"Une radio pour la jeunesse." Cahiers Robinson 40 (review)

Dirigé par Francis Marcoin, ce quarantième numéro des Cahiers Robinsons'attarde sur la radio destinée aux jeunes. Dans son introduction (7–31), Marcoin brosse un tableau chronologique de ce phénomène médiatique, qualifié de jeune et de familial, d'éducatif et de récréatif, depuis ses origines, en divers pays, tout en soulignant les contributions des uns et des autres. Pour notre part, nous retiendrons principalement les interventions qui soulignent la place occupée par la littérature pour la jeunesse au sein de ce médium. Jacqueline et Raoul Duguay (97–101) retracent les réalisations ambitieuses de l'ORTF, considérée comme une auxiliaire de la lecture et qui a accordé une place importante à la littérature pour la jeunesse en organisant, notamment, des concours littéraires. Guillemette Tison s'intéresse à la place occupée par "La radio dans les livres de lecture de l'école élémentaire" (103–13), à une époque où sont publiés de nombreux "romans scolaires," ouvrages qui jettent des ponts entre littérature et pédagogie (103). À partir d'un corpus de manuels publiés entre 1921 et 1956, l'auteure analyse la place occupée par le poste de radio, les moments où les jeunes l'écoutent en famille ou non ainsi que quelques interventions radiophoniques destinées aux jeunes. Céline Bonnaire (125–38) analyse finement une émission radiophonique consacrée aux livres pour enfants, "L'as-tu lu, mon petit loup?" Animée pendant vingt et un ans par Patrice Wolf et Denis Cheissoux, cette émission hebdomadaire présente des albums, signale les noms des auteurs et des éditeurs, s'attarde sur les illustrations en faisant appel à la culture visuelle des jeunes, le tout présenté dans un langage accessible aux destinataires (parents et enfants). Les animateurs ne négligent pas pour autant les questions associées à la traduction, à la qualité matérielle du livre et à sa résistance à l'usage. La dimension esthétique est traitée, tout comme la robustesse et la solidité du livre, sans omettre de mentionner le prix d'achat. "C'est au nom d'un respect authentique de la qualité esthétique et littéraire, défendue émission après émission, que les journalistes peuvent se permettre de temps à autre des sorties critiques extrêmement vigoureuses" (134). Sous la rubrique Varia, Patrick Tourchon et Leniiw Roman comparent, dans "Comme un méta- Michel: Georges Bayard, L'École des détectives" (141–60), le roman et le feuilleton. Ils relèvent des différences lexicales et grammaticales, des jeux de mots. L'hypothèse émise par les auteurs est que L'École des détectivesa pour tâche de s'assurer que la pensée sous-jacente des Michelest bien "menée jusqu'à son élucidation" (147). Selon eux, Georges Bayard écrivain est souvent dominé par Georges Bayard enseignant, d'où le titre de l'article. Le roman hors-série serait un commentaire de Georges Bayard sur son homonyme, un manifeste en quelque sorte (160). Monika Salmon-Siama s'intéresse à un cas particulier de transculturalité en étudiant la presse polonaise pour la jeunesse du Nord/Pas-de-Calais (161–82), à la suite d'un traité d'émigration conclu entre la France et Varsovie, le 3 septembre 1919, pour recruter des travailleurs polonais et entamer une migration massive. L'auteure brosse un riche tableau des publications parues dans l'entre-deux-guerres, grâce aux structures associatives qui visent à consolider leurs assises en publiant des revues et des journaux, jusqu'à leur disparition avant 1989. Tout en se voulant une fenêtre sur le monde et une passerelle vers la langue polonaise, les articles pour les jeunes révèlent une culture enfantine traditionnelle et conservatrice (166). "Les suppléments souffrent d'un excès de pédagogisme" (167). Au fil du temps, les romans polonais présentés sur des demi-pages ou des pages entières disparaissent au profit des bandes dessinées américaines...