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Reviewed by:
  • Roberto Bolaño's Fiction: An Expanding Universe by Chris Andrews
  • Antonin Mireault-Plante
Andrews, Chris. Roberto Bolaño's Fiction: An Expanding Universe. New York: Columbia UP, 2014. Pp. 279.

Chris Andrews, premier traducteur de Roberto Bolaño en langue anglaise, a fait paraître en 2014 cette étude assez complète sur les mécanismes de la fiction bolanienne et, accessoirement, sur sa réception dans le monde anglophone. Le livre s'interroge d'abord (ch. 1) sur les causes de cette étonnante réception, question qui, de l'aveu de l'auteur, n'est pas essentielle à l'étude présente et se tient quelque peu en retrait des autres chapitres. Le livre commence véritablement, dit-il, au chapitre deux, où s'enclenche l'analyse textuelle qui ne s'interrompra pas jusqu'à la fin du [End Page 812] septième et dernier chapitre. Globalement, le livre est aussi caractérisé par un mouvement interne, ou un changement (shift) dans l'arrière-plan conceptuel. L'analyse est d'abord focalisée sur la forme, passe ensuite au contenu, et aboutit aux « valeurs implicites » (implicit values) des œuvres à l'étude.1 Il passerait donc, selon ses propres mots, de l'analyse narratologique à l'analyse philosophique, sans jamais toutefois abandonner le fil de la critique littéraire.

La question de l'excellente réception de Bolaño dans le monde anglophone n'est pas absolument sans rapport avec l'analyse textuelle, dans la mesure où Andrews croit que le succès fulgurant de Bolaño tient à son « extraordinaire productivité », laquelle tient à un « fiction-making system », terme qu'il s'approprie en l'empruntant à Nora Catelli. Andrews propose d'analyser ce système en approchant les œuvres d'un point de vue génétique, qui consiste à chercher des traces de méthode dans les œuvres achevées. Ces procédés sont : 1. l'expansion, par laquelle Bolaño fait « exploser » ses propres textes en introduisant des détails descriptifs et des actions subsidiaires, sans jamais déformer le récit dans sa totalité ; 2. la circulation des personnages (circulating characters), procédé se déclinant en trois types : le retour des personnages (d'une œuvre à l'autre), renommer les personnages (sans changer leur identité), et leur transfiguration ; 3. la métareprésentation, par quoi il introduit des textes ou des œuvres d'art imaginés. Ce procédé découle du faux résumé borgésien (pseudosummary), dont Bolaño fait toutefois un usage fort différent : les œuvres imaginées ont une fonction a) réaliste, lorsqu'elles caractérisent le personnage (artiste) qui les produit, et b) ludique : l'évocation d'oeuvres d'art improbables permet non seulement à Bolaño de se faire plaisir, dit Andrews, mais de détendre les exigences de vraisemblance propres à la fiction et d'activer l'imagination spéculative du lecteur ; 4. la surinterprétation, par quoi les personnages ou les narrateurs s'emparent (eux-mêmes) de certains détails infimes et les emplissent de sens, et inventent des histoires hypothétiques pour les raccorder et les expliquer. C'est là, selon Andrews, le seul procédé qui est souvent délégué aux personnages ou aux narrateurs, tandis que les trois premiers ne peuvent qu'être menés par l'auteur en tant qu'agent extérieur à l'oeuvre.

Le troisième chapitre est consacré à l'étude des mécanismes de la tension narrative chez Bolaño. S'ensuit une analyse de plusieurs « stratégies », dont le suspens de genre (generic suspense), empruntant ses procédés, par exemple, au cinéma d'horreur et relevant principalement d'une provocation, chez le lecteur, à élaborer plus ou moins inconsciemment « ce qui va se passer ». Sont ensuite analysées quelques œuvres sous ce qu'Andrews appelle le « modèle Piglia-Martínez » (75), admettant deux « histoires » ou deux logiques différentes sous une nouvelle : la logique commune (the logic of common sense), et la logique fictionnelle, que l'auteur met en rapport de façon à créer l'ambiguïté faisant émerger la tension narrative. Dans les œuvres plus longues, particulièrement dans 2666, la tension serait décentralis...

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