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Une minorite ignoree: les Franco-Canadiens de la Saskatchewan MICHAEL JACKSON I. INTRODUCTION Cette etude est presentee non pas comme une analyse historique1 ou sociologique2 approfondie du fait franc;ais en Saskatchewan, mais comme une vue d'ensemble destinee a faire connaitre la situation d'une minorite francophone que la plupart des Canadiens ignorent. Elle decoule d'une serie d'enquetes phonetiques que nous avons entreprise entre 1966 et 1970, ce cote phonetique etant d'ailleurs la seule partie de notre etude qui puisse pretendre a un degre d'objectivite scientifique . Mais les visites en milieu franco-canadien3 exigees par notre enquete nous ont permis de prendre la mesure de cette minorite , de connaitre ses problemes particuliers, et surtout d'enregistrer les points de vue d'un echantillon assez representatif du groupe. Situons d'abord cette minorite francophone en Saskatchewan. D'apres le recensement de 1961, 6.4% (pres de 60,000) des residents de la province etaient d'origine ethnique franc;aise, tandis que 4.9% de la population (42,000 environ) parlaient franc;ais (nous commenterons ces chiffres plus tard). Cette population est dispersee a travers la province dans un milieu surtout rural, bien que 4 % des habitants de la ville de Saskatoon soient de langue franc;aise. On trouve la minorite franc;aise en deux regions principales : dans le centre-nord entre Saskatoon et Prince-Albert; et au sud de Regina, etendue entre Ponteix, du cote de !'Alberta, et Bellegarde , tout pres du Manitoba, le centre le * Les enquetes dont results le present article furent entreprises d'abord a titre prive mais avec les conseils du professeur Pierre R. Leon, Directeur du Laboratoire de phonetique de l'Universite de Toronto {1966 et 1968); ensuite grace a un octroi du Conseil des Arts du Canada (1969); enfin avec le concours du Centre d'Etudes bilingues de l'Universite de la Saskatchewan a Regina {1970). Nous tenons a remercier les personnes et les organisations qui ont rendu possible la realisation de ces etudes. Journal of Canadian Studies plus important etant Gravelbourg (pop. environ 1600). Les statistiques demographiques fournies a la Commission Royale d'Enquete sur le Bilinguisme et le Biculturalisme indiquent une population de 21.4 % d'origine franc;aise dans la region de Gravelbourg, et de 12.7% dans la region de Prince-Albert/ North-Battleford.4 Entre Saskatoon et Regina, cependant, ii n'existe pas de communautes franc;aises. Cet etat de fait se reflete dans les dispositions prises par les differentes organisations francophones. Les eveches des deux dioceses franc;ais ou bilingues de l'Eglise catholique romaine en Saskatchewan sont etablis a Prince-Albert et a Gravelbourg. L'Association Culturelle Franco-Canadienne de la Saskatchewan (ACFC), qui depuis une soixantaine d'annees regroupe les francophones pour defendre leurs interets scolaires et culturels, compte neuf regions dans Ja province: quatre dans le nord et cinq dans le sud, les deux secteurs etant separes par 150 milles environ. Les Franco-Canadiens se trouvent done eparpilles sans aucun grand centre urbain, la plupart d'entre eux habitant des fermes ou petits villages de quelques centaines , voir quelques dizaines d'ames. Quant a la situation economique et sociale, selon l'ACFC les deux-tiers environ des Franco-Canadiens vivaient des revenus de !'agriculture en 1964, bien qu'il y eOt quelques petites entreprises commerciales appartenant a des francophones; 10% des caisses populaires de la province etaient canadiennes -franc;aises.5 D'apres MM. Vallee et Shulman , dans leur analyse des ressources communautaires des minorites, les Franco-Canadiens de la Saskatchewan du sud etaient juges "strong", ceux du nord "moderate", par rapport aux autres groupements au Canada en dehors du Quebec. Leur niveau d'instruction et de revenus etait de 8.2% audessous de la moyenne provinciale, ce que les auteurs expliquent ainsi: " ...the stronger the (minority) group in its environment, the lower tends to be the individual resources of income and education of its members ."6 Sur le plan culture!, les Franco-Canadiens disposent de deux pastes emetteurs de radio, a Saskatoon et a Gravelbourg. Plus loin, nous parlerons en detail de l'enseignement . Retenons cependant !'existence de plusieurs ecoles fran<;aises independantes dirigees par des ordres religieux; les plus importantes sont deux pensionnats de garc;ons, le College Mathieu a Gravelbourg et le College Notre-Dame a Saint-Louis pres de Prince-Albert, naguere francophones mais devenus aujourd'hui "bilingues". Nous avons pu, au cours de nos enquetes, visiter des communautes francophones dans sept des neuf regions de l'ACFC: Saint-lsidorede -Bellevue (region 111) I Vonda, Saint-Denis, et Saskatoon (region IV) dans le nord; dans le sud, Gravelbourg (plusieurs fois a partir de 1966) et Ferland (IV), Ponteix (V), Regina (VIII) - tous en juin 1969; WillowBunch (VII) et Bellegarde (IX) en aoOt 1970. Nous n'avons pu prolonger notre itineraire jusqu'a Prince-Albert et au nord de cette ville; les regions I (North-Battleford) et II (Victoire) de I'ACFC constituent done la principale lacune de notre enquete.7 La vitalite francophone variait beaucoup suivant les communautes en question. Les minorites urbaines de Regina .et de Saskatoon , groupees autour de paroisses catholiques franc;aises, subissaient de plus en plus l'anglicisation inherente au milieu, l'emploi de la langue franc;aise etant souvent limite aux activites paroissiales. Gravelbourg, principal centre francophone du sud, manifestait aussi un degre assez eleve d'anglicisation, l'anglais semblant etre la langue courante du commerce sinon celle des institutions religieuses telles que l'eveche, le couvent, et le College Mathieu. Vonda et Saint-Denis representaient un milieu defavorise sur le plan economique, et nous donnaient !'impression que la vie de cette region rurale, tant anglophone que francophone, s'eteignait petit a petit. A Bellegarde (habite surtout par des 2 gens de descendance beige) I a WillowBunch , et a Ponteix, plus prosperes, le franc;ais semblait etre a une etape intermediaire , survivant mais sans plus. C'est a Ferland et a Saint-lsidore-de-Bellevue que que nous avons trouve les milieux franc;ais les plus vivants; ces deux villages etant francophones a presque 100% I le franc;ais restait la langue principale de communication malgre les recents empietements de la television anglaise. II. APERCU HISTORIQUE L'un des charmes de la Saskatchewan se trouve dans les noms a l'allure franc;aise qui parsement la carte de la province: Val Marie, Montmartre, Qu'Appelle, Prud'homme, Domremy , pour n'en citer que quelques exemples (la prononciation anglophone de ces noms a aussi ses charmes: Saint-Brieux - "sayntbroo "!). Ce qui frappe le lecteur des divers recits et histoires racontant les origines de ces communautes, c'est d'abord la periode tres recente de leur colonisation, en general entre 1885 et 1914, done pendant la jeunesse de personnes vivant encore aujourd'hui; ensuite les incroyables difficultes que devaient affronter les colons de toutes nationalites meme a cette epoque si proche de nous: la vaste prairie presque vide, sans routes ni chemins, quelques tribus isolees d'lndiens les seuls habitants; son rude climat - hivers d'une extreme rigueur avec leurs "poudreries" soudaines, suivis d'etes brOlants amenant moustiques et feux de prairie, mais avec gels precoces des le mois d'aoOt. Presque tous Jes premiers colons debarquant dans ces espaces inhabites devaient se contenter pour toit d'une hutte ou d'un tipi en mattes de gazon, suivi peut-etre d'une cabane en rondins, avant de parvenir enfin au luxe d'une maison de bois ou de pierre. Les premiers francophones a s'etablir a l'interieur de la Saskatchewan actuelle furent les metis de langue franc;aise, accompagnes souvent de missionnaires catholiques franc;ais Revue d'etudes canadiennes (l'ordre des Oblats de Marie-lmmaculee s'etait installe dans le Nord-Quest en 1845). D'abord nomades, les metis se fixerent progressivement dans de petits villages amesure que les bisons disparaissaient de la prairie. Ces villages et les missions des Oblats furent a l'origine de plusieurs districts franc;ais, tels Lebret, fonde en 1866 comme la mission de Saint-Florent, et Willow-Bunch, qui commenc ;a en 1870 sous le nom bien plus pittoresque de "Talle de Saules". Un groupe de metis installe des les annees 1860 sur les rives de la Saskatchewan du sud, pres de Duck-Lake, fut renforce en 1870 par des compatriotes fuyant le nouvel ordre qui suivit la creation de la province du Manitoba. Dans leur paroisse de Saint-Laurent, fondee en 1871, devaient se developper les communautes de Batoche, Duck-Lake, et Saintlouis . On connait le role des metis de cette region dans la rebellion de 1885 menee par Louis Riel, que les quatre pretres franc;ais desservant la paroisse essayerent de moderer .8. Suivant !'acquisition des Territoires du Nord-Quest par ie Canada en 1870, on fit de grands efforts pour encourager les Canadiens frangais a emigrer vers les vastes plaines; leurs leaders, comme le grand eveque (plus tard archeveque) catholique de SaintBoniface , Mgr Alexandre Tache, et son successeur , Mgr Langevin, craignaient que la prairie ne devint une reserve anglophone et savaient que la realisation d'un Canada vraiment biculturel dependait de !'expansion des Quebecois vers l'Ouest. Helas, ceux-ci devaient leur faire la sourde oreille dans I'ensemble, avec les consequences pour l'avenir que l'on connait. Mais les quelques Quebecois qui accepterent de faire oeuvre de pionniers dans la prairie n'etaient pas les seuls de langue franc;aise a tenter leur chance: parmi les hordes d'immigrants