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  • 666—Friedrich Nietzsche. Dithyrambe beublique by Victor-Lévy Beaulieu
  • Jimmy Thibeault
Victor-Lévy Beaulieu , 666—Friedrich Nietzsche. Dithyrambe beublique, Paroisse Notre-Dame-des-Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2015,1 392 p.

« Chère Samm, j'ai toujours pensé […] que ce qu'on cherche d'abord dans ce qu'on lit, c'est d'être confirmé dans ce qu'on pense, pressent et appréhende soi-même. » Que cherchait donc Victor-Lévy Beaulieu dans sa lecture de Friedrich Nietzsche qui a donné ce « Dithyrambe beublique » de 1 392 pages qu'est 666—Friedrich Nietzsche? Selon le site internet des Éditions Trois-Pistoles, il s'agissait d'offrir aux lecteurs son « testament autobiographique, littéraire, social et utopiste » (Les Éditions Trois-Pistoles, http://editionstrois-pistoles.com/boutique/fr/666-friedrich-nietzsche-p56/). Un testament qui se décline sous la forme d'une lecture de l'autre pour en arriver à la lecture de soi, car il s'agit bien ici de lecture plutôt que [End Page 400] d'écriture. Le narrateur affirme d'ailleurs dès le début du livre avoir « cessé d'écrire » : « Je ne fais plus que lire maintenant, cette œuvre paradoxale de Nietzsche et les ouvrages qu'on lui a consacrés. » C'est donc le plaisir du texte (pour reprendre les mots de Barthes) qui s'impose à celui d'écrire, mais, précise-t-il : « Je dis plaisir comme je dirais sans espoir » puisque « les mots de cette sorte ne veulent absolument rien dire ». Pourtant, les mots prennent un sens particulier dans la lecture et ce n'est pas pour rien que la relation épistolaire qu'il entretient avec cette chère Samm repose uniquement sur sa seule lecture alors qu'il ne parle jamais de son écriture, s'excusant constamment de s'être laissé porter par de longues digressions dans sa lecture. Ceci me ramène à la citation qui ouvre cette recension et qui fait de la lecture le lieu d'une confirmation du sens qu'on donne au monde. Beaulieu est brillant : pourquoi ouvrir le sens dans l'écriture quand on peut créer le sens dans la lecture? Dans 666—Friedrich Nietzsche, Victor-Lévy Beaulieu propose une lecture de Nietzsche en la superposant à la lecture de soi, du Québec et du monde contemporain, ce qui permet de nommer l'état de ses désillusions, de lui donner un sens.

Victor-Lévy Beaulieu donne à son 666—Friedrich Nietzsche une forme « beublique » qui fait écho à l'importance qu'a joué le discours religieux luthérien dans l'Allemagne de Nietzsche et catholique dans le Québec de l'auteur. Les chapitres reprennent ainsi la progression de la bible alors que le récit se développe entre « La Genesse » et « L'Apocalypso » en passant par « L'Exude », « Le Lévytique », « Le Dieutérunhomme » et « Le Cantouque des Cantiques », pour ne donner que quelques exemples. L'ouvrage est encadré d'une introduction et d'une conclusion respectivement intitulée « L'Incipide » et « Les Écrits hypocrites ». Ce clin d'œil au religieux dans la formation même de l'ouvrage n'est évidemment pas naı¨f, puisque le religieux est au centre même du récit… surtout au début ! Puisque la genèse de l'œuvre de Nietzsche comme celle de Beaulieu se trouvent étroitement liées au discours religieux, dans la montée de Martin Luther en Allemagne et dans l'omniprésence du catholicisme dans l'histoire du Québec. D'ailleurs, le père de Nietzsche n'était-il pas pasteur luthérien et la mère, à la mort de ce dernier, ne rêve-t-elle pas de voir son fils suivre les traces du père? La famille de Beaulieu pratiquait, pour sa part, « le catholicisme de la Contre-réforme ». À l'instar de Nietzsche, Beaulieu refusera cependant de s'impliquer dans les groupes religieux et vivra très tôt un désengagement par rapport à la religion : « Les curés étaient tous comme l'abbé Saindon : ils avaient de longues dents jaunes et puaient de la bouche. La religion sentait mauvais. » Il semble cependant que le refus du religieux ait...

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