Conversions à l'islam. Unions et séparations par Amélie Puzenat, préface de Mahamet Timera (review)

Cet ouvrage est le fruit d'une enquête menée de 2006 à 2009 dans le cadre d'un doctorat en sociologie à l'Unité de Recherche Migrations et Sociétés (Urmis) de l'Université Paris 7. L'auteure porte son regard sur les motivations des convertis à l'islam en France, ainsi que leur quotidien familial et conjugal. Elle analyse l'impact de la conversion sur l'identité de ces personnes et sur leurs relations. L'étude concerne essentiellement des parcours d'individus socialisés dans une tradition religieuse chrétienne ou areligieuse ayant adopté l'islam par choix, et non des suites d'une union mixte. Malgré la consistance de son échantillon, environ 47 couples, Amélie Puzenat ne prétend nullement généraliser ses constats sociologiques à l'ensemble des conversions à l'islam.

Depuis les années 90, la jeunesse musulmane a contribué à la création d'un islam universaliste expurgé de tout élément culturel, à la portée de tous. Un islam se présentant comme pur religieux et valorisant la conversion individuelle. Cet islam universaliste des nouvelles générations s'inscrit en opposition aux pouvoirs publics et cherche à renouer avec des pratiques rejetées par la République française. La conversion prend alors un sens collectif où l'islam est à la fois spiritualité et identité. S'islamiser devient, pour ces jeunes, un moyen de regagner une dignité, loin de l'image de colonisé de leurs parents, dans une France où les identités ethniques ne sont pas reconnues. Ces convertis ou ces réaffiliés cherchent à se distinguer des migrants musulmans par la purification de leurs pratiques de tout traditionalisme, au nom de l'unité de leur foi. Les conversions observées par l'auteure s'inscrivent, donc, dans cette toile de fond du renouveau islamique.

De nos jours, la conversion religieuse est présentée comme un cheminement personnel où se combinent expérience spirituelle et rationalité. Dans le cas des conversionsà l'islam, le discours des convertis tend à vouloir légitimer leur choix par la rationalité plutôt que par l'influence des relations. Se convertir revient à choisir l'islam en toute connaissance de cause. Selon Amélie Puzenat, les conversions à l'islam sont à la fois rationnelles et relationnelles. En effet, elles découlent en partie d'une crise existentielle, d'une quête de sens, mais sont surtout symptomatiques de l'environnement social de l'individu. Elles participent alors au cheminement intérieur ainsi qu'à une cohésion groupale, que ce soit celle du quartier, des pairs, de la famille ou du couple. L'islam devient ce ciment identitaire qui unit au-delà des différences sociales et institue une appartenanceà une communauté islamique.

Si la démarche volontaire de la conversion peut légitimer la présence du converti dans le champ islamique, elle ne garantit pas, cependant, son acceptation dans la famille. Amélie Puzenat constate, dans le cas de mariages exogames, que la conversion est attendue du partenaire non-musulman (femme et homme). Elle n'assure toutefois pas son acceptation dans la famille même si elle allège la transgression des normes. Par conséquent, dans la foulée du renouveau islamique, les jeunes en viennent à rejeter l'endogamie parentale par une redéfinition des frontières basée sur l'universalité de l'islam–au nom d'une orthodoxie et d'une orthopraxie religieuse basées sur le Coran et la Sunna–et non plus sur les appartenances ethnico-nationales. L'islam devient un dénominateur commun, le pivot central du couple, légitimant le converti auprès de sa belle-famille, lui permettant de rejeter certaines pratiques familiales tout en devenant aussi le porteur d'un legs identitaire non hérité. Le mariage, sous cet angle, devient un engagement religieux et conjugal en opposition à une société dominante immorale. Quant au port du voile, malgr...