d'Europe qui affluerent vers l'Ouest se trouvait un certain nombre de Belges et de Franc ;ais, ceux-ci venus de tous les coins de la France, mais surtout de Normandie et de BreJournal of Canadian Studies tagne-curieuse reprise tardive de !'immigration franc;aise interrompue en 1763. En effet, vers la fin du 19e siecle le Canada jouissait en France d'un prestige enorme qui attirait les Franc;ais assoiffes d'aventure vers les territoires vierges de l'Ouest. Des delegues franc;ais visitaient le Canada; un commissariat general du Canada et du Quebec fut etabli a Paris en 1880 sous la direction du senateur Hector Fabre; divers ouvrages vantaient les possibilites illimitees des plaines canadiennes, et nombre de capitalistes franc;ais, les croyant sur parole, investissaient des sommes importantes dans des societes foncieres dont l'objet etait la fondation de colonies agricoles franc;aises et belges dans la prairie.9 Telles sont les origines, par exemple, de Montmartre, a 50 milles de Regina, fonde en 1893 par l'energique Pierre Foursin, secretaire d'Hector Fabre a Paris, venu au Canada en tant que president de la "Societe Fonciere du Canada " - qui devait etre liquidee des 1897.10 La plupart de ces societes foncieres devaient connaitre le meme sort. les resultats financiers ne repondant jamais a ce que i'on attendait. Plus sOrs, bien que plus modestes, etaient les projets de pretres franc;ais attires par les perspectives d'evangelisation et de colonisation franc;aises dans le Nord-Quest canadien. L'abbe Jean Gaire, un des plus intrepides de ces cures-pionniers, venu de Lorraine en 1888 au Manitoba, OU ii crea l'importante paroisse de Grande-Clairiere, poursuivit ses efforts dans le sud-est de la Saskatchewan, fondant Cantal en 1892, Bellegarde en 1893, et d'autres villages encore .11 Partageant le reve d'une colonisation franc;aise et catholique de l'abbe Gaire, dont ii avait lu des articles, l'abbe Marie-Albert Royer quitta Ponteix en Auvergne (France) en 1906 pour venir etablir Notre-Damed 'Auvergne dans le sud-ouest de la Saskatchewan , village qui devait plus tard se deplacer et prendre le nom du lieu d'origine de son fondateur. A la meme epoque et dans la meme region, l'abbe Louis-Pierre Gravel, 3 un Canadien franc;ais, etablissait Gravelbourg (1907). D'autres Franc;ais et Canadiens franc;ais fonderent Ferland, au sud de Gravelbourg , en 1909. Nous avons eu la chance de pouvoir, en 1969, interviewer deux de ces pionniers, M. et Mme Joseph Chabot, venus de France voila soixante ans, et d'entendre ainsi de vive voix le recit de leur.s aventures. "On est monte avec des chevaux a partir de Swift-Current jusqu'a NotreDame -d'Auvergne", nous a raconte Monsieur Chabot. "Nous etions en pleine prairie... II n'y avait rien, personne: les gens les plus proches etaient a Wood Mountain (a 30 mi lies de distance) ..." II n'y avait pas de ponts en ce temps-la, ni de chemins. Pour traverser les rivieres, au printemps, au temps de grosses pluies, le seul moyen, c'etait a la nage - ceux qui etaient capables de nager!" Un des episodes les plus pittoresques et fascinants de !'immigration franc;aise dans l'Ouest est celui d'une colonie d'aristocrates franc;ais etablie dans la vallee de la Pipestone, dans le sud-est de la Saskatchewan. En effet, de nombreuses familles aristocratiques, leurs fortunes en declin, furent attirees par le Canada; comme le dit Donatien Fremont, ces aristocrates "se sentaient la vocation de gentleman-farmer... ils crurent avoir trouve le filon qui allait leur fournir les ressources necessaires pour redorer leur blason." 12 Dans la region en question, un Alsacien, le Dr Rudolph Meyer, construisit en 1885, dans une propriete de pres de 5,000 acres, une gentilhommiere nommee "La Rolanderie" d'apres un chateau des environs de Paris. Ce fut le point de depart d'une veritable societe noble de la prairie, car Meyer fut re1omt par plusieurs comtes et vicomtes franc;ais, dont Jean de Jumilhac, futur due de Richelieu. On fit venir d'Europe des paysans belges et franc;ais, qui s'occupaient des divers projets de leurs maitres - entre autres l'elevage de bovins et de moutons et la manufacture de chicoree pour une marque speciale de "French Coffee". La paroisse de Saint-Hubert, nom qui finit par remplacer 4 "La Rolanderie", se vantait d'une belle eglise en pierre, avec meubles et vitraux importes de France. On parle encore aujourd'hui dans la region des elegantes toilettes parisiennes, des courses de chevaux, des carrosses et des valets legendaires de cette epoque romantique , dont des photographies et d'autres souvenirs sont conserves au musee de Cannington Manor. C'etait un train de vie qui ne pouvait durer; en 1893-4 "La Rolanderie" fit faillite et les nobles rentrerent en France. Les paysans restaient, cependant, et leurs descendants se trouvent toujours dans la region. 13 Dans le nord, pres du grand fleuve, quelques Franc;ais se joignirent aux metis et aux Canadiens franc;ais de la region de Batoche, a partir de 1886. Duck-Lake, ainsi renforce, devint un centre francophone tres actif, car c'est la que le journal "Le Patriote de l'Ouest" naquit en 1910 et que l'ACFC vit le jour deux annees apres. Le groupe de petits villages non loin de Saskatoon - Prud'homme, Vonda, et Saint-Denis, rec;ut ses premiers habitants vers 1904-5. Saint-Denis fut la creation d'une des grandes familles francocanadiennes de la Saskatchewan - les Denis, venus de la Charente-Maritime en France. M. Clotaire Denis pere, patriarche de la famille, arrive de France en 1905, menait toujours une vie active quand nous avons visite Saint-Denis en 1969, son fils du meme nom etant fermier et responsable de l'ACFC. Le frere aine de Monsieur Denis pere, Raymond, devint un dynamique president de l'ACFC, poste qu'il occupa pendant quinze ans avant de partir pour Montreal ou ii travailla desormais pour les Franco-Canadiens sur le plan national. La famille Denis devait jouer un role important dans la mise sur pied des deux postes de radio franc;aise en 1952. Les immigrants de ces differentes souches - quebecois, franc;aise, beige, suisse finirent par se fondre en une communaute franco-canadienne, bien que des traces des accents d'origine subsistent encore aujourd'Revue d'etudes canadiennes hui. D'ailleurs ii leur fallut tres tot s'allier et s'organiser pour la defense de leurs droits minoritaires, !'immigration francophone massive tant esperee ne s'etant jamais realisee. Leurs garanties en matiere d'education, fournies par l'Acte des Territoires du NordOuest de 1875, furent progressivement reduites (voir ci-dessous). L'emploi de la langue frangaise a l'Assemblee legislative des Territoires, prevu par un amendement a l'Acte en 1877 (appliquant !'article 133 de l'Acte de l'Amerique du Nord britannique), fut elimine en 1892 apres une campagne menee par Frederick Haultain. 14 A partir de la creation de la Province de la Saskatchewan en 1905 la situation ne pouvait qu'empirer, les legislatures provinciales de l'Ouest etant en general hostiles aux minorites et le gouvernement federal peu dispose a proteger leurs droits constitutionnels. C'est pour la detense commune de ces droits que "Le Patriote de l'Ouest" et l'ACFC furent fondes en 1910 et 1912, ainsi que !'Association des Commissaires d'Ecoles Franco-Canadiens (ACEFC) en 1917.15 Meme au sein de l'Eglise catholique les francophones durent lutter pour la survie, les catholiques de langue anglaise leur etant souvent hostiles; et ii fa llut tout le tact de Mgr O.E. Mathieu, premier archeveque catholique de Regina, qui jouissait d'un grand prestige dans la province, pour eviter des conflits ethniques. Bien que les successeurs de Mgr Mathieu n'aient pas ete francophones, le Diocese de Prince-Albert est reste en grande partie frangais, et la fondation du Diocese de Gravelbourg en 1930 donna satisfaction aux Franco-Canadiens du sud, meme si ce diocese devint "bilingue" par la suite. Ill. LA QUESTION SCOLAIRE EN SASKATCHEWAN La crise scolaire de 1890-96 au Manitoba est bien connue du public canadien. Celle qui, une generation plus tard, secoua la province voisine, l'est beaucoup mains, car Journal of Canadian Studies elle fut moins spectaculaire et plus etalee dans le temps, et aboutit a une solution qui, tout en etant peu favorable aux francophones , prit neanmoins la forme d'un compromis .16 Des 1875 un article de la loi etablissant le gouvernement des Territoires du NordOuest , en appliquant !'article 93 de l'Acte de l'Amerique du Nord britannique, assurait aux minorites les droits a leurs ecoles confessionnelles , ce qui revenait a dire, pour les catholiques francophones, a des ecoles frangaises. En effet, le systeme des ecoles etabli en 1884 ressemblait a celui du Quebec. Petit a petit, cependant, ces garanties furent effacees par des Ordonnances de l'Assemblee des Territoires: entre autres, celle de 1888 rendait obligatoire un cours primaire d'anglais , celles de 1892 et de 1901 allaient beaucoup plus loin en exigeant que l'anglais fOt la seule langue d'instruction a part un "cours primaire" de frangais et le cours de catechisme, qui fut reduit d'une heure a une demi-heure par jour. Au moment de la creation des provinces de !'Alberta et de la Saskatchewan en 1905 une controverse scolaire eclata. Laurier, qui avait espere restaurer les droits dont jouissaient les minorites en 1875, et avait prevu a cette fin d'appliquer !'article 93 de l'A.A.N.B. aux nouvelles provinces, fut contraint par la crise politique qui s'ensuivit, et notamment par la demission de Clifford Sitton, de rebrousser chemin, et ne put faire inclure a l'Acte de la Saskatchewan que les Ordonnances de 1892 et de 1901, permettant un cours primaire de frangais - clause deja interpretee de fagon assez large, ii est vrai, parmi les FrancoCanadiens . C'etait maintenant a l'interieur de la nouvelle province que devait se decider le destin des Franco-Canadiens, livres aux caprices politiques des deux partis - les Liberaux, en general plus favorables a leur egard, et le "Provincial Rights Party" (plus tard le Parti Conservateur), qui devait adopter !'attitude d'hostilite envers les mino5 rites qui etait tres repandue a l'epoque et se manifestait par une intolerance rigide en ce qui concernait les ecoles confessionnelles. En effet, la situation etait alors, et a toujours ete, compliquee par le melange des questions de religion et de langue. C'est la minorite confessionnelle (et non linguistique) en Saskatchewan qui, dans chaque district scolaire, a droit a son "ecole separee", la majorite confessionnelle beneficiant done de l'ecole "publique". 