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  • Un regard sur la littérature de jeunesse
  • Suzanne Pouliot
Martin, Serge. Poétique de la voix en littérature de jeunesse. Le Racontage de la maternelle à l'université Paris L'Harmattan, 2015. ISBN 9782343048130. 530 p.

Dans cet ouvrage, l'auteur propose une théorie et une didactique de la littérature visant à libérer une discipline souvent instrumentalisée par l'école et restreinte par une méthodologie destinée aux élèves des petites ou des grandes classes. Le choix du corpus défie l'idée même de littérature, telle que la véhicule une certaine institution: il s'agit d'aborder les albums "contre toutes les catégories prédéfinies, y compris celle de l'enfance" (86). Ne se laissant pas enfermer dans les catégories scolaires classiques des périodes littéraires ou des genres ou encore dans la dichotomie écriture/oralité, Serge Martin propose de sauter de La Fontaine à Le Clézio, en passant par Claude Ponti, Tomi Ungerer, Benjamin Rabier, etc., en suivant un seul critère pour engager la lecture en classe, soit celui du "racontage," notion empruntée à Walter Benjamin dans Le Raconteur, publié en 1936. Parmi ceux qui ont couché des histoires par écrit, les plus grands sont ceux dont le récit écrit se distingue le moins du discours des nombreux raconteurs anonymes. Ainsi, le racontage serait une expérience du vécu, du mouvement, mais aussi de l'oralité et de la voix jusque dans l'écrit (16). Serge Martin imagine avec les œuvres un travail de relation qui permet au sujet lecteur d'exister dans et par la voix de ces œuvres. Ainsi, il faudrait non seulement écouter ce qu'une œuvre dit, mais aussi et surtout écouter ce qu'on dit en lisant une œuvre. Dans ce voyage cosmique, on nous apprend à lire non comme une compétence langagière et de communication, mais comme une traversée et une épopée; c'est pourquoi nous volons comme des "comètes" de "constellation" en "constellation" — l'auteur sous-titre ainsi ses quatre parties intitulées "orientations," "interventions," "approximations" et "relations" pour regrouper les dix-huit chapitres sous-titrés "étoiles." Il y a, dans la théorie de la relation dans et par la voix, une responsabilité éthique, sociale puisqu'on tient compte de la dimension subjective de l'exercice fait en classe. Lire, entrer en relation, écouter et s'écouter: autant de réflexions théoriques sur la littérature, mais aussi sur ce qui se passe en classe. C'est dans ce contexte que Serge Martin souligne la responsabilité de l'école. La beauté du texte de Martin est de nous proposer de réapprendre à lire: la littérature ne doit pas être [End Page 164] une pause dans le déroulement de la vie, mais bien cet univers où la vie se déploie en mettant les œuvres au centre du vivant, créant aussi notre lien au monde. La question du sujet lecteur, bien qu'elle ait été abordée depuis de nombreuses années par des ouvrages de didactique, reste la plupart du temps une notion théorique difficile à appliquer dans la pratique en classe; or ce livre tente une didactisation concrète de cette idée. Pour cet ancien formateur d'enseignants, la théorie de la littérature est indissociable d'une réflexion pédagogique. Pour l'auteur, le racontage constitue un puissant levier du vivre-ensemble. [End Page 165]

Suzanne Pouliot
Université de Sherbrooke, Canada
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