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  • L'emploi du temps. L'industrie horlogère suisse et l'immigration (1930-1980) by Francesco Garufo
  • Pierre-Yves Donzé
Francesco Garufo. – L'emploi du temps. L'industrie horlogère suisse et l'immigration (1930-1980), Lausanne, Éditions Antipodes, 2015, 341 pages. Préface de Nancy L. Green.

Issu d'une thèse de doctorat en histoire soutenue à l'Université de Neuchâtel (Suisse) en 2011, cet ouvrage porte sur l'emploi de travailleurs étrangers dans l'industrie horlogère suisse entre 1930 et 1980. Comme la plupart des autres secteurs de l'économie, l'horlogerie fait face à un manque de main-d'œuvre après la Seconde Guerre mondiale et le recours à l'immigration apparaît comme un enjeu majeur. Toutefois, l'originalité de cette industrie réside dans l'existence d'un cartel, reconnu par l'État, dont l'action régulatrice est essentielle jusqu'au début des années 1960.

L'objectif de l'auteur est « de contribuer aux débats centraux de l'histoire des migrations » (p. 13) en offrant le regard de l'histoire industrielle et de l'histoire des entreprises. La structure de l'ouvrage reflète d'ailleurs bien cette perspective. Il comprend trois chapitres qui correspondent chacun à une approche méthodologique particulière.

Le premier chapitre est une analyse de la politique migratoire dans l'industrie horlogère suisse. Francesco Garufo y décrit le déroulement chronologique des événements et met en lumière l'évolution des négociations relatives à l'engagement de travailleurs étrangers entre l'État, les organisations patronales et les syndicats ouvriers. Depuis le milieu des années 1930, ces trois acteurs sont réunis au sein d'un cartel (Statut horloger) qui régule la marche de l'industrie horlogère. L'auteur présente un cas de figure somme toute très classique, avec d'un côté le syndicat (la Fédération suisse des ouvriers sur métaux et horlogers) qui s'oppose à l'engagement de travailleurs étrangers et de l'autre des dirigeants d'entreprises qui y sont favorables, à quelques rares exceptions près. Au-delà de la question salariale, les opposants à l'engagement de travailleurs étrangers invoquent le risque que ce [End Page 143] recours à l'immigration ne débouche sur une transplantation d'activités productives dans leur pays d'origine, s'ils apprennent à fabriquer des montres. C'est au nom de cette idée que la politique d'engagement d'étrangers est durcie en 1951. Cependant, la nécessité de recruter un nombre croissant de travailleurs aboutit à une première ouverture en 1955, qui reste d'abord limitée, avec notamment l'adoption de contingents. Ce sont alors essentiellement des jeunes femmes, en provenance d'Italie, qui sont engagées. Il faut attendre la fin progressive du cartel (1961-1965) pour entrer dans une phase de plus grande libéralisation. L'auteur montre aussi le grand impact des travailleurs frontaliers français, qui sont exclus du contingentement en 1966 et engagés en masse par les fabriques suisses de montres. Leur nombre passe de 384 en 1960 à 5 282 en 1974 (p. 113).

Le deuxième chapitre est un cas d'étude au niveau de l'entreprise. Garufo a fait le choix de la fabrique Tissot, au Locle, dans le canton de Neuchâtel, qui appartient depuis 1930 à la Société suisse pour l'industrie horlogère (SSIH). Il montre comment les changements présentés dans le chapitre précédent, avec l'ouverture progressive, le contingentement et le rôle des frontaliers, sont vécus par l'entreprise. Tissot connaît une forte croissance après la Seconde Guerre mondiale. Le nombre de ses employés passe d'un peu plus de 200 en 1945 à plus d'un millier à la fin des années 1960. Garufo a notamment réalisé une base de données comprenant les 2 097 travailleurs migrants, les étrangers ainsi que les travailleurs issus des cantons alpins du Valais et du Tessin (qui ne sont donc pas soumis à la régulation du cartel relative aux étrangers, ce qui crée une certaine confusion avec le chapitre précédent), engag...

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