17 Les adversaires des droits minonta1res etaient surtout anticatholiques , partant anti-"ecole separee"; . mais, les francophones etant presque tous catholiques, on ne saurait separer la question linguistique de la question religieuse. L'offensive des forces anti-minoritaires ne devait pas tarder. Des 1903 on remettait en question !'existence meme des ecoles confessionnelles ; les emotions provoquees par la Premiere Guerre mondiale devaient inevitablement agraver une situation deja tendue et delicate. En effet, patriotisme se traduisait souvent par une mefiance vis-a-vis de ceux qui ne parlaient pas anglais; et une nouvelle attaque fut declenchee contre l'enseignement des langues "etrangeres" dans les ecoles, appuyee par le Parti Conservateur de M. Willoughby, plusieurs pasteurs protestants, !'Orange Lodge, et des congres de commissaires scolaires. L'election provinciale de 1917 se deroulait dans une atmosphere caracterisee par des slogans tels que: "Vote for the opposition candidate and banish the monster of polylinguism from Saskatchewan forever". 18 Heureusement pour les FrancoCanadiens , !'election fut gagnee par les Liberaux. Mais ce n'etait qu'un bref repit, car en 1918 la question scolaire eclata a nouveau, provoquee sans doute par la crise de la conscription au Quebec. Diverses organisations , dont les "Grain Growers" et des commissaires d'ecoles, reclamaient avec de plus en plus d'insistance que l'anglais fOt !'unique langue d'instruction dans les ecoles, et d'innombrables petitions et sermons leur faisaient echo. Le gouvernement liberal de 6 M. Martin fut oblige d'en tenir compte; le resultat en etait le bill 31 de 1918, qui affirmait que l'anglais devait etre la seule langue d'instruction dans toutes les matieres scolaires , mais qu'exception serait faite pour le franc;ais, qui pouvait etre employe au "grade 1" pour les eleves francophones et enseigne au-dela une heure par jour, privileges refuses aux autres langues. L'ancien "cours primaire" n'en etait pas moins reduit, car les FrancoCanadiens , la OU ils etaient majoritaires, avaient pu jadis accroitre le nombre d'heures attribue a ce cours. Cette possibilite leur etait maintenant enlevee. 19 Face a une situation decourageante, certes, mais moins defavorable que celle qui existait au Manitoba depuis !'abolition des ecoles bilingues en 1916, l'ACFC s'organisait pour sauver ce qui restait de !'instruction franc;aise. Elle instituait un programme de cours et un systeme de textes et de diplomes; elle nommait d'officieux "visiteurs d'ecoles" qui combattaient !'indifference du Ministere provincial de !'Education et l'hostilite ouverte de ses inspecteurs. II fallait faire face aussi a la penurie chronique de professeurs competents , situation rendue doublement penible par le refus du Ministere de reconnaitre les diplomes des ecoles normales quebecoises.20 Les Franco-Canadiens purent "tenir" ainsi jusqu'au debut des annees 1930. Mais le deces de Mgr Mathieu et !'election d'un gouvernement conservateur en 1929 etaient de mauvais augure. Le nouveau premier minist ,re, M. Anderson, preconisait !'abolition de l'enseignement de la religion et du franc;ais, et ordonna une enquete sur l'emploi du franc;ais dans les ecoles. Une des recommendations qui en resultaient prevoyait la supression du premier "grade" enseigne en franc;ais, responsable, d'apres les enqueteurs, d'une connaissance insuffisante de l'anglais parmi les enfants francophones.21 En 1931, malgre les protestations vehementes de l'ACFC, le gouvernement d'Anderson fit adopter des amendements a la loi scolaire abolissant non seulement l'usage du franc;ais comme langue Revue d'etudes canadiennes d'instruction au "grade 1", mais aussi tout enseignement du franc;ais comme matiere scolaire. Cette deuxieme clause fut revoquee en 1934 par un nouveau gouvernement liberal dirige par M. Gardiner, qui vainquit les Conservateurs aux elections de la meme annee. Mais le franc;ais etait limite dorenavent a une heure par jour, et devait etre enseigne comme matiere scolaire, apparemment en anglais!22 - et cela meme dans les ecoles OU tous les enfants etaient francophones. Les fortunes des Franco-Canadiens devaient en rester la pendant plus d'une trentaine d'annees. Des inspecteurs vigilants veillaient a ce que les reglements provinciaux fussent respectes. Au dire de certains de nos informateurs, cependant, nombre d'ecoles rurales isolees reussissaient a contourner la loi et a employer le franc;ais en dehors de l'heure quotidien ne reglementaire. Cette situation devait, du point de vue des FrancoCanadiens , se degrader apres la Deuxieme Guerre mondiale, lorsque le nouveau gouvernement C.C.F. de M. Douglas decida de mettre a execution un projet de son predecesseur , a savoir le regroupement des petits districts scolaires en "grandes unites", afin d'eviter l'isolement et la dispersion des ecoles rurales et de realiser une gestion et une pedagogie plus efficaces.23 Si cette mesure ne visait pas la minorite francophone, elle n'en avait pas moins pour effet de nuire a l'enseignement du frangais. A partir des annees 50 les "grandes unites", par souci d'efficacite, construisirent de nouvelles ecoles centrales, avec reseaux de ramassage scolaire, et fermerent maintes ecoles publiques locales. Ainsi, de nombreux districts scolaires francophones disparurent pour etre absorbes dans de nouveaux districts ou les Franco-Canadiens n'etaient plus majoritaires et OU, en consequence, le frangais n'etait pas enseigne OU etait mal enseigne, a cause de l'insuffisance des effectifs ou bien, souvent, "du manque de volonte et de collaboration tantot de la part des commissaires scolaires... tantot de la part du personnel Journal of Canadian Studies enseignant de l'ecole centrale."24 De plus, selon l'ACFC, la"mentalite franc;aise" qui entourait les eleves dans une ecole a majorite francophone etait perdue, ce qui amenait les enfants a "releguer encore davantage le franc;ais comme langue viable seulement a la maison OU a l'eglise."25 Par surcroit, les diplomes du programme de "frangais superieur" developpe et dirige par l'ACFC n'etaient pas reconnus par le Ministere de !'Education, qui reservait ce privilege au cours de "French" enseigne en anglais a !'intention des eleves anglophones ( les effectifs de ce cours-ci, en fait, augmenterent sous le regime des "grandes unites"). Mais en 1958 le Ministere fut enfin amene aaccorder des "credits" pour les "grades" 11 et 12 de l'ACFC et a reconnaitre !'Association comme responsable officiel du programme . Depuis cette date, la situation juridique de l'enseignement du frangais n'a cesse de s'ameliorer, grace a !'attitude de plus en plus bienveillante du gouvernement et du Ministere. En 1966 un "supervisor of French instruction" est nomme par le Ministere. En 1967 on permet que l'heure quotidienne de frangais, matiere jusqu'alors enseignee en principe en anglais ( !) , soit donnee en frangais.26 Et en 1968, date historique pour les Franco-Canadiens de la Saskatchewan, cinquante ans apres la grande crise scolaire de 1918, l'ombre du "bill 31" est enfin exorcisee: desormais le frangais peut etre langue d'instruction plus d'une heure par jour dans des ecoles "designees" des districts ou les parents le desirent et la commission scolaire l'approuve.27 La proportion d'heures enseignees en frangais va en diminuant de 100% ('kindergarten'), a 50% aux "grades" 5 et 6, a 40% au niveau secondaire .28 Au printemps de 1972 ii y avait onze ecoles "designees": cinq ecoles separees, a Regina, Saskatoon, Prince-Albert, North-Battleford , et Debden: et six ecoles publiques, a Vonda-Saint-Denis, Ferland, Saint-lsidore-deBellevue , Gravelbourg, Willow-Bunch, et 7 Bellegarde. Ce dernier viiiage merite une remarque supplementaire, car son cas illustre les problemes que doivent affronter les FrancoCanadiens meme depuis l'entree en vigueur de la nouvelle loi de 1968. La majorite des parents francophones de Willow-Bunch, appuyee par la commission scolaire locale, demanderent en 1969 que l'ecole publique locale tat "designee" comme ecole bilingue. Cette demande fut repoussee a plusieurs reprises par les commissaires de la "grande unite". Une controverse s'ensuivit, qui, survenant en meme temps que la dispute scolaire de Saint-Leonard a Montreal, attira l'interet des mass media et ainsi du Canada entier. II fallut une intervention du Ministere a Regina pour qu'un compromis fOt trouve, selon lequel 50% de l'enseignement des deux premieres annees serait donne en frangais et une heure par jour dans les autres annees, ces proportions devant etre augmentees par la suite. Une "crise" analogue avait lieu au village de Debden, centre francophone au nord de Prince-Albert, pendant l'automne et l'hiver de 1971-72. Comme a Willow-Bunch, une demande en regle, faite par la commission scolaire locale, qu'une ecole fOt "designee" a titre experimental, etait repoussee par la commission de la "grand unite" de Parkland, et une nouvelle dispute scolaire se