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Reviewed by:
  • Dix-huit Lustres, Hommages à Michel Butor by Amir Biglari et Henri Desoubeaux
  • Isabelle Roussel-Gillet
Biglari, Amir, et Henri Desoubeaux, coords. Dix-huit Lustres, Hommages à Michel Butor. Paris: Classiques Garnier, 2016. ISBN 9782406065708. 706 p.

Cette parution a l'ampleur du poète qu'elle célèbre. Mais on ne s'attardera pas sur la prolixité ressassée de Michel Butor et le nombre de pages, de livres qu'il a pu écrire, ce qui, à force, devient paradoxalement réducteur du dire de l'œuvre, de ses lignes de force. Ce sont précisément ces lignes qui sont analysées avec vigueur dans ce collectif international qui réunit soixantedix contributeurs qui couvrent le rapport aux arts de l'écrivain, l'analyse de ses romans, essais et poésies, sa correspondance, l'édition (éditions La Garonne, éditions d'art FMA et livres d'art avec Bernard Alligand). Il propose aussi des témoignages inédits sous forme de récits de rencontres, de poèmes (Arrabal, Borghesi, Coisel, Leuwers, Lobet, Thomas, Youl), d'un cahier d'illustrations (Baltazar, Barral, Delhoume, Garnier, Godard, Plossu, Schrijen, Texèdre), le tout introduit par des repères biographiques et bibliographiques et épaulé d'un index final très nourri.

Quelles sont ces lignes de force? D'abord, l'audace créative de propositions comme de structures (qui pour autant ne virent pas à l'abstraction, comme le précise Béatrice Didier): par exemple écrire à deux voix un dialogue fictif (Le Retour du boomerang, 1988). Ensuite, les variations d'un dialogue image/texte. On trouvera des analyses tout à fait nouvelles privilégiant par exemple la photographie, moins usuellement analysée dans les travaux de Michel Butor, alors qu'elle y est bien présente. Khalid Dahmany fait du photographe l'agent de "transformation du pictural au poétique" dans Comme dans un bois avec Pierre Leloup, Marcia Arbex-Enrico se penche sur le génie de l'atelier, lieu-lentille avec lequel Michel Butor dialogue en analysant Dix regards sur l'atelier désert d'Olivier Debré avec photographies de Julius Baltazar (2000) et L'Atelier de Man Ray (2005) avec celles de Maxime Godard. Michel Butor évoque pour le premier la lumière qui permet de renvoyer à d'autres temporalités et espaces, pour le second un autre déréglage du temps, en accélération. [End Page 223] Face aux objets marqueurs temporels ou signes du passage du temps, "l'écriture prend alors en charge l'archéologie matérielle." L'Œil en dérive, avec la photographe Marie-Christine Schrijen, est aussi réinterprété poétiquement par Christian Skimao sur la trace du "fantastique qui court à l'intérieur des tirages." L'ouvrage comble un certain déficit de la critique sur les liens de Butor à la photographie en considérant tant les livres d'artistes que les romans (La Modification et sa réappropriation par Mathias Énard dans Zone, analysé aussi finement que Zone déploie une problématique de l'optique, du cadre et de la référence à fonction heuristique) ou l'évocation des trois cents photos prises au Rolleiflex par le poète (Adèle Godefroy) pour une "nouvelle vue," qu'elle soit "agent de stéréotypification" dans les clichés pris au Japon ou un composant d'une "partition" selon les dires de Maxime Godard dans l'entretien qu'il accorde ici à Henri Désoubeaux. Une autre ligne de force est, on s'en doute, l'analyse des intertextes à l'œuvre (on pense au dialogue fécond avec Rimbaud sous la plume de Pierre Brunel), qu'ils soient signés par d'autres écrivains ou qu'il s'agisse de reprise de textes de Michel Butor. On ne les citera pas tous ici!

La première partie opère le récit de la genèse de nombreux livres écrits en collaboration dont Itinéraire de Vieira da Silva, Voyage vers les Alpes de Wolf à Hodler aux éditions Pagine d'Arte, par des conservateurs, éditeurs, critiques, écrivains. Sur ce rapport image/texte, des informations contextuelles nous sont données autant que des analyses pointues, que nous ne reprendrons pas ici...

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