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  • Lectures indiaocéanes. Essais sur les francophonies de l'océan Indien by Daniel-Henri Pageaux
  • Emmanuel Bruno Jean-François
Pageaux, Daniel-Henri. Lectures indiaocéanes. Essais sur les francophonies de l'océan Indien. Paris Librairie d'Amérique et d'Orient Jean Maisonneuve, 2016. ISBN 9782720012143. 349 p.

Publiées en 2016, les Lectures indiaocéanes, de l'universitaire et comparatiste Daniel-Henri Pageaux, rassemblent dans un même ouvrage les nombreuses réflexions menées par l'auteur au cours de sa carrière à propos des littératures insulaires du sudouest de l'océan Indien. Suivant une organisation chronologique qui tente de rendre compte de l'évolution graduelle de ces littératures — depuis la parution du premier roman francophone de l'hémisphère sud, Sidner ou les dangers de l'imagination de Barthélémy Huet de Froberville, aux textes plus contemporains d'auteurs telle Nathacha Appanah, en passant par Marie Leblanc, Marcel Cabon, Carpanin Marimoutou ou Axel Gauvin — les dix-huit chapitres que nous offre Pageaux tracent les contours d'une historiographie littéraire qu'il envisage comme un triptyque: des "'débuts' qui coïncident plus ou moins avec le dix-neuvième siècle (chap. I à V), puis une phase d'émergence ou de pré-modernité (chap. VI à X); enfin des textes qui, à des titres divers, font partie de notre contemporanéité (chap. XI à XVII)"(11). Puisque je ne dispose pas ici de l'espace nécessaire pour rendre justice au riche contenu de ces dix-huit chapitres, je me contenterai d'en esquisser quelques éléments saillants.

En même temps qu'il propose d'offrir une "réflexion à trois niveaux: historique, poétique et culturelle" (12) sur la littérature foisonnante des îles de l'océan [End Page 171] Indien, l'ouvrage de Pageaux vient s'ajouter à une collection grandissante d'études consacrées à la région — études ayant mis en dialogue, tout au moins depuis les dernières décennies, des universitaires et critiques postcoloniaux divers (Françoise Lionnet, Jean-Louis Joubert, Kumari Issur, Vinesh Hookoomsing, Eileen Lohka, Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo, Mar Garcia, Véronique Bragard, Srilata Ravi ou encore Peter Hawkins pour ne citer que ces quelques noms), que l'auteur omet toutefois de mentionner, tant dans la bibliographie qu'il établit que dans le champ des lectures critiques qu'il délimite. Comment rendre compte de l'historiographie littéraire et francophone particulière de cette région fragmentée et fragmentaire d'un océan soumis aux nombreuses conquêtes coloniales et situé, tant sur le plan historique que culturel et poétique, au croisement de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe? Comment penser tant les spécificités locales que les confluences globales à l'œuvre dans ces expressions et ces voix archipélagiques qui se font les "échosmonde" — pour reprendre cette expression d'Édouard Glissant — des dynamiques créolisantes ayant marqué l'histoire et les expressions littéraires de cette région, depuis au moins la période coloniale? Toutes ces questions, qui demeurent au cœur de la fascination que les littératures insulaires de l'océan Indien exercent sur de nombreux critiques, ont permis l'articulation de concepts divers, tentant de saisir tant les processus de rupture et de violence que les situations d'échanges, de connexions et de branchements complexes qui sont le fait de la colonisation et de la mondialisation et qui ont participé à la modernité de ces littératures francophones. Je pense ici, notamment, aux concepts qui mettent à mal les dichotomies et les hiérarchisations héritées de la colonisation, au profit d'une exploration des dynamiques horizontales locales, contrecarrant, souvent de manière subversive, les verticalités hégémoniques de l'appareil colonial: les "amarres" de Françoise Vergès et de Carpanin Marimoutou, les "cosmopolitiques créoles" de Françoise Lionnet, les "dialogues transocéaniques" de Véronique Bragard, les "solidarités transnationales" de Kumari Issur ou encore "l'interconnectivé" d'Eileen Lohka.

Si, pour sa part, Pageaux rappelle n'avoir "aucune intention de dresser une histoire, encore moins celle de forcer les textes à entrer dans quelques...

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