dessinait. Mais en fevrier 1972, apres plusieurs mois de tractations, la "grande unite" a fini par reconnaitre le droit des parents francophones a une ecole separee "designee," et l'enseignement de la 1re annee primaire en frangais a commence. IV. L'ACTUALITE FRANCO-CANADIENNE Les expressions d'opinion que nous avons recueillies parmi les Franco-Canadiens, rappelons -le, en marge de notre enquete phonetique, done sans questionnaire structure , revelent neanmoins certaines tendances et des points communs. Le probleme le plus discute etait sans 8 doute celui de la question scolaire, toujours presente dans les esprits, toujours d'actualite . Les adultes que nous avons interviewes etaient unanimes a deplorer les injustices du systeme scolaire en vigueur depuis les crises de 1918 et de 1930, et ses effets nefastes sur la jeunesse franco-canadienne: "Une heure par jour, ce n'est pas suffisant pour soutenir une langue, pour nourrir une langue, pour qu'elle continue a survivre", nous a dit un parent de Ferland. A Ponteix une mere de famille insistait la-dessus: "Les enfants parlent souvent en anglais, pas par preference, mais parce qu'ils etudient toujours en anglais." Un des leaders franco-canadiens de Ferland nous expliquait: "C'est la centralisation des ecoles qui a commence l'effritement de nos noyaux canadiens-frangais. Les enfants etaient transportes dans des ecoles OU le frangais n'etait pas enseigne. L'eloignement du milieu familial et paroissial a amene le contact regional, qui est anglophone ." Meme dans un village entierement francophone comme Saint-lsidore-de-Bellevue la "regle d'une heure" etait strictement appliquee , les jeunes Franco-Canadiens etant obliges de tout apprendre en anglais sauf le frangais et la religion. En 1968, cependant, Bellevue fut choisi pour le "programme pilote" de la premiere "ecole designee". "Pendant les vingt-cinq annees que j'ai passees a Bellevue", nous a raconte un commergant du village, "les professeurs exigeaient qu'on parle anglais a J'ecole. Maintenant la situation se renverse, les professeurs ne sont plus sous la pression de faire parler anglais, ils encouragent le frangais." Deuxieme probleme qui preoccupe les Franco-Canadiens: !'influence des mass Revue d'etudes canadiennes media contemporaines qui s'ajoute a celle de l'ecole pour angliciser les jeunes. On arrive, d'apres les parents, a distinguer nettement la derniere generation d'enfants de leurs predecesseurs: c'est la "generation t.v." qui apprend l'anglais par la television avant d'aller a l'ecole et le parle deja mieux que le frangais - chose inou"ie ii y a seulement quelques annees. Ces petits enfants repondent a leurs parents en angla is et pensent en anglais sans absorber la langue et la culture frangaises. Les enfants plus ages et les adolescents sont, bien entendu, exposes a cette meme influence. "Nous ecoutons la radio anglaise", nous a dit une jeune fille de WillowBunch . "Le paste frangais ne passe pas les vedettes." Nos informateurs adultes ant tous souligne le besoin urgent d'avoir la television en frangais si l'on veut freiner cette erosion subtile de leur langue. Les quelques heures par semaine qui sont reservees au frangais ne sont qu'un debut fort modeste. D'ailleurs, on nous a raconte que le programme de frangais pour enfants de Radio-Canada, "Chez Helene", servait a apprendre l'anglais aux petits Franco-Canadiens! On voit que les deux problemes ebauches ci-dessus se resument en un troisieme, qu'on pourrait appeler "generation gap linguistique ". Nos interlocuteurs adultes n'ont cesse d'insister sur ce point critique: a cause de l'ecole et de la television, de !'ambiance anglophone en general, les jeunes FrancoCanadiens parlent anglais de plus en plus, entre amis surtout, mais aussi a la maison entre eux et meme avec ceux des parents qui le tolerent. Une mere de famille a Regina: "C'est le desir d'etre pareil aux autres. Et l'anglais leur vient plus facilement parce qu'ils l'entendent tous Jes jours - avant de parler en frangais ils sont obliges de penser a ce qu'ils vont dire." Un jeune de Willow-Bunch est typique: "Les parents parlent frangais a la Journal of Canadian Studies maison, mais entre les jeunes on ne parle pas frangais; avec nos amis au village c'est toujours en anglais." Les adultes le deplorent: "Ce qui me desespere", nous a confie un homme de Vonda, "c'est que chez moi - on aurait pense que g'aurait ete un foyer OU on parlait frangais - mes filles parlent anglais, meme devant moi. . . et qu'est-ce qu'on peut faire?". Les personnes agees, assez souvent, ne savent pas parler anglais; les gens d'un certain age sont bilingues. Mais, "Dans la jeune generation, malheur! ah! malheur!" s'est eerie une femme de Bellevue. "Les jeunes aiment bien mieux l'anglais, c'est toujours plus facile a arranger. Mais a qui la faute? C'est eelle des parents. Eux autres aussi, avant de dire 'oui' a l'enfant ils disent 'yes, that's o.k.' " Ce theme de la responsabilite des parents a ete evoque plusieurs fois. "Les parents ne s'occupent pas assez de l'avenir", nous a-t-on repete. "C'est un manque d'interet, une attitude de laisser faire." Decalage done entre les jeunes et leurs parents, et entre parents eux-memes. Mais decalage aussi entre differents jeunes et differents villages. Des jeunes filles de Bellegarde , par exemple, nous ont affirme qu'elles continueraient a parler frangais et etaient resolues a le garder. Suivant les cas, c'est entre les ages de 6 et 12 ans, OU de 12 et 17 ans, que vient le moment critique. "Dans toutes les generations," nous explique une institutrice de Vonda, 'Tanglais attire plus les jeunes de 12 a 16 ans. Mai, quand j'avais 14 OU 15 ans je n'aimais pas parler frangais. Quand on devient plus age on tend plus a parler frangais." Et la OU les parents sont prets a lutter ("ii taut se battre avec eux pour leur faire parler frangais"), a rester fermes sur leurs posi9 tions, la langue a des chances d'etre conservee . Une femme tres active de Saintlsidore -de-Bellevue nous a souligne que ses enfants parlaient toujours frangais a la maison et que ses filles mariees, meme quand elles habitaient des villages anglophones , exigeaient la meme chose chez elles. Les Franco-Canadiens de la Saskatchewan s'interrogent pourtant sur !'attitude du Quebec , qui semble bouder les minorites situees hors de son territoire, les vouer a l'oubli, a la disparition. Plusieurs francophones de la Saskatchewan ant participe aux "Etats generaux du Canada frangais" en 1967; ils se sont efforces d'expliquer aux Quebecois que dans l'Ouest le fait frangais existe, que des gens parlent frangais en Saskatchewan, qu'ils tiennent a la Confederation canadienne et a une politique de bilinguisme national. "Ce que je ne comprends pas, c'est qu'a Montreal. ..on est contre l'anglais . <;a va mal, c'est terrible." (femme de Bellevue) "J'ai fait un voyage dans l'Est - les gens la-bas etaient tout etonnes de voir qu'on parlait le meme frangais qu'eux." (femme de Ferland) La question linguistique est d'ailleurs souvent posee. Est-ce qu'on parle "joual" a votre avis, ou le ban frangais? nous a-t-on demande. Et d'autres de repondre qu'il y a des anglicismes, c'est sOr, mais qu'on parle aussi bien que les gens du Quebec, parfois avec mains d'accent, et qu'on a peu de difficulte a se faire comprendre des Frangais de France. Derniere question generale, qui resume toutes les autres et que nous avons d'ailleurs posee en termes precis a tous nos interlocuteurs : l'avenir du fait frangais en Saskatchewan . Question qui a toujours suscite des reactions vives, montrant que nous touchions la a un sujet critique. La gamme des reponses etait limitee, passant d'un certain optimisme sabre et prudent, par une attitude d'attente et d'incertitude, a un pessimisme total: 10 "J'ai confiance - le frangais ne va pas se perdre dans cette region", nous a affirme une femme de Ferland . "Dans ma jeunesse les parents se faisaient des soucis comme aujourd'hui." La jeunesse ne decourageait pas une femme de Ponteix: "La generation de maintenant va etre plus instruite - ils vont etre plus conscients des chases culturelles que notre generation." Plusieurs parents comptaient sur la nouvelle mode du bilinguisme pour stimuler leurs enfants et les encourager a garder la langue: "Je crois qu'au moment au les anglophones vont commencer a apprendre le frangais, cela va peser beaucoup plus fort que ce que nous pouvons dire, nous autres, les parents canadiens -frangais, a nos enfants", nous a dit un resident de Ferland. D'autres adultes se montraient plus reserves quant a l'avenir. Les mariages mixtes ( dans le sens linguistique) constituent un danger: "Beaucoup de nos jeunes autour d'ici marient (sic) des Anglais maintenant ", nous a-t-on dit a Ferland, "et la on en perd." sentiment reitere dans la plupart des villages que nous avons visites. Le role des parents etait souvent evoque: "Ca va dependre surtout des idees du gouvernement et des districts scolaires, et encore plus des idees des parents. S'il n'y a rien pour pousser les enfants, dans dix ans d'ici on ne l'entendra plus, le frangais." (enregistre a Ponteix) "A Saint-Denis", nous a dit une menagere du village, "le frangais va se perdre, plus lentement qu'ailleurs, mais ga va se perdre quand meme, parce que !'ambiance est anglaise, la television est anglaise et la radio. Les parents ne sont pas assez Revue d'etudes canadiennes severes avec les enfants.,, Un fermier du meme district croyait qu'a l'avenir ii resterait des francophones, mais en nombre reduit. Cependant, "ceux qui resteront seront capables de mieux parler que moi, ils feront un choix entre l'anglais et le frangais, et ils auront un meilleur niveau d'instruction ." D'apres un commergant de Bellevue, cela dependrait beaucoup de la situation