In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • "Francophonies barbares." Francofonia 70
  • Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo
"Francophonies barbares." Francofonia 70(printemps 2016). ISSN 1121953X. 207 p.

Notre consœur italienne, la revue Francofonia, qui paraît grâce à la contribution du département de langues, littératures et cultures modernes de l'université de Bologne, propose, pour sa livraison de printemps 2016, un numéro consacré aux "Francophonies barbares." Parue aux éditions florentines Olschki, cette revue de belle facture, dirigée par Maria Chiara Gnocchi, mérite d'être saluée dans NEFpour le travail de valorisation des littératures de langue française qu'elle fournit depuis 1981. Avec la revue Interculturel Francophonies, de Lecce, dirigée par Andrea Cali—pour ne citer que cet autre exemple qui concerne directement notre champ d'études—l'Italie offre une belle tribune aux littératures de langue française.

Le numéro 70, sous la direction de Nicolas Hossard, pose donc la stimulante question des "francophonies barbares" ou, plus exactement, il s'interroge, selon l'intitulé de son introduction, sur la possibilité de "penser la francophonie par la barbarie" (3–15) et de faire de cette dernière un "concept opératoire" (5).

La notion de barbarie a été, en effet, fréquemment conviée sous toutes ses déclinaisons de sauvagerie, de marginalité, pour évoquer les zones dans lesquelles le français a été imposé par le biais de la colonisation, et où, pour reprendre la terminologie d'Onésime Reclus, se trouvaient les "francisables," futurs "francisés" (Pinhas 79). Mais dans l'histoire de la francophonie, aussi bien institutionnelle que littéraire, a longtemps prévalu l'idée que ces "francisés," de gré ou de force, ne pouvaient prétendre à une maîtrise totale de la "civilisation" ni de la langue qu'ils émaillaient de leurs "barbarismes." Or, comme le montre Hossard, cette assignation de la barbarie [End Page 201]à la francophonie, que l'on relève dans le séparatisme qui continue d'exister entre littérature française et francophone, a été largement entretenue par la critique littéraire postcoloniale elle-même. Il en voit, en particulier, la marque dans son usage parfois superficiel de la notion de littérature mineure de Deleuze et Guattari pour analyser une littérature francophone trop systématiquement renvoyée aux questions de périphérie, d'altérité, d'exacerbation des identités, aux problématiques linguistiques … Les auteurs francophones eux-mêmes se sont fait fort d'incarner cette barbarie, comme par exemple les poètes de la négritude qui, en cela, se référaient volontiers à Rimbaud dont on sait qu'il fut le premier à se proclamer "nègre" (9). Leur volonté de transgresser et de renverser le positivisme et le prétendu rationalisme occidental emprunta ainsi cet affichage barbare pour mettre en pièces la véritable barbarie, celle de la colonisation, et les relents de primitivisme qu'elle ne cessait de leur renvoyer. Mais le projet de Hossard et des sept contributions qu'il a rassemblées ici ne vise pas à renvoyer dos à dos la barbarie des colons du centre et celle des sauvages des périphéries.

Il propose, tout d'abord, de repérer les "passerelles" qui ont emprunté "le vecteur discursif barbare" (10), c'est-à-dire de reprendre la généalogie de cette notion dans le cœur même du discours littéraire et métalittéraire français pour mieux montrer à quel point toute dissociation entre littératures du centre et de la périphérie est caduque. Doit, en effet, être pris "en considération l' analogonfrançais" qui "s'est lui-même affirmé, à partir de la fin du XVIIIe siècle, comme un analogonbarbare" (10). La barbarie a ainsi constitué une tradition majeure vite valorisée dans la littérature française qu'elle a revivifiée. L'intéressant article de Maria Chiara Gnocchi, "Le Barbare d'à côté (1900–1939)" (17–34), montre ainsi comment des auteurs belges, suisses, émigrés, marginaux de l'institution littéraire, ont pénétré, au début du vingtième siècle, dans le cœur du...

pdf

Share