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  • Tourner le dos : Sur l’envers du personnage au cinéma ed. by Benjamin Thomas
  • Stéphanie Croteau
Tourner Le Dos : Sur L'envers Du Personnage Au Cinéma Sous la direction de Benjamin Thomas Saint-Denis: Presses Universitaires de Vincennes, 2013, 186 pp.

L'ouvrage Tourner le dos : Sur l'envers du personnage au cinéma se situe dans la mouvance des quelques travaux qui, depuis une quinzaine d'années en études cinématographiques, portent sur le personnage vu de dos. Le collectif dirigé par Benjamin Thomas rassemble ici douze articles sur ce sujet ayant été abordé principalement dans deux publications d'importance : l'essai L'Homme de dos. Peinture, théâtre (2000) de Georges Banu, et le numéro spécial intitulé « De dos » (2001) de la revue Vertigo.

Dans les années 1910, « invit[er] expressément les acteurs à tourner le dos » (5) était une stratégie pour « en finir avec [leurs] regards dans l'objectif » (5), nous rappelle Benjamin Thomas, dès l'introduction de l'ouvrage. Or, tout au long de l'histoire du cinéma, cette posture vis-à-vis de la caméra a ensuite été intégrée dans moult mises en scène, faisant aujourd'hui du dos un motif à part entière, qui s'est vu être réinventé au fil des genres, des films et des époques. La variété des exemples filmiques et des approches théoriques convoquées dans ce collectif rend d'ailleurs bien compte de la complexité de ce motif : le dos y est tantôt analysé en fonction d'un genre cinématographique (Frédéric Astruc et son article « Toute l'essence du film noir »), du point [End Page 162] de vue de la poïétique (Jean-Michel Durafour et « Laura : Voir l'image au dos du film ») et de l'analyse du récit (Daniel Serceau, « Au commencement était le dos »). Ou encore, il y est envisagé comme un objet ayant des possibilités poétiques (Vincent Amiel, « Des roseaux pensants : les chorégraphies de dos chez Ozu »), ailleurs capable de réaliser des prouesses techniques et stylistiques (Maxime Scheinfeigel, « Le dos (n')est (pas) un visage »). Fait intéressant, certaines propositions de l'ouvrage mettent en lumière des enjeux jusqu'alors inexplorés sur cet objet d'étude, ne serait-ce que cette délicate relation qu'entretient le personnage vu de dos et la bande sonore d'un film, par exemple.

C'est ce que Philippe Roger soulève dans son article « Faire écran », dans lequel l'auteur note que la vue de dos nous convie à un cinéma d'écoutants, car « [q]ui dit absence de visibilité suggère la place déterminante du sonore dans pareil dispositif […] » (51). Dans le cinéma de Jacques Tourneur, de Jean Grémillon et de Manoel de Oliveira par exemple, Roger démontre que ce motif provoque une sorte de temps mort visuel qui attribue alors à la bande sonore un rôle décisif : la voix devient le visage du dos (52). Se situant dans ce même filon théorique, le texte de David Vasse (« De quelques dos dans le cinéma de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub ») fait pour sa part remarquer que, détachée de son référent corporel dans une scène du film Sicilia! (1998), la voix s'autonomise et se fait voyageuse : elle devient une « matière sonore » (121) qui entre en résonnance avec ce qui l'entoure. Il faut y voir la « force d'une prise d'élan vers de nouvelles révélations » (121), écrit l'auteur, une hypothèse qu'il déploiera finement dans son analyse sur quelques films des Straub-Huillet.

Par ailleurs, dans les recherches actuelles, la représentation du dos au cinéma est rarement reliée à la question du regard, alors que celui-ci engage pourtant fortement le spectateur, que ce soit dans un rapport d'indifférence, de rejet, d'indiscrétion, d'attente ou, au contraire, d'attraction, de contemplation, d'accompagnement, voire d'absorbement. Deux auteurs de Tourner le dos s'intéressent toutefois à cette problématique...

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