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  • Florilège d'inéditsTextes rassemblés par Thierry Gillybœuf1
  • Thierry Gillybœuf

Deux poèmes inédits

Quand les montagnes bougent,2Dans le pré qui s'endortLa vache voit tout rougeLe taureau mis à mort.

Elle rêve, la vache,Au veau toréador,Qui joue à cache-cacheTout auréolé d'or.

Les vaches sont heureusesMais s'ennuient quelquefoisRuminer tue la foi.

Les dents d'amour sont creusesLa vie à l'œil éteint.Les vaches, c'est malin.

Comme disait Amiel3Un sombre jour d'ictère,Vivre seulibataireManque parfois de sel

Notes inédites

Ce sont là fragments d'un livre dont l'auteur demande à être, ne serait[-] ce que pour en annuler, rendre totalement vaine, la majeure partie. Il eût rêvé, cet auteur possible, s'en débarrasser plus anonymement, puisqu'il vit [End Page 143] contre eux, indéfinissablement collés à leur mauvaise résine. Les choses s'étant renversées sans prévenir, voici donc ces membres, ces mobiles d'on ne sait quel corps en perpétuel éclatement, en désordre. Puissent-ils donner au lecteur éventuel l'idée de ce que leur victime poursuit, cherche, avec l'obsession des aveugles. Un grand nombre de ces lignes demeure suspect, indigne d'une publication d'un sérieux typographique aussi strict. Une sensation ne vaut, comme une photographie, que dans la mesure où elle est travaillée, mise au point de forme adéquate. Deux sensations qui se suivent, tristes indiennes, sans le support de ce travail, ne peuvent que se faire mal. Tort. Elles s'en veulent, comme on peut s'en vouloir dans l'enfer d'une famille où les parents ne cessent de se confronter, où les enfants ne trouvent pas le moyen de se marier, de faire leur vie. Bref, choses et mots à prendre et à laisser à n'importe quelle page, dans l'agacement de l'inachevé, mince jeu de cartes dont la plupart n'impliquent aucune autorité, aucun gain, simple bataille de figures contradictoires, l'une chassant, contestant, voire excusant l'autre, dans le désespoir d'une incapacité fondamentale, organique, à se trouver à l'aise dans un cadre privilégié—roman, essai, poème. Déchets d'une jeunesse qui n'en finit pas de se tourner, non les pouces, mais les nerfs.4

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Vouloir faire comme tout le monde. Essayer. Puis s'étonner que non. Puis devenir méchant.5

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La vie fait du tort à l'esprit comme le coϊt fait du tort à l'amour. Pourtant, sans la vie, pas d'esprit, sans le coϊt, même évité, pas d'amour.6

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L'émotion d'être un homme.

Totalement perdu dans la lecture, avec pour seul repère les effets de cette émotion, l'amour, le désir, les femmes, la solitude.7

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Tchekhov

Le fond du théâtre, c'est la morale. Une pièce commence et finit. Donc propose un trajet.8 [End Page 144]

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L'homme saturé d'esprit ne devrait plus pouvoir lire que des poèmes. Aujourd'hui, c'est le contraire qui se passe.9

À Golo10

À Golo,

Oui, oui, tu peux entrer. J'ai laissé la porte entrebâillée dans l'espoir secret que tu me rendrais une petite visite. Je t'attendais, sans m'en douter, comme on attend un être aimé qui fait partie de notre raison d'exister. Toi, toujours par monts et par vaux, mon vagabond de la forêt toujours affairé, en quête d'on ne sait quelle parole à jamais perdue et que tu cherches avec passion dans les fleurs, dans l'herbe, dans les hautes futaies d'où s'érige, comme un panache amusé, ton point d'interrogation de queue, quel honneur tu me fais quand tu viens passer quelques instants avec l'ennuyeux personnage que je relie tant bien que mal, pour l'amener intact à la mort! Couche-toi, dors, joue avec ce papier qui traîne, vis comme tu veux, mon chien. Ne te crois pas obligé parce que tu es chez moi,à quelque politesse ou prévenance. N'imite, je t'en...

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