economique -agricole. Si celle-ci ne s'ameliore pas, le frangais ne durera pas longtemps, car "les gens sont obliges d'aller dehors" et le frangais a ete conserve non seulement grace aux parents, mais aussi grace a l'isolement : "On manque la pratique de l'anglais ici." Les reponses les plus pessimistes devaient venir d'un resident de Vonda, d'un instituteur de Saint-Denis, et d'un pretre de Saskatoon. "II faut etre realiste...nous sommes noyes", nous a dit le premier (le terme 'noye' revient souvent dans nos interviews). "Est-ce qu'il y a un exemple dans le monde - a part le peuple ju if - ou (les gens) ont conserve leur identite quand ils etaient si peu nombreux et si disperses?... C'est un reve, c'est impossible, je crois." "Les jeunes apprennent un frangais pitoyable", soupire l'instituteur, "je ne crois pas que dans l'avenir ils puissent soutenir une langue qu'ils ne parlent pas." Le pretre de Saskatoon est le plus eloquent: "Je ne suis pas tres optimiste, j'ai !'impression que, sans prejuger absolument de l'histoire future, ii y a diminution du vouloir vivre canadien -frangais. . . Quelques families vont demeurer, a coup d'hero"isme ou en pos1t1on privilegiee dans l'echelle de !'education... Si vous nous surprenez a une epoque de fatigue, c'est parce qu'il Journal of Canadian Studies y a eu de l'usure. A qui la faute? a l'histoire? a la courte vue? Encore l'an dernier (1968) M o n s i e u r Thatcher (premier ministre de la Saskatchewan) nous a dit, 'We need French in Saskatchewan like a hole in the head'! Alors on se fatigue..." On parle des nouvelles mesures de bilinguisme: "Je ne veux pas tuer la meche qui fume encore, mais ii y a toutes sortes de grandes causes dans la vie, et moi j'ai opte pour d'autres causes... Qui est la mere spirituelle qui nourrit les jeunes Canadiens frangais de la Saskatchewan? Pour 90%, ce n'est pas la patrie canadienne-frangaise, c'est la patrie 'americaine-western'... Mais on ne connait pas l'avenir, Si par un grand mouvement favorable - francophile - chez les anglophones , si avec des moyens radicalement nouveaux, on pouvait ressuciter le vouloir vivre canadienfrangais , o.k., ga vivra peut-etre, Dieu merci, ce sera bien beau!" V. APERCU LINGUISTIQUE Nous resumons ici les principales conclusions de notre enquete linguistique menee parmi les francophones de la Saskatchewan. Pour le detail, nous nous permettons de renvoyer dans les notes aux etudes specialisees deja publiees. La langue frangaise telle qu'on la parle en Saskatchewan peut etre envisagee de deux points de vue: sa qualite lexicale et grammaticale d'une part, et ses caracteristiques phonetiques (ou sa prononciation) d'autre part. Notre enquete a porte sur ce deuxieme point, mais nous a neanmoins permis de recueillir des impressions quant au premier. Les Franco-Canadiens de la Saskatchewan sont bien conscients, nous l'avons deja signale, que leur langue connait des limitations sur le plan grammatical et lexical, en raisc,n de leur isolement, de leur manque 11 d'instruction en frarn;ais, et de !'absence de moyens de communication dans leur langue. Bien des "fautes" de langue pourraient cependant etre relevees en France et, a plus forte raison, au Quebec, comme, par exemple, le mauvais usage du subjonctif, ou l'emploi de l'auxiliaire 'avoir' avec des verbes tels que 'rester' ou 'arriver'. Naturellement on releve aussi nombre de "canadianismes" bien connus au Quebec: par exemple, l'emploi frequent de 'la' ("les jeunes, la", "a Gravelbourg , la") et de !'expression 'eu){ autres'; ou encore, "<;a me faisait de la misere". Mais on trouve egalement beaucoup d'anglicismes de structure et de grammaire: l'emploi de la voix passive comme en anglais - "je suis demande de faire", "nous sommes permis d'enseigner"; des melanges d'idiomes et de structures comme, "qu'est-ce que c'est vraiment le point de ceci ?" (what is the point of... ) ; "qu'est-ce que c'est le trouble ici, c'est que" (the trouble here is... ); "excepte pour"; "ils demandent des questions ". Mais c'est dans son vocabulaire que le Franco-Canadien de la Saskatchewan se trouve le plus gene. Nous devions constater que les adultes parlaient aisement et couramment tant que la conversation etait limitee aux questions de la vie quotidienne, du menage, de !'agriculture. Cependant, des que nous abordions des domaines plus techniques , plus modernes en fin de compte, nos interlocuteurs trebuchaient, hesitaient, finissaient souvent par avoir recours a des termes anglais. Parfois, meme des mots quelque peu techniques de la vie courante faisaient defaut; "le manager", le hardware", "les repairs", "le post office" doivent etre ajoutes aux anglicismes signales par M. Wilhelm dans son etude de Montmartre: "le diesel pump", "le baking powder''.29 Gardens-nous cependant d'emettre des jugements trop severes sur le compte des Franco-Canadiens de la Saskatchewan. Quant on songe aux enormes difficultes qu'ils ont dO surmonter pour conserver leur 12 langue, quant on pense a la quantite d'anglicismes du meme genre qu'on trouve au Quebec , on ne peut qu'admirer le niveau de franc;ais que ces gens de l'Ouest ont reussi amaintenir. Notre enquete phonetique a revele des caracteristiques bien marquees. Le systeme vocalique en Saskatchewan ressemble en general a celui du Quebec. A cote des voyelles longues et fermees [i] (fit), [y] (fut), [u] (fou), du franc;ais de France (le franc;ais standard), nous trouvons les voyelles canadiennes breves et ouvertes [I], [Y], [ U]. Ces deux series de voyelles paraissent en distribution complementaire selon le contexte syllabique , le timbre long du frangais standard figurant dans les syllabes ouvertes (ex. lit, vue, doux) et les syllabes fermees par consonne "allongeante" (ex. livre, pur, douze), le timbre bref du canadien dans les syllabes fermees par d'autres consonnes (ex. brique, lune, groupe). Nos sujets prononcent plus de [A] posterieurs (ex. pate, Ottawa, la-bas) que les Franc;ais de France, et aussi plus de [oe] (brun, lundi)' ces deux voyelles etant en nette regression en France. Des formes diphtonguees de la voyelle orale [e] et des voyelles nasales [e] et [A] sont frequentes en syllabe fermee, par exemple: 'maitre' [ei], 'linge' [ei], 'branche' [au]. On releve parfois aussi des [A] et [o] diphtongues: 'age' [au], saute [ou]. Les nasales [e] et [A], diphtonguees en syllabe fermee, prennent en syllabe ouverte finale un timbre canadien ouvert et anterieur: 'fin' [T] 'grand' [a] ou [e]. La "nasalite" caracteristique des parlers canadiens semble provenir de ce melange de diphtongaison et d'anteriorite, ainsi que d'un allongement des voyelles nasales et d'une nasalisation de certaines voyelles orales suivies de [m] ou [n].30 La prononciation des consonnes par nos informateurs de la Saskatchewan revele plusieurs traits interessants. On trouve presque partout dans la province un "h" initial Revue d'etudes canadiennes nettement aspire, consonne presque inconnue en France et peu frequente au Quebec: par exemple, dans "la hauteur" et "quelle honte". Le "r" de nos sujets est, comme dans la region de Montreal, apical OU "roule", a !'exception de la region de Bellegarde, OU nos informateurs prononcent un "r" palatal ou "grasseye", survivance sans doute de leurs antecedents belges, bien que compa·· rable au "r" de la ville de Quebec. En revanche , les consonnes affriquees [ts] et [dz] caracteristiques du parler quebecois (sourtout devant [i] et [y] semblent rares en Saskatchewan.3 i Le rythme et l'accent chez nos informateurs semblent differents de ce que l'on trouve en France. Les voyelles longues par etymologie (pate, bete) OU contexte phonique (sauve, neige), ainsi que Jes nasales et les diphtongues, maintiennent leur pleine duree (OU presque) a l'interieur du groupe rythmique, ce qui aboutit sans doute a une perturbation du rythme et a un deplacement de l'accent tonique.32 Deux questions nous ont souvent ete posees au sujet de la prononciation du frangais en Saskatchewan: est-elle facilement comprehensible a un etranger, et accuse-t-elle !'influence de l'anolais? A la premiere question, nous pouvons repondre que, bien qu'entre eux les Franco-Canadiens fassent moins attention a leur prononciation et soient parfois difficiles a suivre, ils sont en revanche tout a fait comprehensibles lorsqu'ils parlent une langue plus soignee avec un visiteur. Sur le deuxieme point, nos recherches nous amenent a la conclusion que les caracteristiques phonetiques du parler en Saskatchewan sont celles que les FrancoCanadiens ont heritees de leurs ancetres du Quebec, de la France ( Normandie, Poitou, Saintonge), ou de la Belgique (Wallonie). Le parler des campagnes de plusieurs regions de France, par exemple, montre de tres interessants paralleles avec les traits phonetiques qu'on trouve au Canada, tels que le Journal of Canadian Studies "h aspire", les voyelles diphtonguees, et les voyelles a double timbre 1-Y-U. Les origines historiques de certains de ces phenomenes ont d'ailleurs ete bien discutees: ii s'agit, a l'etat d'hypothese, de traits linguistiques de la France du 17e et du 18e siecles, epoque a laquelle les ancetres des Canadiens frangais ont franchi l'Atlantique. Leurs descendants , une fois les liens coupes avec la patrie, ont maintenu les tendances phonetiques de la prononciation dont ils avaient herite; les influences qu'a subies le frangais de France dans l'intervalle n'ont guere pu se faire sentir au Canada, tout comme elles ont ete moins sensibles dans quelques regions rurales de la France.33 II se peut qu'une etude de !'intonation des Franco-Canadiens de la prairie, qui reste a faire, montre d'autres influences. Mais nous croyons, au moins provisoirement, que si l'environnement linguistique anglais est sensible dans la structure grammaticale et le vocabulaire