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Reviewed by:
  • Raison et déraison du mythe. Au cœur des imaginaires collectifs by Gérard Bouchard
  • Jean-Pierre Thomas
Gérard Bouchard, Raison et déraison du mythe. Au cœur des imaginaires collectifs, Montréal, Boréal, 2014, 230 p.

La réputation de Gérard Bouchard n'est plus à faire, tant du côté de l'intelligentsia universitaire québécoise, où il œuvre en tant que titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les imaginaires collectifs, que de celui du grand public qui le connaît notamment pour ses romans mettant en scène la culture amérindienne. Préoccupé depuis plusieurs années par l'espace restreint concédé aux notions de mythe et d'imaginaire par des sciences humaines qui tendent parfois à glorifier indûment tout ce qui a saveur de logos, le chercheur basé à l'Université du Québec à Chicoutimi présente dans son récent opus, intitulé Raison et déraison du mythe. Au cœur des imaginaires collectifs, la somme d'un travail de longue haleine visant à démêler l'écheveau de la pensée complexe. C'est en fait à une tentative de théorisation que Bouchard convie ici son lectorat. L'ouvrage consiste ni plus ni moins en l'exposé de la méthode qu'il entend appliquer dorénavant à divers corpus et réalités afin d'en extraire la portée imaginaire. Il s'agit donc de « mettre en forme une démarche qui, au sein de l'univers de la culture, s'appuie sur la notion d'imaginaire définie au sens large, incluant les formes structurantes que sont les archétypes, mais s'ouvrant aussi sur la singularité des contextes ». S'étant aperçu que les mythes jouent souvent le rôle de vecteurs dans ce processus, mais qu'ils occupent peu l'attention des sociologues, le penseur a choisi de remédier à cette carence en étudiant les mythes sociaux qui soustendent l'imaginaire collectif. L'objectif est donc à la fois simple et audacieux : réinsérer le mythe dans la pensée contemporaine, tout en s'assurant qu'il ne fera pas office que de faire-valoir. Bouchard récuse d'emblée la scission traditionnelle entre pensée prémoderne et pensée moderne, lui substituant une conception où les mythes « procèdent d'une dynamique sociale animée par des stratégies de pouvoir, des divisions, des conflits et des contradictions ».

Comme il s'agit d'une démarche fondée sur l'exposition d'une méthode en partie novatrice, Gérard Bouchard se trouve confronté à la difficulté de [End Page 391] présenter un propos qui ne rebute pas son lecteur par sa densité, mais qui en même temps puisse traduire les ressorts d'une pensée marquée par la diversité. Les bases reposent ici sur la définition adéquate des points de repère nécessaires pour que le lecteur suive la pensée de l'auteur jusque dans ses ultimes ressorts, ce qui est fait dans un premier chapitre où les notions de mythe et d'imaginaire collectif sont définies méticuleusement. Bien que certaines idées exposées par l'auteur surprennent par leur originalité, il ne faut pas croire que Bouchard réinvente la roue dans son ensemble. Le chercheur s'est efforcé de parcourir une somme impressionnante d'ouvrages portant sur les concepts étudiés, et il puise dans ce répertoire pour élaborer son système. Historien et sociologue de formation, il ne se limite cependant pas à ses domaines de prédilection pour asseoir les assises de la démarche : anthropologie, littérature, histoire des religions viennent appuyer le propos. Bouchard a noté que les idées qui s'imprègnent de sacralité sont en général celles qui façonnent la vision du monde des groupes communautaires. Force lui sera donc de travailler sur cette matière afin d'en rendre le fini, ce qui l'entraîne à traiter des divers pans sociaux du mythe : « les acteurs qui en font la promotion, les fonctions qu'il remplit dans la culture et la société, les...

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