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  • Jean-Jacques Rousseau écrivain polémique: querelles, disputes et controverses au siècle des Lumières by Ourida Mostefai
  • Catherine Labro
Jean-Jacques Rousseau écrivain polémique: querelles, disputes et controverses au siècle des Lumières. Par Ourida Mostefai. (Faux titre, 407.) Leiden: Brill Rodopi, 2016. 202pp., ill.

Le livre d’Ourida Mostefai se fait l’écho d’une double tradition des Lumières dont on appréciera le renouvellement: celle de Michel Launay à laquelle elle renvoie par son titre, et celle d’Ernst Cassirer qu’elle prolonge par sa méthodologie. Son texte a en commun avec ces deux traditions une approche totalisatrice et minutieuse d’une thématique abordée secondairement par ses illustres prédécesseurs, à savoir les ‘différents mécanismes polémiques’ (p. 12) déclenchés par l’œuvre et la vie de cette forte tête qu’est Rousseau. Approche totalisatrice mais aussi entreprise de réception, Mostefai sollicite à nouveaux frais la critique rousseauiste qui a su éclairer l’un ou l’autre des aspects de ce dispositif polémique complexe. À en juger par le nombre de participants convoqués pour cette enquête, il apparaît clairement que les tensions diverses qui ont marqué l’œuvre et la vie de Rousseau ont toujours été un thème très prisé par l’exégèse rousseauiste et abondamment commenté, mais elles le furent jusqu’à aujourd’hui très peu comme témoin de ‘l’évolution et de la constitution du savoir et des connaissances’ au dix-huitième siècle (p. 11). L’orientation de la critique en est pour une part responsable : ‘les guerres d’auteurs, les controverses religieuses et politiques, et toutes les disputes philosophiques auxquelles Rousseau a été associé, continuent d’être le plus souvent mises sur le compte de sa personnalité ombrageuse, de son humeur atrabilaire ou de sa paranoïa’, commente Mostefai (p. 13). Launay et Cassirer ne tombèrent pas comme on le sait dans ces excès — et nombre de critiques, qu’on retrouve dans ce livre, les suivirent dans cette voie. Ils estimèrent nécessaires de subordonner l’aspect polémique de l’œuvre aux exigences plus hautes (politiques, philosophiques, esthétiques) du philosophe, entrouvrant là la voie à la présente étude qui considère, quant à elle, ‘la dimension fondamentalement polémique de l’œuvre de Rousseau’ (p. 13) comme résolument agissante et pensante dans le siècle de la raison. Agissante et pensante pour le meilleur et pour le pire, car c’est désormais aussi avec elle que nous devons compter pour apprécier tant la ‘montée d’une sphère publique bourgeoise’ que ‘le fondement de la critique moderne’ (pp. 10–11). Pris entre ces deux feux, Rousseau, hostile à la première dont il sut anticiper les travers, acteur génial de la seconde à laquelle il contribua dans quasiment tous les domaines du savoir, voit son image d’écrivain polémique stabilisée, n’oscillant plus désormais entre la victimisation et la diabolisation dont il est aujourd’hui encore l’objet. L’homme que l’esprit de critique du temps révèle, fait montre, envers et contre toust, d’un solide esprit critique, que nos intellectuels d’aujourd’hui trop souvent acquis sans discernement aux Lumières radicales semblent bouder. Le livre de Mostefai est, pour ce motif, bienvenu en cette période de post-tricentenaire où l’œuvre de Rousseau, après avoir été l’enjeu d’un amateurisme délétère, est particulièrement délaissée. [End Page 108]

Catherine Labro
Université du Temps libre de Bordeaux
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