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Reviewed by:
  • La bataille de l’avortement : chronique québécoise, 1970–2010 by Louise Desmarais
  • Chantal Bayard
La bataille de l’avortement : chronique québécoise, 1970–2010
Louise Desmarais
Montréal: Les éditions du remue-ménage, 547 p., 39,95 $

La réédition du livre de la militante Louise Desmarais, paru initialement sous le titre Mémoires d’une bataille inachevée (1999), est dense et passionnante. Dans cette imposante chronique, l’auteure reconstitue la trame des événements marquants de la lutte pour le droit à l’avortement libre et gratuit au Québec. Elle aspire ici à redonner au mouvement féministe francophone québécois sa juste place dans cette longue bataille. Sans minimiser la lutte juridique menée par le Dr Henry Morgentaler, elle met plutôt l’accent sur le travail politique des féministes qui ont milité pendant 40 ans pour l’obtention de ce droit. Par sa démarche, elle cherche en outre à « enrichir le disque dur de notre mémoire collective » grâce à l’utilisation des archives des groupes féministes québécois, des articles de presse tirés des principaux quotidiens nationaux francophones et le contenu d’entretiens réalisés auprès des militantes. Les fragments historiques recueillis forment le corps des six chapitres que comprend cette chronique : « Le règne des broches à tricoter » (1869–1969); « Québécoises deboutte » (1970–1976); « Nous aurons les enfants que nous voulons! » (1977–1982); « Maternité un choix – avortement un droit ! » (1983–1987); « Criminelles plus jamais! » (1988–1999); « Pro-choix pour la vie » (2000–2010). [End Page 561]

Dans une courte rétrospective, Louise Desmarais rappelle à notre mémoire qu’avant 1969 l’avortement en toutes circonstances, la distribution d’informations et de produits contraceptifs sont des actes jugés criminels. Durant cette période, les femmes ont recours à des avortements clandestins ou mettent elles-mêmes un terme à leur grossesse. Peu documentées à cause de leurs illégalités, l’existence et les conséquences de ces pratiques (complications médicales, hospitalisations, décès) sont néanmoins connues des autorités médicale et politique, au Québec comme au Canada. Il faudra attendre 1969 avant que la Chambre des communes assouplisse la loi qui encadre l’avortement. Dès lors, pour être légal, l’avortement doit s’effectuer à l’hôpital, sous la gouverne d’un médecin, et à la suite de l’accord d’un comité thérapeutique.

Au tournant des années 1970, la saga judiciaire qui oppose le Dr Henry Morgentaler à l’État (québécois et canadien) s’amorce. Entre 1970 et 1976, il subira trois procès pour lesquels il sera acquitté. Les féministes québécoises profitent de la visibilité médiatique de ces procès pour mener leur lutte sur le plan politique. Elles revendiquent l’avortement libre et gratuit et réclament son retrait du Code criminel, « l’abolition des comités d’avortement thérapeutique (CAT) et l’existence de services d’avortement accessibles, partout au Québec » (p. 65). Entre 1977 et 1982, le mouvement féministe exerce une pression plus soutenue auprès de l’État pour favoriser l’accessibilité à l’avortement, car malgré les dispositions du Code criminel, seulement 30% des hôpitaux de la province ont mis sur pied un comité thérapeutique (ministère des Affaires sociales, 1977). Durant ces années, le gouvernement du Québec continue de contourner la loi fédérale puisqu’il accepte d’effectuer le remboursement des avortements pratiqués en clinique ou en cabinet privé. Paradoxalement, il refuse d’autoriser officiellement la pratique des avortements à l’extérieur des murs de l’hôpital. Ce positionnement ambigu favorise le développement par les groupes féministes des services illégaux d’avortement dans les CLSC et les centres de santé des femmes.

Durant les années 1983 à 1987, les revendications des féministes s’organisent autour du droit de choisir des femmes plutôt que du droit à l’avortement, ce qui se traduit dans la terminologie utilisée par les militantes (« pro-choix » et « anti-choix »). Durant cette période marquée par le conservatisme, l...

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