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  • Mirages de la carte. L'invention de l'Algérie coloniale XIXe-XXe siècle by Hélène Blais
  • Fatma Ben Slimane
Hélène Blais. – Mirages de la carte. L'invention de l'Algérie coloniale XIXe-XXe siècle, Paris, Fayard, 2014, 347 pages. « L'épreuve de l'histoire ».

Cet ouvrage est construit autour de l'élaboration du territoire algérien. Un espace sans cesse repensé, redessiné, agrandi, réinventé, un espace remodelé par l'incursion coloniale… Il n'est pas jusqu'au nom, Algérie, qui n'ait été inventé après la conquête française. Auteure de plusieurs ouvrages et études sur la question de la spatialité dans son rapport au pouvoir colonial, Hélène Blais explore à nouveaux frais un champ abordé par les postcolonial studies mais peu examiné par la recherche sur la formation des empires coloniaux. L'auteure, qui postule qu'« une souveraineté extérieure s'établit sur un territoire donné a priori, mais construit » (p. 10), s'attaque conjointement à la perception colonialiste du territoire de l'Algérie comme création purement coloniale et à la vulgate nationaliste plaidant pour une nation algérienne inscrite depuis longtemps dans un territoire identifiable.

Quels savoirs sont mobilisés dans le processus de connaissance et d'appropriation du terrain algérien? À quelle mémoire les acteurs de la colonisation (savants, militaires, ingénieurs) font-ils appel pour nommer ou dénommer l'espace conquis ou ses différentes composantes? Comment se fait la mise en carte de l'espace? Quel rôle revient dans ce processus de construction aux populations locales? C'est à ces différentes interrogations que les six chapitres de l'ouvrage tentent principalement de répondre.

Le rôle de premier plan de la production discursive dans l'invention géographique de la colonie est au cœur du premier chapitre. Hésitations et incertitudes caractérisent les premières décennies de la conquête en raison du faible savoir géographique mis à la disposition de l'armée française sur le territoire de la colonie. Le statut de la nouvelle colonie, les modalités de son occupation et jusqu'à son nom font l'objet de débat. Militaires et savants puisent dans le corpus livresque (auteurs anciens, descriptions et récits de voyage) et s'inspirent largement de l'expérience de l'expédition d'Égypte et de Morée. L'organisation territoriale romaine sert de référence pour la répartition des pouvoirs militaire et civil. Le partage des zones d'occupation est objet de tension entre eux. La prise en compte de la diversité des modes de vie locale, le souci d'ordre et de sécurité aboutissent à la création d'espaces concurrents de tailles et de statuts différents.

Le deuxième chapitre de l'ouvrage s'intéresse à la politique de la carte. Celle-ci répond à une demande du pouvoir métropolitain et à un objectif de contrôle et d'appropriation du territoire. De ce fait, la cartographie, qui reste un monopole de l'armée, constitue un outil fondamental de colonisation. La construction du territoire s'appuie sur une expérience de terrain qui met en jeu des opérations d'arpentage, de mesure et de choix de représentation. Elle trouve un modèle dans la cartographie des expéditions d'Égypte et de Morée. Les cartes sont constamment redessinées, et leur multiplicité est à mettre en rapport avec le prolongement de la [End Page 125] conquête et le contexte politique en métropole et dans la colonie. La carte traduit aussi une altérité à la fois sociale et géographique. L'enjeu est de mettre en carte cette réalité et de rendre l'espace intelligible.

La découverte du terrain fait l'objet du troisième chapitre. Le territoire algérien, avec sa topographie, ses paysages, ses tribus et leurs modes de vie, oppose une résistance à sa mise en carte. En effet il ne correspond ni aux paysages de la métropole ni à l'expérience de l'altérité acquise lors de l'expédition d...

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