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  • De l’émerveillement dans les littératures poétiques et narratives des xixe et xxe siècles par Julie Anselmini et Marie-Hélène Boblet
  • Vesna Elez
De l’émerveillement dans les littératures poétiques et narratives des xixe et xxe siècles. Dirigé par Julie Anselmini et Marie-Hélène Boblet. (Ateliers de l’imaginaire.) Grenoble: ELLUG, 2017. 358pp.

Le présent ouvrage trace la pertinence et la spécificité du phénomène d’émerveillement. Divisé en cinq parties, il englobe les considérations théoriques, la poésie, les poétiques narratives et l’histoire, ainsi que les paroles d’écrivains. Les études réunies montrent que l’émerveillement est souvent à l’origine de la création littéraire. Distinct de l’étonnement, l’émerveillement se situe à l’intersection du physiologique et de l’épistémologique. D’après Marie-Hélène Boblet, l’émerveillement exprime ‘une aspiration à s’élever au-dessus du réel, mais à partir du réel’ (p. 13). Sa dimension esthétique, consacrée par le ‘syndrome de Stendhal’, que Pierre-Louis Rey explique à merveille, va de pair avec son statut physiologique, et se rapproche de la syncope devant la beauté de l’art. Bien que l’émerveillement ne se limite pas au spectacle du merveilleux, il est légitime de retrouver le monde magique de l’enchantement enfantin: le manège de chevaux de bois, le théâtre de Séraphin ou la lanterne magique confirment le besoin de recréer ce sentiment éveillant la curiosité et le plaisir. Cette tentative consciente ne se réfère pas uniquement à la nostalgie du paradis perdu. Sylvie Thorel montre que ‘Morale du joujou’ de Baudelaire confirme la dimension spirituelle et intellectuelle de l’émerveillement — le jouet mobilise l’intuition et la réflexion devant une énigme où l’enjeu sémiotique rappelle l’enjeu poétique. Dans le monde du roman, c’est d’abord l’apparition du surhomme dans le roman-feuilleton qui suscite l’émerveillement (Julie Anselmini). Sylvie Triaire souligne pertinemment que le paradigme littéraire de la modernité, annoncé par La Tentation de saint Antoine et Bouvard et Pécuchet de Flaubert, met en relief l’étourdissement particulier des personnages flaubertiens et se fonde sur l’émerveillement. Sa contribution attache une attention particulière à la veine épiphanique qui illumine le roman du vingtième siècle, allant de Proust aux œuvres de Joyce et de Beckett. Dans le monde mallarméen, la poésie distingue entre le Langage et le Verbe. Selon Marie Blaise, la poésie parvient à garder sa suggestivité par le biais de l’émerveillement. Le poète a le don d’émerveiller le lecteur par la mystique des objets familiers. Les études des poètes particuliers révèlent la polyvalence et la profondeur de l’émerveillement: il n’est pas nécessairement lié à l’extase, à l’affirmation de la présence divine ou à une contemplation agréable — la conscience de la finitude s’y heurte. Sans affirmer exclusivement sa visée positive, l’émerveillement se réfère également à l’effroi, à la stupeur et à la peur de la mort. Bien que ce volume soit consacré aux littératures des dix-neuvième et vingtième siècles, le lecteur devine facilement l’importance universelle de [End Page 137] l’émerveillement. C’est ainsi que Jacques Poirier évoque l’émerveillement de l’art primitif de Lascaux qui ne cesse de nous éblouir. Par la précision terminologique, par la finesse d’analyse et par la richesse d’ouvrages choisis, ce livre devient une référence incontournable.

Vesna Elez
Université de Belgrade
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