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  • Corps de bois, souffle humain. Le théâtre de marionnettes Wayang Golek de Java Ouest par Sarah Anaïs Andrieu
  • Gérard Toffin
Andrieu, Sarah Anaïs, Corps de bois, souffle humain. Le théâtre de marionnettes Wayang Golek de Java Ouest, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014, 398 pages.

Le 7 novembre 2003, l'UNESCO proclame le théâtre de marionnettes indonésien Wayang chef-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité. En Indonésie, ce théâtre, qui retient depuis longtemps l'intérêt des spécialistes et des collectionneurs, existe principalement sous deux formes. 1°) Le wayang golek, très populaire en pays Sunda, à Java Ouest ; il met en scène des marionnettes de ronde-bosse sculptées en bois (albasia) puis peintes, qui sont manipulables par le bas au moyen de tiges. Des troncs de bananier servent de scène. 2°) Le théâtre d'ombres wayang kulik qui utilise, lui, des marion-nettes plates taillées dans du cuir et projetées grâce à une source de lumière derrière une toile ; il est surtout connu à Java Centre. Sont ainsi brutalement propulsées sur le devant de la scène deux théâtrales–le Kulik beaucoup plus ancien que son cousin Golek–devenues des emblèmes de la culture indonésienne.

Les deux types de figurines, Golek et Kulik, sont accompagnés sensiblement du même ensemble d'instruments de musique appelés globalement gamelan, à base de gongs, xylophones, tambours, et autres métallophones, qui avaient tant impressionné Debussy lors des expositions coloniales de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Ces théâtres, qui mettent en scène des figures humaines artificielles (et non des êtres vivants), combinent les arts de la musique, du chant, de la poésie [End Page 182] et de la dramaturgie. Elles tirent leurs fonds des grandes épopées du Mahabharata et du Ramayana auquel s'ajoute l'influence musulmane, si importante en Indonésie. Alors qu'elles sont montrées en Occident principalement comme un spectacle pour enfant, ces traditions théâtrales constituent au sein de la société indonésienne un élément central de la vie politique et sociale. Ce sont des spectacles « totaux », dont la narration n'est qu'un deséléments parmi d'autres. Ils durent des nuits entières et regroupent toutes les classes d'âge. Ils sont représentés dans les villages comme dans les zones urbaines.

Le livre de Sarah Anaïs Andrieu est consacré à la tradition théâtrale Golek, moins connue que le wayank kulik, et à ses transformations actuelles. L'auteure en retrace la généalogie (le wayang golek est né seulement au XIXe siècle) et étudie les conséquences du récent processus de patrimonialisation officiel. Ce théâtre avait déjà été étudié par quelques spécialistes occidentaux, tels Kathy Foley, Victoria van Groenendael, Andrew Weintraub et Peter Buurman dans les années 1970 et 1990, mais Sophie Anaïs Andrieu nous livre ici une étude actualisée, extrêmement fine de ces performances de marionnettes, envisagées comme des arts performatifs vivants. Le livre est le résultat d'une longue étude de terrain qui s'est déroulée de 2005 à 2010. Le prix Uqam Respatrimonti que la thèse a reçu a permis la publication de ce livre.

La première partie de l'ouvrage est centrée sur les institutions traditionnelles. Elle traite notamment du dalang qui est le maître d'œuvre, le conteur et marionnettiste de la performance. Ce spécialiste est un personnage clef : il combine un grand nombre de savoirs musicaux et des connaissances linguistiques, assurant ainsi la qualité du spectacle. C'est par son intermédiaire que l'action se déroule. La structure familiale de la troupe (rombongan) et la part d'improvisation qui s'exprime dans les représentations sont également abordées par l'auteure. Les séances de wayang gulik sont de toute évidence basées sur une grande spontanéité, une création continue, elles cultivent le goût de l'inattendu, de...

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