de la langue de nos sujets, en revanche ii ne semble pas affecter la prononciation du parler frangais en Saskatchewan . VI. ANALYSES ET PERSPECTIVES Au terme d'une etude du fait frangais en Saskatchewan et d'une serie de voyages et visites parmi les Franco-Canadiens de la prairie, on ne peut qu'eprouver de !'admiration - et de la surprise - devant la superbe resistance que cette petite communaute francophone a su opposer depuis presque siecle a des tentatives acharnees d'assimilation. Qu'une minorite aussi harcelee par des mesures administratives systematiques, par une flagrante injustice sc-olaire, par une longue histoire d'intolerance religieuse et linguistique, ait pu survivre jusqu'en 1972 fait croire au miracle. Mais a cette admiration se mele une certaine tristesse, car cette courageuse minorite n'a cesse de s'affaiblir au 20e siecle et se trouve en danger d'extinction. Nous avons vu, en effet, que les Franco13 Canadiens ont pu survivre jusqu'aux annees 1950 en depit de !'injustice scolaire, qui leur servait meme de point de ralliement. lls devaient cette survie dans une large mesure aux efforts entrepris par l'ACFC et d'autres organisations pour maintenir l'enseignement du fran9ais, encourager une modeste vie culturelle , et nourrir un esprit de communaute. lls le devaient aussi, sans doute meme davantage, a leur religion, "la foi gardienne de la langue", grace aux paroisses francophones et aux devoues cures et religieuses de l'Eglise catholique romaine qui ont toujours ete a la pointe de la lutte pour detendre leur culture; c'etaient leurs paroisses et ecoles qui fournissaient les points d'appui autour desquels les francophones pouvaient se grouper. Mais ils devaient leur survie, peut-etre avant tout, a la societe rurale qui caracterisait la Saskatchewan jusqu'a tres recemment. En effet, tant que la vie rurale etait dominante, la tache des leaders franco-canadiens etait facilitee; la petite communaute agricole, dotee de ses institutions locales florissantes - ecole, paroisse, cercles - et obli~ee ce trouver en elle-meme ses distractions, isolee par les distances et les mauvaises communications , etait particulierement apte a servir de cadre a la vie des minorites. On pourrait meme dire que leur dispersion et leur isolement , loin de leur nuire, furent une raison de leur survie. Or, ii est evident que depuis les annees 50 les conditions de vie en Saskatchewan ont change de fa9on radicale, comme partout au Canada. La societe agricole des prairies est en voie de disparition. La mecanisation des fermes, le depeuplement rural, l'exode vers les principales villes (Regina, Saskatoon, Prince-Albert), transforment les campagnes. Et les Franco-Canadiens qui s'installent dans les centres urbains courent de graves risques d'etre "noyes" dans le milieu anglophone, malgre les efforts courageux des paroisses fran9aises et des autres groupements francophones . En meme temps, les institutions et traditions rurales sur lesquelles etaient baties 14 les petites communautes francophones s'affaiblissent ou disparaissent, au prejudice des gens qui restent sur les fermes et dans les villages. La dispersion de la population, utile jadis, prive maintenant les Franco-Canadiens de la concentration demographique necessaire a leur survie: sortis de leur isolement, ils doivent faire face au spectre de !'absorption par la societe technologique. Les craintes exprimees par nos interlocuteurs au sujet de la television semblent tout a fait justifiees. Sans un reseau de television fran9aise, on voit difficilement comment les enfants peuvent etre amenes a conserver une langue limitee a des conversations artificielles avec ceux des parents qui ont le courage de "tenir" devant !'invasion des mass media. Mais la television en elle-meme ne saurait etre le remede-miracle comme certains ont l'air de le croire. Car c'est l'epuisement de ce "vouloir vivre" maintes fois signale par nos informateurs qui constitue peut-etre la menace la plus grave qui pese sur l'avenir des FrancoCanadiens . La mentalite rurale, qui a tant fait dans le passe pour soutenir le fait fran9ais - et les Franco-Canadiens ont ete surtout des fermiers - devient aujourd'hui un de ses principaux desavantages. L'esprit conservateur des campagnes, mefiant vis-a-vis de !'instruction et des "chases culturelles", interesse surtout par les questions "pratiques " des revenus et du travail, place le fran9ais parmi les dernieres de ses preoccupations . Ainsi, les possibilites offertes par les nouvelles "ecoles designees" ne sont pas toujours appreciees par les parents; meme la ou la commission scolaire n'est pas reticente OU hostile comme a WillowBunch , des parents franco-canadiens restent indifferents et souvent ne demandent meme pas que la nouvelle loi soit appliquee a leur district scolaire, craignant, nous a-t-on dit, que leurs enfants n' apprennent pas assez bien l'anglais pour leurs futurs metiers (crainte peu justifiee quand on observe le dynamisme du milieu anglophone). Ce genre Revue d'etudes canadiennes d'apathie OU de meprise CUJturelfe pourrait porter un coup fatal au fait franc;ais en Saskatchewan. II est vrai que la longue lutte scolaire est en grande partie responsable de cette attitude: la politique officielle d'assimilation a reussi, helas, dans une large mesure, malgre la resistance tenace menee par l'ACFC. Peu a peu les effets de l'absurde "regle d'une heure par jour" se sont fait sentir, jusqu'a ce que les jeunes n'aient plus de bases solides en frangais et qu'ils deviennent une proie facile pour la television de langue anglaise. Souvent aussi on n'a pas su tirer profit du programme de frangais superieur de l'ACFC, les eleves le trouvant "trop difficile" et laissant tomber ce cours des qu'ils rencontraient des problemes d'ordre scolaire. Selan l'ACFC, "20% de la jeunesse d'origine frangaise et d'age scolaire" suivaient ses cours en 1964. 34 En meme temps, le declin des ecoles francophones independantes a reduit cet important point d'appui. En effet, face aux enormes augmentations dans le coOt de !'education, les ecoles privees ont dO choisir entre la faillite et !'integration au systeme public dont les subventions peuvent assurer leur survie. Cette integration, cependant, non seulement ouvre les portes aux eleves anglophones mais a entraine d'emblee !'application de la "regle d'une heure par jour". Du coup, la proportion de l'enseignement fait en frangais a ete reduite de fagon catastrophique . L'exemple le plus frappant est celui du College Mathieu de Gravelbourg, depuis un demi-siecle bastion de l'enseignement et de la culture pour d'innombrables familles franco-canadiennes, avec son internat, son excellente bibliotheque, et ses devoues professeurs oblats. En 1966 le College Mathieu a mis fin a son affiliation avec l'Universite d'Ottawa et a ferme ses classes au-dela du "grade 12"; ii est passe ensuite sous l'egide de la commission scolaire publique (en partie); l'enseignement du frangais a ete reduit aux normes provinciales et des eleves anglophones ont Journal of Canadian Studies afflue dans les classes et l'internat. Selan les parents que nous avons rencontres, ce College et d'autres du meme genre ne sont plus de veritables ecoles franc;aises; nous avons dO nous rendre a !'evidence, lors d'une visite en 1969, que l'anglais etait devenu la langue courante au College Mathieu. Le College Notre-Dame, a Saint-Louis, est meme plus anglicise, car depuis quelque temps ii suit le programme des ecoles publiques et n'offre le franc;ais que comme langue seconde au meme titre que les autres matieres scolaires. L'avenir de cette ecole, comme celui d'autres pensionnats de la province, semble menace par !'augmentation constante des frais et un declin dans le nombre des pensionnaires. Autre facteur d'affaiblissement, c'est !'emigration de nombreux Franco-Canadiens vers le Quebec, surtout des professionnels qui y ont fait leurs etudes et qui, d'apres l'ACFC, preferent demeurer "dans le Quebec... s'y epanouir davantage et ... assurer a ( leurs) enfants la langue et la culture qu' ( ils) ont appris a apprecier. " 35 L'effet nefaste de cette fuite intellectuelle est evident. La religion, enfin, tant du cote des ordres religieux que de celui des paroisses, ne joue plus autant le role qui fut le sien dans la preservation de la culture frangaise. La foi n'est plus la gardienne de la langue, ni !'inverse. Plusieurs couvents franc;ais ont dO fermer leurs portes, d'autres recruter des soeurs anglophones. Dans certaines paroisses devenues "bilingues", l'anglais predomine aux offices du dimanche; parfois le cure, lasse comme ses fideles par la lutte, laisse glisser la vie paroissiale sur la pente de l'anglicisation.30 L'effet cumulatif de tous ces facteurs est la lente erosion des effectifs francophones en Saskatchewan. Selan le recensement de 1961, deja cite, 6.4 % de la population de la province etaient d' origine franc;aise, une augmentation de 1.7% par rapport a 1911. Mais la proportion de personnes par/ant fran9ais n'etait que de 4.9%, chiffre qui tient compte 15 des bilingues de toutes ongines ainsi que des unilingues francophones (4.5% et 0.4% respectivement); le nombre de personnes d'origine franc;aise parlant encore leur langue maternelle etait seulement de 3.9% de la population. En d'autres termes, 60% environ des gens d'origine franc;aise parlaient encore le franc;ais, les autres ayant perdu leur langue maternelle.37 "La population d'origine fanc;aise a beau augmenter regulierement", remarque l'ACFC, "la population de langue maternelle franc;aise diminue a peu pres dans la meme proportion." Un taux d'assimilation a ete calcule a l'aide de ces chiffres par J. Henripin, chercheur pour la Commission Royale d'Enquete,38 pour les deux regions a forte densite de francophones; ce taux serait de 14.5% pour le sud de la province et de 31.8 % pour le nord (le taux provincial etant de 45.5%). II taut ajouter que les Franco-Canadiens de la Saskatchewan tiennent une place honorable par rapport a ceux des autres regions du Canada, et qu'ils resistent mieux a !'assimilation que tous les groupes de leur province sauf les Ukrainiens. Les premiers chiffres du recensement de 1971, communiques sous forme provisoire en mai 1972, font etat d'une nouvelle diminution des effectifs francophones en Saskatchewan , comme d'ailleurs presque partout au Canada. En effet, le nombre de personnes d'origine franqaise par/ant encore le franqais serait en 1971 de 3.4 % de la population de la province, une baisse de pres de 13 % du groupe en dix ans. On comprend done la boutade de M. Rene Levesque, chef du Parti quebecois, qui, en nous rencontrant en juin 1972, nous a qualifie d' "archeologue"! Que penser alors du nouvel etat d'esprit, des nouvelles mesures prises pour encourager le bilinguisme, depuis la mise en route de la Commission Royale d'Enquete en 1963? 