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  • Les notes de Perros
  • Silvia Manfredo

Je ne tiens pas le moins du monde à ce genre d'expression, réputé—à tort ou à raison—bâtard; [ . . . ] mais le fait est là, et je m'en rends compte un peu brutalement: depuis que j'écris [ . . . ] c'est à des misérables notes que je demande le transfert.1

Les "misérables notes" de Perros sont une des plus surprenantes formes d'écriture qu'un lecteur puisse découvrir: des mots qui laissent des traces destinées à devenir partie intégrante d'une sensibilité personnelle, capables de donner voix à cette intimité indéfinissable que chacun de nous porte en soi, qui invitent à réfléchir et à se découvrir en suggérant au cœur et à l'esprit de nouveaux chemins à parcourir.

Mais s'il est assez simple de décrire les effets de la note, sa définition s'avère, au contraire, presque insaisissable: alors qu'il publie son premier volume de Papiers collés, c'est Perros lui-même qui s'y essaye, ne parvenant toutefois qu'à esquisser un portrait qui décrit la note comme une sorte d'entité à soi, douée d'une vie propre.

La note existe. Elle est très proche de l'objet. Elle dit à peine ce qu'elle veut dire. Elle est naϊve, parce que confiante. Elle laisse l'intelligence de l'autre libre de la finir, de la commencer, ou de l'avaler. Elle est paresseuse et ne tient pas absolument à se faire entendre. À être prise aux mots. Mais préfère sonner, résonner. Son auteur et son lecteur doivent en sortir indemnes. Elle a le goût effréné de l'autonomie, de la liberté. Rien de moins familier, malgré les apparences. De moins "humain." Le commerce l'indiffère. Elle est éminemment coquette, puisqu'elle se montre dans le but d'être seulement remarquée, "notée." Elle ne dédaigne pas de laisser un souvenir impérissable. Mais plutôt par le parfum que par la parole. (Elle aime assez le paradoxe . . .). [End Page 77] Son corps est à la limite du fantomatique. Elle suggère. N'insiste jamais; fait souffrir—le souhaiterait—sans laisser jouir. Disons qu'elle est d'essence féminine.

[ . . . ] J'oubliais. Elle est impatiente. N'a pas le temps. Ne s'attarde jamais.2

Bien que Perros affirme qu'il ne tient "pas le moins du monde à ce genre d'expression," la note est pour lui, en réalité, une ressource essentielle, une nécessité, une action presque aussi instinctive que le fait de respirer: c'est grâce à elle qu'il essaye de faire un reportage incessant de ce qui se passe dans sa conscience, sans rien perdre d'une lecture extrêmement attentive de cet "immense livre ouvert qu'est la vie."3

Pourtant, Perros est parfaitement conscient aussi des limites de cette forme d'écriture, qu'il définit comme un déchet par rapport à la perfection de l'aphorisme. Or, ce sont sans doute ces mêmes limites à déterminer le choix de l'auteur. Se considérant incapable d'écrire quelque chose de parfait, de "littéraire," il se tourne vers une forme d'écriture orpheline, qui semble attendre constamment un cadre, un contexte que l'auteur ne lui donnera jamais:

La note est orpheline. La littérature commence le jour où pour mettre en valeur ce déchet, on se trouve le génie, on prend le temps d'écrire un roman, une lettre, d'entretenir un Journal. C'est justement ce dont je me sens incapable, sans pour autant me résoudre à tuer tous mes spartiates.4

Tels sont donc les mots que l'auteur utilise lui-même pour désigner un phénomène auquel l'on assiste régulièrement lorsqu'on discute de la dignité littéraire de la note: la plupart des fois, cette forme aux possibilités pourtant extraordinaires est qualifiée de "misérable," traitée de "déchet," rejetée comme "genre d'expression bâtard" par rapport à d'autres formes d'écriture considérées plus dignes ou plus littéraires.

La note: une forme fuyante

Le probl...

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