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Reviewed by:
  • Broad is My Native Land: Repertoires and Regimes of Migration in Russia's Twentieth Century by Lewis H. Siegelbaum and Leslie Page Moch
  • Niccolò Pianciola
    Translated by d'Aurore Clavier
Lewis H. Siegelbaum et Leslie Page Moch Broad is My Native Land: Repertoires and Regimes of Migration in Russia's Twentieth Century Ithaca, Cornell University Press, 2014, xiv- 421 p.

Lewis Siegelbaum et Leslie Page Moch, respectivement spécialistes de la société russe et des migrations en France et en Europe de l'Ouest, se sont livrés ensemble à une relecture des mouvements de population du xxe siècle en Russie et dans l'Union soviétique. Ils se sont intéressés à «l'espace politique russe» (p. 2), terme peu commode qui rassemble à la fois l'empire tsariste, l'Urss et la Fédération de Russie. L'un des problèmes de cette définition provient de ce que l'ouvrage n'éclaire pas entièrement le rapport entre la centralité géopolitique de la Russie et la place écrasante des régions frontalières dans l'histoire des migrations eurasiennes. Les migrations rurales, les déplacements saisonniers, l'urbanisation, les mouvements professionnels ou militaires, les fuites de réfugiés, les évacuations, les déportations, les parcours d'itinérants et le nomadisme constituent les différents modèles migratoires examinés par les auteurs.

L'ouvrage adopte une structure typologique, chacun des chapitres étant consacré à une forme de migration, dont l'évolution sur l'ensemble du siècle est exposée en détail. En comparaison de la typologie utilisée par Jan et Leo Lucassen, L. P. Moch et L. Siegelbaum s'attachent moins à ce que les historiens néerlandais nomment «les migrations interculturelles1», tandis que les déportations, l'itinérance et le nomadisme, qui furent beaucoup plus importants en Russie qu'en Europe de l'Ouest, occupent une part considérable de l'analyse. Si, pour plusieurs chapitres, les deux auteurs ont utilisé les sources primaires issues d'archives centrales russes, leur travail s'appuie essentiellement sur la littérature qui s'est développée depuis vingt ans, à la suite de l'ouverture relative des archives soviétiques. [End Page 1044]

Le récit se structure autour du couple de notions que constituent, dans les termes des auteurs, les «régimes» et les «répertoires» de migration. Les premiers désignent «des politiques, des pratiques et des infrastructures conçues à la fois pour produire et limiter les mouvements humains. Chacun déterminait, de façon distincte et variable, où et comment les populations étaient censées se déplacer» (p. 3). Les répertoires – concept déjà utilisé par L. P. Moch dans ses travaux sur les migrations dans la France moderne – recouvrent «les propres pratiques des migrants, leurs relations et les réseaux de contacts permettant l'adaptation à des régimes de migrations particuliers», sous l'influence de leur «origine géographique, de leur confession, de leur genre, de leurs liens familiaux, de leurs amitiés et de leur identité professionnelle» (p. 5). Selon les lieux et les époques, les régimes migratoires de l'État et les répertoires des migrants peuvent se recouper, voire coïncider, ou à l'inverse s'opposer: «si répertoires et régimes doivent s'entendre comme des notions interactives, la nature de leurs relations pouvait varier. Tandis que, dans certains cas, ceux-ci se complétaient et se renforçaient mutuellement, dans d'autres, ils se contraient et se compensaient au contraire» (p. 389). Les auteurs limitent leur analyse aux mouvements intérieurs, mais suggèrent que les connexions entre ces phénomènes propres à la Russie et «les grands courants des migrations internationales» – ceux-ci «opér[ant] en tandem» (p. 394) – fassent l'objet de recherches futures, tout comme l'influence des déplacements de population sur l'histoire des régions frontalières dans l'empire tsariste et l'Union soviétique.

L. P. Moch et L. Siegelbaum prennent soin de donner un visage humain aux nombreux mouvements qu'ils décrivent, en s'appuyant sur des mémoires de migrants et des histoires personnelles...

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