11 est certain que le climat a enormement change depuis quelques annees, et les milieux franco-canadiens sont les premiers a le reconnaitre. D'abord, !'attitude du gouvernement pro16 vincial, elle-meme le reflet de !'opinion publique , a beaucoup evolue, comme nous l'avons indique ci-dessus a propos de la question scolaire. II serait certainement exagere d'affirmer que les gouvernements de la province se sont donnes de tout coeur a la cause du bilinguisme; la resistance acharnee menee par le gouvernement liberal de M. Thatcher contre la loi sur les langues officielles de 1969 montre plutot le contraire. Mais que celui-ci ait accepte de mettre fin a !'injustice scolaire, quelles qu'en soient ses raisons, doit - etre porte a son actif. Et le nouveau gouvernement N.P.D. de M. Blakeney s'est montre encore plus bienveillant envers les Franco-Canadiens depuis son election en 1971 (le nouveau premier ministre a meme effectue une visite bien reussie en France en maijjuin 1972). C'est aussi dans !'opinion publique en general qu'il taut deceler un changement d'attitude. Les Franco-Canadiens de la Saskatchewan ont toujours eu a combattre la notion, largement repandue dans la province , qu'ils formaient "une minorite comme les autres" ( Ukrainiens, Allemands, Scandinaves , etc.), qu'ils taisaient partie d'une mosa"ique culturelle, et en consequence ne meritaient aucun regime de faveur. Nous avons souvent entendu dire dans l'Ouest, "lei nous avons plus d'Ukrainiens, alors pourquoi accorder des privileges particuliers aux Franc;ais ?", les gens refusant de tenir compte des droits historiques et nationaux du Canada franc;ais. Cette attitude semble etre en train de perdre du terrain: le biculturalisme devient a la mode, et on tait des efforts pour ameliorer la qualite de l'enseignement du franc;ais tant pour les anglophones que pour les francophones. De plus en plus d'anglophones, surtout dans les milieux intellectuels, desirent apprendre le franc;ais, ce qui, comme nous l'ont signale nos informateurs dans l'enquete, ne manque pas d'impressionner les milieux franco-canadi·ens. II en resulte, petit a petit, une nouvelle fierte chez ces derniers, qui va loin dans le sens Revue d'etudes canadiennes d'effacer les vieux sentiments d'inferiorite, voire de honte. Des echanges de jeunes avec le Quebec, des tournees d'artistes et chanteurs quebecois aident a renforcer cette nouvelle prise de conscience collective. II se peut bien aussi que le niveau d'instruction plus eleve chez les jeunes amene une nette amelioration dans la qualite du frangais parle en Saskatchewan, A ce propos, ii faut citer un projet louable de l'Universite de la Saskatchewan a Regina: la creation en 1967 d'un Centre d'etudes bilingues, destine en partie a remplacer les annees superieures du College Mathieu, attirant ainsi les etudiants francophones de la province aussi bien que des anglophones desireux de faire une partie (40%) de leurs etudes en frangais. Ce projet devait, a ses debuts, se donner des objectifs quelque peu demesures, et ses effectifs en 1971-72 restaient modestes - une cinquantaine d'etudiants a temps complet. Mais sous !'impulsion d'un nouveau directeur dynamique , qui sillonne la province a la recherche de recrues, l'avenir du Centre peut etre envisage avec un certain optimisme. II faut signaler que le College Mathieu, en proie depuis quelque temps a des difficultes financieres, regoit maintenant des subventions federales, dans le cadre de l'aide aux langues officielles, en vue de sa continuation comme ecole bilinque; "Le College fait maintenant de grands efforts pour ameliorer !'ambiance frangaise chez lui", nous a-t-on dit, "et augmente chaque annee le pourcentage des cours donnes en frangais."39 "Sur un total de 162 etudiants actuellement au College, 104...sont bilingues. De ce nombre, 80 viennent de Ferland et de Gravelbourg, 8 de I'exterieur de la province, et 16...proviennent d'autres regions de la province".40 Quant aux mass media, la mise en service du satellite canadien de telecommunications ANIK, prevue pour 1973, permettrait aux residents des prairies de capter les emissions frangaises de Radio-Canada, comblant ainsi une grave lacune dans la culture francophone de l'Ouest. Deja, depuis 1970, les Journal of Canadian Studies postes de television existants diffusent quelques programmes en langue franc;aise. Enfin, l'ACFC non seulement continue, mais renforce et renouvelle ses activites, grace en partie a d'importantes subventions du Gouvernement federal, octroyees depuis 1968, comme pour le College Mathieu, dans le cadre de la politique du bilinguisme, et a de plus petits subsides du Quebec et meme de la France. De plus, !'Association Nationale France-Canada en France a amerce un programme de dons de livres destines aux ecoles francophones en Saskatchewan. A l'automne de 1971 I'ACFC langait un nouveau journal, et en novembre de la meme annee donnait d'autres signes de vitalite en reunissant , a cote de son Congres general, 555 jeunes Franco-Canadiens de la Saskatchewan . * * * Quel est done le bilan general de la situation ? II parait, en premier lieu, que bien des mesures prises depuis les annees 1960, pour rendre justice aux Franco-Canadiens et les encourager a garder leur culture, interviennent dix OU quinze ans trap tard. Les reformes scolaires, la nouvelle atmosphere "biculturelle", les projets pour la television, si louables qu'ils soient, arrivent au moment OU beaucoup de Franco-Canadiens, epuises par la lutte, noyes par les mass media et le milieu anglophone, cedent a !'indifference, a la resignation. La jeunesse actuelle a peutetre deja trap perdu de sa langue pour pouvoir aspirer a un avenir bilingue. On nous signale que les Franco-Canadiens de plus de 30 ans sont generalement bilingues; ceux d'entre 18 et 30 ans parlent souvent en anglais; et pour les moins de 18 ans, l'anglais est la regle, faits que nous avons souvent eu !'occasion de constater. Deuxiemement, une tendance, nuisible au fait frangais, semble irreversible: c'est !'urbanisation de la province, entrainant les jeunes vers la ville ou ils s'anglicisent, alors que bien des gens qui restent a fa Campagne sont, de par leur mentalite ou manque 17 d'instruction, peu interesses par la culture francophone ni prets a contribuer a sa survie. On peut done comprendre ce paradoxe: a l'epoque du bilinguisme et du renouveau du fait frangais, l'apathie est le trait dominant des milieux les plus directement vises. II semble en fin de compte que le frangais ait peu d'avenir comme langue de communication sociale en Saskatchewan, du moins dans le sens traditionnel que l'on a connu jusqu'ici de langue de travail. Les forces d'assimilation sont trop puissantes, les milieux francophones actuels ne pesent pas assez lourd dans la balance. Cependant, d'apres bon nombre de nos sources francocanadiennes , le frangais a de fortes chances de survivre dans un autre contexte: au sein d'une elite bilingue OU des anglophones avertis partageraient les fruits du bilinguisme national avec la nouvelle generation de francophones instruits. Reveil artificiel, peutetre , mais a nullement mepriser et qui comporte des compensations. Citons a ce propos un commentateur franco-canadien qui connait bien son milieu: " ... je pense qu'il est temps que nous soyons realistes...je considere la qualite du frangais qu'on parle en certains endroits, ii est peut-etre preferable de dire qu'on ne le sait plus. Quand j'entends les parents me dire qu'ils ont 'starte' la voiture, qu'ils ont 'fixe le tire' qui etait 'buste' et qu'ils pretendent continuer a 'fighter' pour garder leur langue, je me demande si tous leurs efforts valent la peine qu'on les imite. Je pretere admettre que le nombre des parlant frangais soit moindre et qu'ils parlent une langue qu'on sera tier et heureux d'entendre... II y aura toujours du frangais en Saskatchewan pour ceux qui en veulent et ceux qui en meritent ..." 41 Entin, donnons la parole a trois parmi nos informateurs deja cites: un homme sans instruction d'un petit village, un universitaire de milieu urbain, et un fermier. "Ce sera par exception (qu'on parIera frangais)" a dit le premier, "mais ii y a des 18 exceptions, de grandes exceptions." "Ce ne peut pas etre !'ensemble", a reconnu le second. Et le fermier de leur faire echo: "II faudrait peut-etre se concentrer plus sur la qualite que la quantite." Ce qui semble resumer de fagon succincte l'avenir du fait frangais en Saskatchewan. NOTES 1. Une bonne vue d'ensemb:e historique se trouve dans Canadian Dualism/ La Dualite canadienne, Mason WADE, ed., (Toronto et Quebec, 1960) - chapitre par George F. STANLEY, "French and English in Western Canada" (1958). Une etude plus detaillee sur l'histoire des francophones en Saskatchewan est en preparation sous la direction du professeur A. Lalonde, de l'Universite de la Saskatchewan a Regina. 