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Reviewed by:
  • The Nature of Soviet Power. An Arctic Environmental History by Andy BRUNO
  • Elsa Devienne
Andy BRUNO. – The Nature of Soviet Power. An Arctic Environmental History, Cambridge, Cambridge University Press, « Studies in Environment and History », 2016, 305, p.

Le réchauffement climatique, qui a ouvert de nouvelles voies navigables, et les innovations en matière de forage offshore ont récemment mis l’Arctique et ses réserves en hydrocarbures sur le devant de la scène. Si les médias parlent volontiers d’une « redécouverte » de l’Arctique, l’exploitation des ressources naturelles des régions polaires n’a en réalité rien d’une nouveauté. Comme le montre Andy Bruno dans cet ouvrage passionnant issu d’un travail de doctorat, les Russes ont exploité depuis le début du XXe siècle les ressources de la péninsule de Kola, un territoire de 150 000 km2 situé presque intégralement au nord du cercle polaire. Le destin de cette région du nord-ouest de la Russie est unique en son genre : au début du XXe siècle, elle est isolée du reste du pays et compte moins de 10 000 habitants ; quatre-vingt-dix ans plus tard, alors que l’Union soviétique s’effondre, il s’agit d’une région industrielle et militaire de première importance, où vit plus d’un million d’habitants.

D’entrée de jeu, plusieurs questions se posent : pourquoi l’Union soviétique s’estelle entêtée à industrialiser cette région au climat polaire particulièrement hostile ? Comment y est-elle parvenue, et à quel prix ? Les réponses qu’apporte Andy Bruno à ces questions font de cet ouvrage bien plus qu’une simple monographie. Son propos porte à la fois sur l’histoire russe et sur l’histoire de l’environnement. D’abord, l’auteur utilise le cas extrême de la péninsule de Kola pour examiner à la loupe les rapports du pouvoir soviétique à l’environnement. À rebours d’une historiographie très critique vis-à-vis de l’« écocide » qu’aurait perpétré l’Union soviétique, Andy Bruno met en avant la persistance, tout au long du XXe siècle, d’une conception duale de la nature, faite à la fois d’une volonté de vivre en harmonie avec elle et d’une ambition résolument dominatrice. Ensuite, l’ouvrage propose une interprétation comparatiste des conséquences environnementales de l’industrialisation de la Russie. Plutôt qu’une irréductible spécificité du rapport soviétique à la nature, Andy Bruno défend la thèse qu’il existe plus de similarités que de différences dans la manière dont les pays capitalistes et communistes ont utilisé l’environnement à l’ère de l’anthropocène.

L’ouvrage comprend un chapitre introductif, qui revient sur l’historiographie de l’environnement en Russie, et cinq chapitres thématiques (chacun consacré à une activité économique), mais qui suivent globalement une trame chronologique, de la Première Guerre mondiale à nos jours.

Le deuxième chapitre décrit la laborieuse construction du chemin de fer reliant la péninsule au reste du pays. Andy Bruno combine habilement une histoire bien connue, celle de l’assimilation, au début du XXe siècle, d’un territoire périphérique au sein de la nation, et une autre, qui l’est beaucoup moins, celle de la conquête de la nature polaire. Le grand intérêt de ce chapitre tient à la continuité qu’Andy Bruno souligne entre période impériale et période soviétique. Les héritages de la période impériale sont à la fois d’ordre technique – les administrateurs soviétiques suivent les plans établis par leurs prédécesseurs – mais aussi d’ordre managérial – avant, comme [End Page 155] après la révolution de 1917, ce sont des travailleurs forcés (prisonniers de guerre, puis ceux du goulag) qui sont mobilisés pour construire les voies ferrées au pas de charge, même lorsque, dans les années 1920, le temps de paix et la stabilisation du pouvoir stalinien auraient pu donner lieu à une révision...

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