In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Le purgatoire. Fortune historique et historiographique d'un dogme by Guillaume Cuchet, and: Les voix d'outre-tombe. Tables tournantes, spiritisme et société au XIXe siècle by Guillaume Cuchet, and: Consommateurs engagés à la Belle Époque. La Ligue sociale d'acheteurs by Marie-Emmanuelle Chessel
  • Bruno Dumons
Guillaume CUCHET (dir.).–Le purgatoire. Fortune historique et historiographique d'un dogme, Paris, Éditions de l'EHESS, 2012, 331 pages.
Guillaume CUCHET.–Les voix d'outre-tombe. Tables tournantes, spiritisme et société au XIXe siècle, Paris, Le Seuil, 2012, 458 pages.
Marie-Emmanuelle CHESSEL.–Consommateurs engagés à la Belle Époque. La Ligue sociale d'acheteurs, Paris, Presses de Sciences Po, 2012, 344 pages.

Il en est, dans la parution des livres d'histoire, un peu comme le vin et ses millésimes. Il y a parfois des années qui présentent des crus d'exception, au milieu d'une période plutôt morose, pour ne pas dire difficile. L'année 2012 a peut-être été de celles-ci pour l'histoire du catholicisme contemporain. Car il est devenu aujourd'hui un lieu commun d'évoquer l'histoire religieuse comme un champ presque suranné, désuet, surtout au regard de ce qu'elle a été, à l'heure de son apogée, durant les trois dernières décennies du XXe siècle. L'école « française », si école il y a, a largement contribué à ce succès disciplinaire et universitaire avec toute une génération d'historiens marchant dans le sillage de maîtres comme André Latreille, René Rémond et Alphonse Dupront. Mais les vignobles les plus fertiles ne sont pas à l'abri des périodes de sécheresse et de mutation climatique. Forte de ses richesses acquises durant cet âge d'or, l'histoire religieuse contemporaine, en particulier du catholicisme, semble connaître un temps de désert alors que d'autres champs ont le vent en poupe, qu'il s'agisse de la culture, de l'économie, de la politique, sachant emprunter les voies d'une histoire plus globale et sortir du carcan des historiographies nationales qui peinent aujourd'hui à trouver un nouveau souffle. Or, étymologiquement, rien n'est plus universel que l'adjectif catholique. Alors pourquoi l'histoire du catholicisme contemporain peine-t-elle à se renouveler et à se constituer en un objet d'étude autonome ?

Il y aurait là matière à disserter longuement. Rappelons simplement le contexte. Le catholicisme, sinon français, du moins européen, a connu au cours du XXe siècle une mutation sociale profonde. L'influence exercée par la culture catholique au XIXe siècle s'est alors fortement rétractée ; beaucoup de points d'ancrage ont cédé dans les champs du politique comme du social, jusque dans les espaces les plus reculés de l'intime, au point que certains observateurs ont évoqué le processus en termes de « déchristianisation » puis de « crise » ou d'« exculturation » 21. Ce changement de paradigme a été le moteur d'une génération d'historiens du religieux, principalement du catholicisme. Les acquis ont été considérables, qu'il s'agisse des méthodes, des jeux d'échelles (paroisses, diocèses, clergés, congrégations), des écoles de pensée (catholicisme social), des enjeux théologiques (modernisme) et des dévotions spirituelles (femmes et genre) 22. Les synthèses ont été si nombreuses, tant dans le cadre français que pluriconfessionnel, qu'il y a là « le testament d'une génération » 23. Était-ce un acte de décès en forme de couronne mortuaire ? [End Page 156]

Car l'héritage est lourd à porter, surtout à l'heure où le catholicisme fait l'expérience d'être devenu une minorité religieuse parmi d'autres au sein de la société française, affichant des pratiques plus « identitaires », du retour liturgique à la manifestation de masse. Dans le monde universitaire, la concurrence est rude avec les autres champs de la discipline historique dont le centre de gravité s'est désormais déplacé hors de France 24. Faut-il alors en rester à tel constat morose, voire déprimant, comparable à la sortie...

pdf

Share