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Reviewed by:
  • Journal d'un écrivain en pyjama by Dany Laferrière
  • Isabelle Constant
Laferrière, Dany. Journal d'un écrivain en pyjama. Paris: Grasset, 2013. ISBN 9872253000808. 329 p.

À classer sur la même étagère que L'Art du roman de Milan Kundera ou On Writing de Stephen King, Le Journal d'un écrivain en pyjama regorge de conseils d'écriture et se lit comme un roman. On peut choisir d'écrire sur ce livre pour deux raisons: soit parce qu'il est drôle, car, comme à l'accoutumée, Dany Laferrière parsème son récit de remarques ironiques ou comiques, soit parce qu'il se répète, car on peut penser que ce que l'auteur répète est ce qui est important pour lui ou ce qui l'obsède, ce qui est tout aussi intéressant dans le cas d'un écrivain.

Commençons par ce que répète Laferrière, dans ce récit même et, de manière intertextuelle, dans ses autres récits. Le mot "récit" est mal choisi puisqu'il ne s'agit ni d'un récit, ni d'un roman, ni d'un essai. Dans l'un des chapitres, il se pose même la question de savoir comment nommer ce texte qu'il veut écrire, et il a sans doute opté pour "journal" faute de trouver un meilleur mot pour décrire ce genre de texte composé de segments. Pourtant, le journal n'est pas divisé en jours, mais en cent quatre-vingt-deux thèmes, ou courts sujets, plus ou moins en rapport avec l'écriture. L'auteur nous avait habitués aux chapitres courts, par exemple, dans L'Énigme du retour qui était écrit sous forme de poème en prose. Le Journal d'un écrivain en pyjama ne se laisse pas définir facilement non plus, car il se présente sous forme de fragments. Laferrière y affirme à un moment que tous ses livres "sont des romans. Même ceux qui ressemblent à des essais critiques" (272) comme celui-ci. Dans une courte vidéo promotionnelle où il dialogue avec son éditeur et où il apparaît en pyjama, sur YouTube, l'auteur et l'éditeur semblent avoir finalement opté pour le terme de chroniques. Le personnage de l'auteur se répète également par l'entremise du dédoublement. Il se perçoit comme double, s'observe, commente ses actes. Se dédoubler est un acte solitaire ou, dans ce cas, d'écrivain éprouvant la nécessité d'un miroir. Il reconnaît que la répétition "est la mauvaise habitude de la parole" (259) et préfère la sobriété dans l'écriture.

L'auteur mentionne lui-même à plusieurs reprises qu'il faut répéter de plusieurs façons ce qu'on veut dire afin que le lecteur s'en souvienne. Laferrière répète des scènes d'autres textes et note cette répétition, l'histoire de sa grand-mère qui offre des cafés aux passants alors que lui, enfant, a de la fièvre et observe des four-mis sur la galerie de la maison. Il mentionne aussi une lettre de sa mère critiquant le contenu de son premier livre, un thème qu'il a déjà exploité ailleurs. Il sait qu'il a déjà écrit de multiples fois ces histoires et les répète pour son plaisir et le nôtre. On [End Page 185] se dit, par conséquent, qu'il n'écrit pas des romans, mais une œuvre dans laquelle des fils construisent en sous-main la trame de cette œuvre.

Laferrière dédicace son livre à deux écrivains, Alain Mabanckou et Edwidge Danticat et, pour faire bonne mesure, à une lectrice. Ce n'est apparemment pas une fiction, il n'y a pas de personnages, hormis l'écrivain et quelques personnes interchangeables au fil des anecdotes. Cette absence d'une histoire continue ou de personnages inventés donne l'impression que n'importe qui aurait pu écrire ce livre ou, en tout cas, en écrire un comme...

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