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Reviewed by:
  • The Algerian War in French-Language Comics. Postcolonial Memory, History, and Subjectivity by Jennifer Howell
  • Tristan Martine
Howell, Jennifer. The Algerian War in French-Language Comics. Postcolonial Memory, History, and Subjectivity. New York: Lexington Books, 2015. ISBN 9781498516068. 223 p.

La première étude ambitieuse sur les représentations de la guerre d'Algérie dans le neuvième art francophone n'aura donc pas été française ou algérienne, mais bien américaine et elle est l'œuvre de Jennifer Howell. L'avantage d'un tel sujet est la possibilité de l'exhaustivité. En effet, si des milliers d'albums existent sur les deux guerres mondiales, si les guerres napoléoniennes, voire certaines guerres plus anciennes, comme la guerre de Cent Ans, ont été l'objet ou, au moins, la trame de fond d'un grand nombre de bandes dessinées, tel ne fut longtemps pas le cas de la guerre d'Algérie. À peine une quarantaine de bandes dessinées (jusqu'en 2012, car, depuis, la production a considérablement augmenté, en lien notamment avec la commémoration des cinquante ans des accords d'Évian) font en effet allusion à la situation algérienne entre 1954 et 1962, tandis que très peu d'albums s'intéressent à l'Algérie française avant le début de la guerre. Cela reste néanmoins bien plus considérable que l'ensemble des œuvres portant sur les autres conflits coloniaux français, asiatiques ou africains. Ce n'est que dans les années 1980 (la première histoire longue sur ce sujet a été Une éducation algérienne, de Vidal et Bignon, publiée en 1982) et surtout 1990 que la première génération après la guerre d'Algérie s'est emparée de ce thème en bande dessinée, souvent avec succès, l'œuvre de Jacques Ferrandez rencontrant un grand écho dans les médias français, recevant de nombreux prix et donnant, par exemple, lieu à une exposition en 2012 au Musée de l'Armée.

Une longue introduction recontextualise la guerre d'Algérie, expliquant les enjeux culturels, politiques, économiques, militaires et humains et revenant sur les conséquences de ce conflit sur les générations suivantes. Elle analyse, en particulier, les enjeux de mémoire à l'œuvre ces dernières décennies autour de ce sujet politiquement toujours très controversé, s'intéressant aussi bien aux programmes scolaires qu'aux discours politiques ainsi qu'à la compréhension de ce conflit par des [End Page 211] générations qui ne l'ont pas vécu directement, discutant pour cela la pertinence de la distinction faite par Pierre Nora entre "histoire" et "mémoire," entre souvenir individuel et collectif, et revenant en détail sur la notion de "postmemory."

L'objectif de Howell est de comprendre, par l'étude des bandes dessinées représentant la guerre d'Algérie, comment eut lieu en France un "ajustement mémoriel," pour reprendre l'expression de Benjamin Stora, c'est-à-dire comment, génération après génération, évolua dans la société française la perception de ce conflit et comment se forgea progressivement une identité postcoloniale complexe. À l'inverse des manuels scolaires, souvent utilisés pour étudier cette évolution, le neuvième art n'est pas régi par des impératifs politiques et, surtout, il s'agit souvent d'un genre autoréflexif, en ce que le lecteur est constamment conscient que les images qu'il a sous les yeux ne sont que des représentations, permettant d'échapper à l'illusion de "vérité." Les impératifs économiques étant moins importants que dans d'autres types de production culturelle, cela permet également à un dessinateur d'être plus flexible dans ses représentations. De plus, à la recherche d'une documentation pour créer leurs albums, les auteurs ne s'interdisent rien, allant piocher dans la littérature comme dans les archives, au cinéma comme dans les livres d'Histoire, ce que les universitaires n'ont longtemps pas osé faire. Cela permet de bien voir quels thèmes, quelles images et quels éléments...

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