In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Et la modernité fut masculine: la France, les femmes et le pouvoir 1789–1804 par Éliane Viennot
  • Catriona Seth
Et la modernité fut masculine: la France, les femmes et le pouvoir 1789–1804. Par Éliane Viennot. Paris: Perrin, 2016. 416 pp.

Éliane Viennot est connue pour ses nombreux travaux sur le seizième siècle. Celle qui fonda la Société internationale pour l'étude des femmes d'Ancien Régime a aussi compté parmi les promoteurs des gender studies dans le monde francophone. Après deux volumes dans la série 'La France, les femmes et le pouvoir', le premier consacré à L'Invention de la loi salique Ve–XVIe siècle (2006), le second aux Résistances de la société XVIIe–XVIIIe siècle (2008), elle se concentre, dans ce troisième volet, sur une période nettement plus courte: celle qui s'étend de la prise de la Bastille en 1789 à la promulgation du Code civil et au couronnement de l'Empereur. Cette quinzaine d'années est riche d'enseignements et permet, comme le laisse entendre l'auteur, de comprendre des évolutions ultérieures de la société dont les ramifications s'étendent parfois jusqu'à nos jours. L'image de couverture reprend une gravure sur laquelle se voient les femmes du peuple marchant sur Versailles à l'occasion des journées d'octobre. Armées eténergiques, elles témoignent d'un aspect de la Révolution qu'on minore parfois, sachant combien 'la modernité fut masculine': celle de l'implication (on pourrait même dire de l'engagement) du sexe dit faible dans différentes sphères de la vie publique pendant les années de bouleversement. Comme le rappelle cet essai, les femmes s'arment à l'occasion de piques pour participer à des révoltes, apostrophent les membres des différentes assemblées, participent aux réunions des clubs et sections, demandent à l'occasion à monter à la tribune ... Fondant ses recherches sur un corpus de textes imprimés de la période ainsi que sur une connaissance solide des travaux contemporains des historiens comme des historiens de la littérature, Viennot montre comment furent courbées les revendications des femmes qui souhaitaient prendre part activement aux affaires. Elle rappelle, malgré les résistances évoquées dans son étude de l'Ancien Régime, qu'une tradition de femmes d'élite, qui réussissaient à intervenir dans différents domaines, avait permis à certaines de dépasser les limites imposées. En contrepartie, le 'progrès' fut contraire à l'égalité à laquelle d'aucuns—et d'aucunes, surtout—aspiraient. Si libérer les esclaves ou donner des droits aux Noirs furent considérésà juste titre comme des missions d'importance primordiale pour le meilleur des mondes que souhaitent fonder les démocrates, les femmes restent d'abord les grandes oubliées d'une Déclaration des droits de l'homme qui joue sur l'universalité, mais aussi la singular-itégénérique du masculin, avant d'être juridiquement confirmées dans une minorité permanente par les textes de la période impériale. L'une des forces de cet essai est non seulement de convoquer les figures attendues, Olympe de Gouges, Constance Pipelet ou Germaine de Staël entre autres, mais encore de rappeler le contenu d'articles de presse, de cahiers de doléances ou d'autres documents dans lesquels des personnalités de premier rang comme Mirabeau, tout comme des anonymes, s'expriment sur l'organisation sociale et, en particulier, sur les droits qui reviennent, ou non, aux femmes.

Catriona Seth
All Souls College, Oxford
...

pdf

Share