïbe fr ancophone by Gladys M. Francis (review)

Édité par Gladys M. Francis, Amour, sexe, genre et trauma dans la Caraïbe franco-phone est un ouvrage collectif dynamique dont l'approche critique et interdisciplinaire permet l'exploration de points historiques, sexuels et culturels qui permettent de saisir la question du trauma au féminin dans le cadre antillais. Placée sous une perspective féminine, l'anthologie se structure autour d'interviews avec de grands noms de la littérature antillaise, d'articles critiques de chercheurs en études francophones, d'artistes (peintres, danseurs, chanteurs) émérites (de la Guadeloupe, d'Haïti, de la Martinique), ainsi que d'une vingtaine d'illustrations en couleur. Cette mise en conversation pluridisciplinaire crée un espace original qui immerge le lecteur au sein des divers contextes postcoloniaux et des expériences complexes qui affectent cet espace géographique. Entre autres, des voix féminines fortes—telles que celles de l'écrivaine Simone Schwarz-Bart, de la chanteuse Jocelyne Béroard, de l'auteure et réalisatrice Fabienne Kanor, ou encore celle de la chorégraphe Lénablou—présentent des expériences qui complexifient (déconstruisent et reconstruisent) ce que signifie être femme dans cet espace caraïbe transhistorique, ainsi que les politiques qui s'élaborent dans la re/présentation de ces expériences. Les œuvres visuelles d'artistes-peintres de renom, tels que Béatrice Mélina, Michel Rovélas, et du peintre-sculpteur Victor Anicet, rajoutent, sans ambages, une provocation et une brutalité qui enrichissent le débat sur l'implication de l'art en contexte afrocaribéen sur les questions du trauma et de la sexualité. Ces illustrations s'accompagnent d'essais critiques des artistes eux-mêmes et de poètes, comme Monchoachi, qui illumine le lecteur sur le dialogisme qui s'élabore entre la poétique de la Relation du philosophe Édouard Glissant et les œuvres artistiques de son ami de longue date Victor Anicet. En explorant le corps, les champs historiques et spirituels de l'espace caraïbe, ces images probantes fortifient de manière tangible les thèmes des essais critiques, entretiens, et textes poétiques du collectif.

Divisé en neuf chapitres, le volume débute par un véritable cadre corporel "Trauma: Cortex et Corps-Textes" incluant la voix captivante de Fabienne Kanor, qui confronte le lecteur avec "ce qui fait battre le cœur d'un personnage" (57), un véritable reflet du rythme que crée l'ouvrage pour le lecteur, invité à découvrir divers déséquilibres, voies, et voix au féminin. Dans cette analyse du trauma, le lecteur est ainsi appelé à être un témoin engagé. Dans les chapitres trois et quatre, l'analyse critique des œuvres de Maryse Condé et de Gerty Dambury offre une exploration rare des niveaux de complexité qui s'élaborent dans leur écriture théâtrale. Le chapitre cinq analyse les thèmes du genre, de la violence sexuelle et des rôles prédéfinis qui incombent aux femmes. Les entretiens avec Simone Schwarz-Bart et Jocelyne Béroard, dans les chapitres qui suivent, proposent leurs perspectives sincères et inédites sur la créolité, le féminisme, la souffrance, le désir, l'activisme, et le pouvoir de la collectivité féminine. Enfin, le style distinctif et particulièrement émouvant du chapitre "Voix de poètes," élargit la perspective sur le trauma à travers des textes qui portent sur la douleur (sous la dictature de Duvalier à Haïti), sur la perte et la tragédie (quand cent cinquante-deux Martiniquais moururent lors d'un crash, au Venezuela, à bord d'un avion parti du Panama pour rejoindre Fort-de-France), et sur le désir "qui s'engendrent dans le tabou, le sublimé et la peur dans le contexte interrelationnel antillais" (Francis 21). Les thèmes, le rythme et la connectivité des chapitres offrent une voix cohérente et pionni...