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  • Le soldat et la mort dans la Grande Guerreby Isabelle Homer et Emmanuel Pénicaut
  • Antoine Prost
Isabelle HOMER et Emmanuel PÉNICAUT (dir.).– Le soldat et la mort dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, 276 p. « Histoire ».

On se réjouit de trouver ici les communications d'un excellent colloque organisé à Reims du 1 erau 3 octobre 2014 par la directrice des Archives de la Marne et l'un de ses collègues de la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine au ministère de la Culture. Organisé en trois parties (mourir à la guerre, gérer puis représenter la mort), ce livre fait bien le tour de son sujet. Enrichi de photographies en hors-texte et dans le texte, il comprend en outre des index des lieux et des personnes, un atout trop rare pour qu'on ne le salue pas au passage.

John Horne, François Cochet et Alexandre Lafon commencent par tenter le dénombrement des morts : quels sont-ils ? Où, quand et comment sont-ils tombés ? Mais aussi comment le sait-on ? Comment l'armée a-t-elle décompté ses pertes ? Ce bilan aussi approximatif que sinistre n'est pas une simple reprise de ce qu'on sait déjà : le lecteur averti sera sensible à l'extrême précision et aux remarques fines de ces trois premiers chapitres. Ils sont suivis par la présentation des deux formes majeures du mourir à la guerre : la mort sur le champ de bataille, vue par les aumôniers militaires (Xavier Boniface), et la mort à l'hôpital, à partir du cas de la Touraine (Romaric Nouat). Une première partie classique, de bonne facture.

La deuxième est moins attendue. Gérer la mort, c'est d'abord un travail administratif d'une rare complication. Emmanuel Pénicaut étudie l'état-civil militaire ; Rosine Salmon présente un document très riche, mais très rarement utilisé : les registres d'état civil des régiments, tandis qu'Annie Deperchin fait le point sur les questions juridiques posées par la mort à la guerre. On passe alors des identités aux dépouilles, aux restes qui parsèment les champs de bataille. Guy Flucher traite des inhumations, des sépultures hâtives de la guerre aux nécropoles nationales, Vincent Viet de la protection des vivants contre les morts, ce qui l'amène à ouvrir le dossier des tentatives d'incinération, et enfin trois archéologues font le point sur l'apport des fouilles. Malheureusement, la communication d'Yves Desfossés sur ce que nous apprennent les corps des disparus n'a pas été reprise : elle illustrait notamment les effets létaux de l'onde de choc produite par les gros obus, un point trop méconnu.

La troisième partie atteste la richesse des recherches récentes sur l'histoire culturelle de la guerre. Elle étudie successivement la présence de la mort dans les correspondances conjugales (Clémentine Vidal-Naquet), les pèlerinages et le deuil (Franck Viltart), la représentation des morts sur les monuments qui leur sont dédiés (Alexandre Niess) ou les vitraux commémoratifs (Isabelle Saint-Martin), la façon dont Dorgelès, Péguy ou Bedel–prix Goncourt 1927–ont traité la mort (Jean-Pierre Rioux). Les trois derniers chapitres s'attachent aux images d'époque. Valérie Goloubinoff et Albane Brunel s'intéressent aux représentations de la mort, l'une dans les photographies, l'autre dans les films de la Section photographique des armées. Peu nombreuses, ces représentations montrent des cadavres français et pas seulement allemands, avec une censure plus stricte pour les premiers. Enfin, s'appuyant sur sa thèse 20, Joëlle Beurier montre en compagnie de Philippe Buton que le discours des manuels scolaires sur la censure, qui aurait empêché les Français de connaître l'horreur des combats, est tout simplement faux. Les magazines hebdomadaires ont publié des photos d'un réalisme cru, à la différence des représentations stéréotypées des magazines allemands. L'interrogation sur les raisons de cette...

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