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Reviewed by:
  • Dénaturalisés. Les retraits de nationalité sous Vichyby Claire Zalc
  • Laurent Douzou
Claire ZALC.– Dénaturalisés. Les retraits de nationalité sous Vichy, Paris, Le Seuil, 2016, 388 pages. « L'univers historique ».

Pas un ouvrage de qualité dédié à l'histoire du régime de Vichy qui ne mentionne la loi du 22 juillet 1940 posant le principe de révision de toutes les naturalisations accordées depuis 1927, avec à la clé un bilan chiffré avec précision : 15 154 personnes auraient été dénaturalisées. Malgré cela, hormis quelques publications pionnières comme celles de Jean-Charles Bonnet et de Bernard Laguerre, cette histoire-là n'a pas donné lieu à des travaux approfondis. Il y a eu à cette carence une raison forte : la commission de révision des naturalisations mise en place pour appliquer la loi du 22 juillet 1940 n'a pas laissé d'archives propres. Dès lors, comment rendre compte de la politique qu'elle a conduite ?

C'est le défi que Claire Zalc a entrepris de relever. Pour ce faire, elle a ausculté un millier de ces dossiers qui ont successivement servi à naturaliser, dénaturaliser et renaturaliser. Également assise sur l'étude des départements du Pas-de-Calais, de la Seine-et-Marne, de l'Isère et du Vaucluse, qui met en lumière de fortes variations selon les lieux, cette recherche originale donne à voir l'envers du décor des dénaturalisations.

À l'origine de cette séquence dramatique, il y a un texte qui, en à peine plus de cent mots, veut défaire la trame tissée par la loi très libérale du 10 août 1927 qui avait permis de naturaliser environ 648 000 personnes. Dans la mesure où elle comprend également la révision de tous les modes d'acquisition de la nationalité française, le total des personnes potentiellement concernées avoisine le million. La déchéance de nationalité ayant menacé d'être remise au goût du jour il y a peu, il importe de dissiper une équivoque possible : l'objet de la loi de juillet 1940 n'était pas de déchoir de la nationalité, mesure qui sanctionne une faute ou un délit, mais de procéder à la révision systématique de toutes les naturalisations accordées depuis treize ans. De fait, quelque 450 individus furent déchus de la nationalité française entre 1940 et 1944 quand plus de 15 000 personnes étaient dénaturalisées. La loi [End Page 146]ne mentionnant pas de motif, les autorités chargées de l'appliquer disposaient d'une marge d'interprétation considérable.

C'est la force de cette recherche que de scruter les acteurs de la politique de dénaturalisation et le cheminement des décisions. Au cœur de ce processus, une commission ad hocen lieu et place du bureau du sceau, chargé des naturalisations depuis le milieu du XIX esiècle. À sa tête, deux membres du Conseil d'État et un haut magistrat honoraire, André Mornet, passé à la postérité pour avoir été procureur général des procès Pétain et Laval. Des magistrats blanchis sous le harnais (le plus âgé a 81 ans) les assistent. Dès la mi-octobre 1940, il faut étoffer les effectifs ; on fait appel, pour dénaturaliser, à des hommes qui avaient instruit les dossiers de naturalisation. Les représentants du gouvernement au sein de la commission, rejoints en mai 1941 par un membre du Commissariat général aux questions juives créé deux mois plus tôt, pèseront peu sur les travaux. Les Allemands ne s'y intéresseront qu'avec le début des déportations de masse des Juifs de France au printemps 1942 et l'occupation de la zone libre. Là comme ailleurs, le régime de Vichy ne s'opposera aux Allemands que pour affirmer sa maîtrise des procédures et des rythmes des dénaturalisations.

Comment la commission s'y prend-elle pour faire le travail qui lui a été confié ? Ses premiers repérages révèlent deux priorités. En vertu d...

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