2. Nous renvoyons pour le cote sociologique a l'etude de MM. Frank G. VALLEE et Norman SHULMAN, "The Viability of French Groupings outside Quebec", rapport preliminaire d'un projet de recherches plus vaste, publie en 1969 dans Regionalism in the Canadian Community 18671967 , Mason WADE, ed., pp. 83-99. Nous avons eu le plaisir de rencontrer un des enqueteurs de MM. Vallee et Shulman en Saskatchewan en aoOt 1970. 3. Nous employons deliberement le terme "Franco-Canadien", de preference a, par exemple, "Canadien fran<;ais", pour la raison suivante: la majorite des premiers immigrants francophones en Saskatchewan etaient des Canadiens fran9ais venus du Quebec; mais bon nombre de francophones d'Europe (France, Belgique, Suisse) se sont joints a eux, et la plupart des chefs des organisations francophones etaient europeens. De cette fusion des Canadiens franc;:ais avec les francophones d'Europe est issue la communaute "franco-canadienne" actuelle. Cette terminologie a presque toujours ete employee par les interesses euxmemes , certainement depuis la fondation de !'Association Catholique Franco-Canadienne en 1912, et nous suivons leur usage. 4. cf. l'etude de MM. Vallee et Shulman, op. cit., p. 91. 5. Pour bien des renseignements sur l'etat recent des FrancoCanadiens en Saskatchewan, nous avons eu recours au tres interessc.nt Memoire presente par !'Association Culturelle Franco-Canadienne de la Saskatchewan (ACFC) et !'Association des Commissaires d'Ecoles Franco-Canadiens (ACEFC) a la Commission Royale d'Enquete sur le Bilinguisme et le Bicultura:isme, en 1964 (43 pp. dactyl., prepare par le secretariat de l'ACFC a Regina; s.d.). Les dirigeants de l'ACFC, notamment MM. Rene Rottiers, Directeur general, et Rolland Pinsonneault, animateur culture !, ont tout fait pour nous aider a mener a bien nos enquetes; qu'ils trouvent ici !'expression de nos remerciements pour leur precieux concours. 6. Vallee et Shulman, op. cit., p. 97. 7. Pour le village de Montmartre, dans la region VIII, nous renvoyons a l'etude tres complete de Bernard WILHELM, qui n'est malheureusement pas encore publiee (edition offset a tirage limite; Regina: Centre d'etudes bilingues de l'Universite de la Saskatchewan, 1969): Montmartre: Un Village en Saskatchewan. 8. Pour le role des metis dans le Nord-Quest a cette epoque, voir George F. STANLEY, The Birth of Western Canada (Toronto, 1960); pour les premieres missions des Oblats, J. -E. CHAMPAGNE, O.M.I., Les Missions catholiques dans /'ouest canadien (1818-1875), (Ottawa, 1949). 9. Nous devons la plupart des renseignements sur l'immigraRevue d'etudes canadiennes tion franc;aise dans l'Ouest a l'ouvrage detaille de Donatien FREMONT, Les Fran<;ais dans /'Quest canadien (Winnipeg: Editions de la Liberte, 1959). 10. cf. ibid, eh. XVlll; et Bernard WILHELM, op. cit., Montmartre ... 11. cf. Michael JACKSON et Bernard WILHELM, Willow-Bunch et Bellegarde en Saskatchewan, monographie, ed. off-set a tirage limite (Regina: Centre d'etudes bi:ingues de l'Universite de la Saskatchewan, 1971). 12. D. Fremont, op. cit., p. 10. 13. ibid, eh. XVI I. 14. II est interessant de noter que, se!on plusieurs autorites, le franc;ais a toujours ete une langue officielle en Saskatchewan . L'ACFC (p. 11 du Memoire deja cite) se refere a une elude de M. Raymond Denis presentee a la Commission Royale d'Enquete, ou l'auteur rappelle les conclusions d'une commission provinciale de 1931 allant dans ce sens. L'Acte de la Saskatchewan de 1905 prevoyait que la legislation des Territoires du Nord-Ouest resterait en vigueur; or, bien que l'emploi du franc;ais a l'Assemblee des Territoires fOt aboli en 1892, "ii subsiste quelques doutes quant a la constitutionnalite de cette suppression", remarque la Commission Royale d'Enquete, qui reprend !'argument dans le premier livre de son Rapport (1967, Les Langues officielles, pp. 51-52). Et !'article 11 de la Loi des Territoires du Nord- Ouest sanctionnant le bilingulsme n'a jamais ete abroge par la Saskatchewan. Bien entendu, II s'agit d'une position purement theorique, le franc;ais ne jouissant d'aucun statut de fail sur le plan provincial. 15. "Le Patriote de l'Ouest" devait fusionner avec "La Liberte" de Winnipeg en 1941 pour former "Le Patriote et la Liberte", son nom actuel. L'ACFC changea son nom en 1964 de 'catholique' a 'culturelle', reflet de la la'icisation du mouvement franco-canadien, bien que celui-ci reste tres lie aux elements francophones de l'Eglise catholique romaine. Vers la fin de 1971, l'ACFC rompit son lien, vieux de trente ans, avec "Le Patriote et la Li berte", et commen9a la publication de son propre hebdom?daire, "L'Eau vive" (devenu bihebdomadaire en tevrier 1972). 16. Pour situer cette question scolaire dans le contexte plus large du Canada fran<;:ais, voir Ramsay COOK, Canada and the French Canadian Question (Toronto, 1966), eh. 2 et 9; ainsl que G. F. Stanley dans La Dualite canadienne, op. cit. Pour le detail, nous sommes redevab'.e surtout a la these de M. Raymond J. A. HUEL, L'Association Catholique Franco-Canadienne de la Saskatchewan: A Response to Cultural Assimilation (unpublished M. A. Thesis, University of Saskatchewan, Regina Campus, 1969). 17. Revised Statutes of Saskatchewan (R.S.S.}, (1966) cap. 184, "The School Act'', art. 40: "The minority of the ratepayers in any district, whether Protestant or Roman Catho~ic, may establish a separate school therein..." 18. cite par R.J.A. Huel, op. cit., eh. V. 19. Pour une elude detaillee de cette controverse de 1918, voir R. J. A. HUEL, "The French-Canadians and the Language Question, 1918", dans Saskatchewan History, vol. XXlll, no 1, 1970. 20. R. J. A. Huel, these, op. cit., eh. VII. 21. ibid, eh. IX. 22. R.S.S. (1966), cap. 184, art. 209: "(1) Eng'ish shall be the sole language of instrurtion in all schoo's, and no language other than English shall be taught during school hours. {2) When the boqrd of a district passes a resolution to that effect, the French language may be taught as Journal of Canadian Studies a subject for a period not exceeding one hour a day ES a part of the school curriculum, and such teaching shall consist of French reading, French grammar and French composition." 23. R.S.S. cap. 185, "The L:irger Schools Act". 24. Memoire de l'ACFC, op. cit., pp. 25-26. 25. ibid, p. 29. 26. S.S. 1967, cap. 35, art. 11: "{1) Except as may be otherwise provided in this A.::t, English shall be the language of instruction in all schools. {2) Subject to the regulations of the department, where the board of a district passes a resolution to that effect French may be taught or used as the language of instruction for a period of one hour or for periods aggregating 1101 more than one hour a day as part of the school curriculum." 27. S.S. 1968, cap. 66, art. 14, modifie !'article 209 des R.S.S. ainsi: "(2A) Notwithstanding subsection (2), the Lieutenant Governor in Council may designate schools in which French may be taught or used as the language of instruction for such period in a day as he may by regulation provide." 28. Circulalre du Saskatchewan Department of Education du 14 juillet 1968, sous la signature de L. M. Ready, Assistant Deputy-Minister. 29. B. Wilhelm, Montmartre... ., op. cit., pp. 25-43; M. Jackson et B. Wilhelm,Willow-Bunch et Bellegarde.. ., op. cit., pp. 19-21. 30. cf. Michael JACKSON, "Elude du systeme voca'.ique du parler de Gravelbourg (Saskatchewan)", dans Studia Phonetica I: Recherches sur la structure phonique du fran<;ais canadien, Pierre R. LEON, ed., (Paris & Montreal: Didier, 1968). 31. cf. M. Jackson et B. Wilhelm, Willow-Bunch et Bellegarde . .. ., op. cit., pp. 42-44. 32. cf. Pierre R. LEON et Michael JACKSON, "La duree vocalique en fran<;:ais canadien du sud de la Saskatchewan " - Canadian Journal of Linguistics I Revue canadienne de Linguistique, vol. 16 no 2, 1971. 33. Nous remercions le professeur J.-M. Paquette, de l'Universite Laval, d'avoir attire noire attention sur ce point. La tendance a la palatalisation (ou fermeture) des voyelles qui continue a operer en France depuis le Moyen Age, mais qui a connu un point d'arret au 17e siecle, n'a pu· aboutir au Canada, pour des raisons d'ordre anthropologique aussi bien que linguistique. Ainsi le fran9ais canadien garde plus de voyelles ouvertes (A, I, Y); Jes diphtongues viendraient de l'aboutissement de certaines tendances phoniques des 17e-18e siecles; meme le "h" etait "aspire" dans certaines regions de la France jusqu'a cette epoque. 34. Memoire de l'ACFC, op. cit., p. 32. 35. ibid, p. 16. 36. Bernard Wilhelm cite a ce propos le cas d'un cure qui, au moment ou Vatican II mettait fin a l'emploi du latin aux offices religieux, optait pour l'anglais dans sa paroisse "bilingue", releguant le franc;ais a un service par mois a 8 h. du matin! (Montmartre op. cit., p. 36). 37. Pour Jes chiffres, voir Vallee et Shulman, op. cit., pp. 9099 ; Memoire de I'ACFC, pp. 5-7; Rapport de la Commission Royale d'Enquete, Livre I, eh. 2. 38. cite dans Vallee et Shulman, op. cit., pp. 92 et 99. 39. lettre du Directeur general de l'ACFC a !'auteur, du 19 novembre 1971. 40. "L'Eau vive", vol. 1, no 24, le 16 mai 1972. 41. l'abbe Rene Berube, de La Fleche (Sask.), dans "L'Eau vive", vol. 1, no 4, le 2 novembre 1971. 19 / LES FRANCAIS EN SASKATCHEWAN \ : ' :L··-··-··-··-··-·· -··-·. -·· - ··-·· - .. ---1 / Nord I Butte St. Pierre • Edam e Star . ...,~,'\:. . ~ "l" • Prince Albert Arborfield .{S( Louis : Zenon Park \ . . Carlton 1 (-Hoey M If . . • .a. Duck Lake • e ort T1tan1c • r ,./ • Domremy \ / . ~•Cochin St. Hyppolite• • Delmas I ~: ~I -J •

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