In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

© Canadian Review of American Studies/Revue canadienne d’études américaines 31, no. 1, 2001 De l’ « autonomie de l’État » à l’art du compromis politique : la réforme des pensions de vieillesse à la fin du New Deal Daniel Béland Dans son discours sur l’état de l’Union de janvier 1999, le président Clinton (1999) proposait de détourner soixante pour-cent des futurs surplus budgétaires fédéraux vers le fonds de réserve de la caisse d’assurance-vieillesse [Social Security trust fund].1 Cette proposition s’inscrit dans le cadre du débat sur le financement à long terme du programme fédéral d’assurance-vieillesse. Durant la dernière campagne présidentielle, cette question oppose d’ailleurs le candidat démocrate Al Gore à son adversaire républicain George W. Bush, qui propose la« privatisation » de ce programme (« Ducking the Hard One »). En raison de son importance économique et budgétaire, la question de l’avenir du plus imposant programme fédéral de protection sociale occupe donc une place essentielle dans la vie politique américaine contemporaine (Béland et Waddan 2000 ; Quadagno 1984). Loin d’être récent, le débat américain sur le financement des pensions de vieillesse s’amorce dès la seconde moitié des années 1930. Dans cet article, il s’agit de reconstruire ce débat originel en identifiant les processus politiques et idéologiques à l’origine des amendements de 1939 au Social Security Act. Adoptés à la quasi-unanimité, ces amendements transforment les modalités de financement du programme fédéral d’assurance-vieillesse, et ce moins de cinq ans après son instauration. L’analyse de cette réforme favorise une meilleure compréhension du New Deal et de la question de l’ « autonomie de l’État » durant cette période. Formulée par les« néo-institutionnalistes » en réaction aux théories pluralistes et néo-marxistes, l’idée d’ « autonomie de l’État » renvoie à l’indépendance relative de la classe politique et des hauts fonctionnaires dans l’élaboration des politiques publiques. Pour souligner la portée générale de cette idée, Skocpol et ses collaborateurs affirment que la préparation du Social Security Act de 1935 se trouve Canadian Review of American Studies 31 (2001) 472 essentiellement réalisée par la Présidence et les experts désignés par l’exécutif (Amenta 27–29 ; Skocpol, Social Policy 152–56 ; Skocpol et Amenta 1985).2 La situation qui prévaut en 1935 ne caractérise pourtant en rien l’ensemble de la vie politique américaine durant le New Deal. C’est du moins ce que démontre l’analyse de la réforme de 1939, qui apparaît comme un marché politique implicite entre la Présidence, le Parti républicain et certains groupes d’intérêt. Pendant les années 1930, l’ « autonomie de l’État » apparaît donc comme un phénomène aussi intermittent que limité. Cette réalité force la Présidence et les experts fédéraux à élaborer un compromis avec leurs adversaires politiques. Comme il sera démontr é, ce compromis est le résultat d’un accord tacite entre des acteurs aux impératifs idéologiques souvent contradictoires. Le programme fédéral d’assurance-vieillesse Instauré dans le cadre du Social Security Act de 1935, le programme fédéral d’assurance-vieillesse a été largement élaboré par le président Roosevelt et les experts fédéraux, qui en tracent les grandes lignes dans le rapport du Comité sur la sécurité économique (US House Committee on Economic Security).3 Malgré l’influence de certains mouvements sociaux dans le processus d’inscription à l’agenda de la question des pensions de vieillesse,4 la Présidence et les experts fédéraux conçoivent ainsi ce programme dans un contexte d’indépendance relative par rapport aux principaux groupes d’intérêt (patronat, syndicats). Contrairement à la thèse soutenue par les adeptes de la théorie du « progressisme corporatif » [corporate liberalism],5 les milieux d’affaires ne participent pas directement à l’élaboration de...

pdf

Share